Sous le charme de Daphné du Maurier.
Voilà un livre qui me réconcilie avec le genre des nouvelles.
Les histoires qui composent cet ouvrage sont en effet presque des "mini-romans", non pas par leur longueur (car elles sont relativement courtes, en moyenne une cinquantaine de pages) mais par la capacité de l'auteure à nous faire pénétrer dans un univers et des personnages mystérieux dès les premières lignes. Ces nouvelles m'ont tenue en haleine et, à ma grande surprise, je les ai toutes aimées (excepté la troisième intitulée "Encore un baiser").
- Les oiseaux -
Mon coup de coeur va bien entendu à la première nouvelle. C'est d'ailleurs la photographie de l'actrice Tippi Hedren en couverture qui m'a attirée. Petite, j'avais été impressionnée par ce film et comme j'avais beaucoup aimé le roman
Rebecca, j'étais curieuse de découvrir le récit originel des oiseaux. Étonnamment l'histoire est assez différente de l'adaptation cinématographique. le personnage de la blonde hollywoodienne est en effet une pure création d'
Hitchcock. le récit de Daphné du Maurier a pour personnage principal Nat Hocken, un ancien combattant de guerre. C'est son histoire ainsi que celle de sa famille qui intéressent le lecteur ici. L'auteure fait subtilement référence au Blitz, ces attaques aériennes qui ont touché la Grande-Bretagne pendant la Seconde guerre mondiale. Un récit prenant, presque cinématographique, avec une montée de la tension au fil des pages. Superbe ! On regrette presque que cette nouvelle ne soit pas plus longue.
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le pommier -
Dans la seconde nouvelle, on retrouve un univers mystérieux à la limite du fantastique. "
Le pommier" met en scène un veuf plutôt égoïste. Insensible à la mort de son épouse, il souhaite apprécier pleinement sa tranquillité. Mais pour une raison énigmatique, la vue d'un vieux pommier l'en empêche. Chaque jour, il se montre de plus en plus exacerbé par la présence de cet arbre dont l'aspect hideux ne cesse d'évoluer. La qualité d'écriture de l'auteure est remarquable. Les descriptions des arbres rendent ceux-ci vivants. « Il n'avait pas l'air d'un arbre, il ressemblait plutôt à une tente abandonnée sous la pluie par des campeurs, ou encore un plumeau, un plumeau géant décoloré par le soleil. La floraison était trop épaisse, trop lourde pour le long tronc maigre, et l'humidité qu'elle contenait l'alourdissait encore. Déjà, comme épuisées par l'effort, les fleurs des basses branches se tachaient de brun ; pourtant il n'avait pas plu. Voilà. Willis avait raison. L'arbre avait fleuri. Mais, au lieu de fleurir en vie, en beauté, il s'était, par quelque trait profond de sa nature, mal développé, et avait produit un monstre. Un monstre qui ne connaissait ni sa texture ni sa forme et s'imaginait plaire. Il avait l'air de dire avec une grimace un peu timide : « Regarde, tout cela est pour toi. » » (p89). Ou encore : « Il y avait quelque chose de monstrueux, de repoussant, dans cette fécondité, et, en même temps, de pitoyable pour l'arbre soumis à un tel supplice, car c'était un supplice, il n'y avait pas d'autre mot.
le pommier était torturé par ses fruits, brisé par leur poids, et le plus affreux était qu'aucun d'eux n'était mangeable. » (p95). Une nouvelle au rythme lent mais très intriguante.
- Encore un baiser -
Cette troisième nouvelle est plus courte. J'ai moyennement aimé l'écriture. Celle-ci est plus simple car elle se veut proche de la manière de s'exprimer du narrateur. Ce dernier, mécanicien, rencontre une ouvreuse au cinéma. La chute est assez évidente. Je n'ai pas aimé l'ambiance ni la relation entre ces deux personnages.
- le Vieux -
"Le Vieux" est une nouvelle également courte également. Un observateur et un personnage apparaissant comme un patriarche autoritaire. Je ne détaille pas pour ne pas révéler l'intrigue. Mais la chute m'a beaucoup plu. Je ne m'y attendais absolument pas. À relire en connaissant la fin, la lecture prendra une toute autre forme !
- Mobile inconnu -
La cinquième nouvelle commence avec le suicide d'une jeune femme. Personne ne comprend ce geste désespéré. Sur le point de devenir mère, Mary Farren était pleinement heureuse dans son mariage. Son époux engage alors Black, un détective pour tenter de trouver une explication. Black enquête sur le passé de Mary. Je dois dire que j'ai trouvé ses investigations passionnantes même si la chute m'a légèrement déçue. Une lecture plutôt distrayante.
- le petit photographe -
Le personnage principal de la sixième nouvelle est une marquise un peu prétentieuse délaissée par son mari qui donne la priorité à son travail. La marquise est en vacances avec ses deux enfants. Elle s'ennuie terriblement. Elle aime plaire et sentir tous les regards dirigés sur elle. Pour tromper l'ennui, elle va se rapprocher du photographe de la petite ville où elle séjourne. Encore, une fois, dès les premières lignes, je suis entrée dans l'histoire. La fin m'a plu.
- Une seconde d'éternité -
madame Ellis est veuve. Elle a une fille Susan, âgée de neuf ans, qui vit en pension. Mme Ellis attend avec impatience l'arrivée des vacances pour profiter avec Susan. En attendant, pour occuper son esprit, elle remplit ses journées, tout doit être ordonné. Un jour, en rentrant chez elle après une promenade, des individus ont investi les lieux. S'agit-il de cambrioleurs ? Ou la folie s'est-elle emparée de Mme Ellis ? Cette dernière nouvelle n'est pas ma préférée mais on peut tout de même saluer le talent de Daphné du Maurier !