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Critique de Meps


Meps
05 février 2023
Comme beaucoup je pense, je me suis intéressé plus jeune aux pharaons. Une religion polythéiste avec des dieux à tête de chacal, de chat ou de faucon, ça a plutôt tendance à parler à la jeunesse. Et des guerriers menés par un roi aux costumes chatoyants aussi. du coup j'avais découvert plus tard l'histoire de Ramses dans les livres de Christian Jacq, pas de la grande littérature mais une belle découverte d'aventures passionnantes. Et puis j'ai petit à petit laissé l'Egypte et les pharaons disparaître de mon horizon. C'est avec plaisir que je me vois donc incité à lire le Nobel égyptien Naguib Mahfouz et son Akhenaton, que je savais bien être autre chose qu'un chanteur de l'école du micro d'argent. Une belle occasion de replonger dans mes amours d'enfance égyptienne, en compagnie cette fois d'un auteur à la plume reconnue.


Je n'avais en revanche pas conscience qu'il fut lui en rébellion contre ce même polythéisme qui m'avait tant tenté dans sa civilisation, d'où le renégat du titre. J'avais une vague notion de l'existence d'un dieu Amon et d'un Aton mais sans bien comprendre la différence, ni qu'ils avaient postulé au poste du Dieux des dieux de ce panthéon. J'avais plus connaissance de Râ, dieu soleil (équivalent d'Amon si je ne me trompe pas) en lien avec le pharaon Ramsès.


Mahfouz choisit un angle de narration original et intéressant pour son histoire, celui d'une sorte d'enquête journalistique et historique auprès des témoins ayant connu Akhénaton de son vivant. Malgré les répétitions inévitables, il parvient à nous happer dans ces témoignages successifs. Il en ressort une belle réflexion sur L Histoire, fusion de l'ensemble de ces récits qui se retrouvent sur la trame globale mais sont si différents dans leurs analyses des évènements et des personnages. On comprend à quel point chacune des personnes interrogées cherche plus à se dédouaner, à expliquer son rôle dans l'histoire, qu'à décrire les faits de façon neutre. Il nous reste un patchwork dont il est difficile de ressortir une vérité, si chère au pharaon Akhenaton.


Au delà de l'Histoire, c'est bien évidemment à la religion que Mahfouz s'intéresse également. Régulièrement critiqué et menacé pour certaines de ses réflexions sur l'Islam, l'auteur ne pouvait se priver de parler du sujet indirectement ici, sans risquer de foudres puisqu'évoquant un passé d'où la religion majoritaire égyptienne était encore absente. Je n'ai pu m'empêcher de voir dans l'histoire d'Akhénaton des ressemblances avec celle de Mahomet, l'exil dans la cité d'Akhetaton pouvant être comparé à l'Hégire à Médine. Mais aussi des ressemblances avec le Jésus chrétien, dans cette louange d'un Dieu d'amour qui refuse toute violence, je m'attendais presque à ce que le pharaon tende la joue gauche. Ces similitudes sont finalement celles que L Histoire elle-même donne, étonnant donc encore par sa faculté de répétition. Mais les passages sur le rôle obscur des prêtres d'Amon, bien décidés à conserver leur pouvoir ancestral face au nouveau culte d'Aton, font penser aux critiques adressés aux Eglises, aux imams, dont les prêches néfastes viennent manipuler les masses. Mais évidemment toute ressemblance ne serait que fortuite.


Le sujet est donc diablement (hi hi) intéressant, l'originalité de l'angle totalement adaptée. le style de l'auteur que l'on sent poindre dans les descriptions très vivantes de la pourtant morte capitale abandonnée d'Akhetaton, est souvent contraint par le format des différents entretiens menés par le narrateur avec les proches du pharaon. L'envie est donc maintenant grande d'aller se confronter plus longuement avec ce style du seul Nobel arabe en allant fureter par exemple vers sa renommée Trilogie du Caire et son premier tome Impasse des deux palais.

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