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Citations sur Les Cahiers de Voronej (33)

Nous vivons sans sentir sous nos pieds le pays ,
Nos paroles à dix pas ne sont même plus ouïes ,
Et là où s'engage un début d'entretien ,
Là , on se rappelle le montagnard du kremlin .

Ses gros doigts sont gras comme des vers ,
Ses mots comme des quintaux lourds sont précis .
Ses moustaches narguent comme des cafards ,
Et tout le haut de ses bottes luit .

Une bande de chefs au cou grêle tourne autour de lui ,
Et des services de ces ombres d'humains , il se réjouit .
L'un siffle , l'autre miaule , un autre gémit ,
Il n'y a que lui qui désigne et punit .

Or de décret en décret , comme des fers il forge ,
A qui au ventre , au front , à qui à l’œil , au sourcil .
Pour lui , ce qui n'est pas une exécution , est une fête .
Ainsi comme elle est large la poitrine de l'Ossète .
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Par thêta et iota la flûte grecque,
Comme si la rumeur ce n’était pas assez,
Sans prendre forme et sans aucune règle,
Mûrissait, ahanait, franchissait les fossés…

Et on ne pouvait la laisser tomber,
Les dents serrées, la forcer à se taire,
Ni en mots la faire s’articuler,
Et non plus la pétrir avec les lèvres.

Rien ne pourrait apaiser le flûtiste,
Car il lui semble être seul ici-bas
Et sa mer natale l’avoir jadis
Modelée lui-même avec une glaise lilas.

Et par le clair et ambitieux murmure
Des lèvres, leur galopante mémoire,
Il s’empresse de garder la mesure,
De s’emparer des sons avec un soin avare.

Nul ne peut les répéter après lui,
Boules d’argile suppliciées entre les paumes –
Moins encore depuis que la mer m’a rempli
Et que la peste m’est seule mesure et aune.

Et je n’aime plus mes lèvres en fièvre
(Le meurtre ici pourrait prendre racine),
Et malgré moi l’équilibre s’achève,
La flûte à l’équinoxe décline, décline…
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J’écoute une musique intense…


J’écoute une musique intense,
À mes yeux s’ouvre l’Infini.
Le vol des oiseaux de minuit
Traverse en planant le silence...

Simple comme le ciel uni,
Et pauvre comme la nature,
Ma liberté m’est plus obscure
Que la voix des oiseaux de nuit.

Là-haut, blafard dans les étoiles,
Brille un croissant blême et languide ;
Oui, je le fais mien, ô Grand Vide,
Ton univers étrange et pâle !
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Pour que le bon produit de Pouchkine



Pour que le bon produit de Pouchkine ne tombe pas
     entre les mains de fainéants,
Une tribu de pouchkinistes avec revolver et vareuse fait
     ses classes,
Les jeunes amateurs de poésies aux dents blanches, les
     voici !
Donnez-moi pour un pouce de mer bleue, seulement
     pour un œil d'aiguille de mer bleue.
Le train roulait vers l'Oural. Un Tchapaiev parlant
Bondissait de l'image dans nos bouches étonnées,
Derrière une clôture de planches, sur une bande de
     drap,
Mourir et puis sauter sur son cheval.

                                                  Juin 1935, Voronèje.


//Traducteur Henri Abril
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Le jour était interminable



Le jour était interminable, à cinq têtes. Sans répit,
     pendant cinq fois vingt-quatre heures,
Recroquevillé, je m'étais enorgueilli de l'espace, de le
     voir pousser sur de la levure,
Le sommeil était plus ancien que l'ouïe, et l'ouïe était
plus ancienne que le sommeil, fine et compacte,
Et les grand-routes nous suivaient à la trace, tirant sur
     la bride des cochers.

Le jour était interminable, à cinq têtes. Stupéfiée par la
     danse,
La cavalerie chevauchait, venait ensuite des fantassins la
     masse au faîte noir,
Par la dilatation de l'aorte de la puissance dans les nuits
     blanches, non, dans les couteaux,
L'œil était métamorphosé en viande de conifère.


                                                  Juin 1935, Voronèje.


//Traducteur Henri Abril
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*******************************************

Précieux levain de ce monde :
Les sons , les larmes , l'effort ....
Accents pluvieux et accords
Du malheur qui bout et monte ,
Sons perdus qui tant nous manquent ,
Où vous retrouver , dans quelle gangue ?

La mémoire , cette gueuse ,
A pour la première fois des trous
Que remplit une eau cuivreuse ,
Mais tu les suis malgré tout ,
A toi-même , étranger , vide
A la fois aveugle et guide .
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Donnez-moi pour un pouce de mer bleue



Donnez-moi pour un pouce de mer bleue, seulement
     pour un œil d'aiguille de mer bleue,
Que le double du temps d'escorte passe comme une
     voile bienheureuse !
O ! la geste russe avec le pain dur, et sans boire ! Et la
     cuiller de bois !
Vous autres, où êtes-vous, les trois braves gars du
     portail de fer du Guépéou !


                                                  Juin 1935, Voronèje.


//Traducteur Henri Abril
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Aux bois sont des loriots… La longueur des voyelles

Est la seule mesure dans les vers toniques.

Mais la nature, juste une fois l'an, déborde

De la durée, comme la métrique d'Homère.

Ce jour est comme une césure, grand ouvert.

Dès le matin calme et de rudes lenteurs.

Et les bœufs sont au pré, on est trop alangui

Pour tirer d'un roseau le trésor d'une note pleine.
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Pour la gloire à venir…


Pour la gloire à venir, la gloire héréditaire,
    La haute lignée des humains,
J’aurai perdu ma coupe à la table des pères,
    La gaieté, l’honneur, tout enfin ...

Le siècle, loup-cervier, bondit sur mes épaules ...
Ô siècle, je ne suis point loup et je t’en prie,
Comme on fourre un bonnet dans une manche molle,
Mets-moi sous ta pelisse au chaud en Sibérie.

Cache à mes yeux la boue aux lâchetés cruelles,
Ainsi que cette roue aux sanglants ossements,
Pour que je voie, en leur splendeur originelle,
Les chiens bleus consteller l’immense firmament.

Emporte-moi là-bas où coule l’Iénisséi,
Où vers l’étoile d’or un haut sapin s’allonge,
Car je n’ai pas la peau d’un loup et je ne sais
Sans déformer ma bouche énoncer des mensonges.
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Nous vivons sans sentir sous nos pieds le pays ,

Nos paroles à dix pas ne sont même plus ouïes ,

Et là où s'engage un début d'entretien ,

Là , on se rappelle le montagnard du kremlin .

Ses gros doigts sont gras comme des vers ,

Ses mots comme des quintaux lourds sont précis .

Ses moustaches narguent comme des cafards ,

Et tout le haut de ses bottes luit .

Une bande de chefs au cou grêle tourne autour de lui ,

Et des services de ces ombres d'humains , il se réjouit .

L'un siffle , l'autre miaule , un autre gémit ,

Il n'y a que lui qui désigne et punit .

Or de décret en décret , comme des fers il forge ,

A qui au ventre , au front , à qui à l’œil , au sourcil .

Pour lui , ce qui n'est pas une exécution , est une fête .

Ainsi comme elle est large la poitrine de l'Ossète .
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