L'étincelle dans le vent, mais l'étincelle qui cherche la poudrière
Dans sa préface, Feu dans la nuit rouge, Alex Januário parle de lumière, du positionnement d'insurgé et de surréaliste de
Michael Löwy, de rigueur critique et poétique, de l'amour, la poésie et la liberté, « Ces trois forces que l'on retrouve comme des éléments moteurs dans chacun de ces deux champs, sont des pierres alchimiques de lumière noire, des rayons qui peuplent la nuit et les
rêves, autant de rets incantatoires qui évoquent ici les images orageuses du mystère qui les entoure », des gouffres de l'âme et des mouvements révolutionnaires, des forces d'insoumission et de réenchantement, « La Comète incandescente déchire le soleil noir et s'installe dans la nuit aimante comme la lumière de la plus-réalité poétique, abrasive, transformatrice. Magique et séminale, l'illumination profane et subversive »…
Il me plait à penser que ce soleil noir fut aussi celui de Barbara.
« c'est un ensemble d'essais et de fragments, dont le fil conducteur est, de forme explicite ou implicite, le rapport entre mélancolique révolte romantique et l'aventure surréaliste à la recherche de l'or philosophique du temps ».
Michael Löwy analyse, dans un premier texte, l'« aspiration romantique à réenchanter le monde », le détour par le passé proposé par certains « en vue de construire l'avenir », le radicalement nouveau dans le surréalisme, la lecture « hautement sélective » par les surréalistes de l'héritage romantique, l'ébranlement des fondations de l'ordre culturel bourgeois, l'opposition « radicale, catégorique, irréductible » à la civilisation capitaliste…
L'auteur parle, entre autres, des jeux surréalistes, du dépassement de l'« art » en tant qu'activité séparée ou ornementale, de la critique de la religion et du nationalisme, de trois notions clés : « le mythe, la magie et les arts primitifs », d'alternative profane à l'emprise de la religion sur le non-rationnel, du « réenchantement poétique du monde », de la radicale opposition au colonialisme occidental…
Quelques éléments choisis subjectivement dans cette comète incandescente.
« La magie et la religion constituent deux univers symboliques distincts et opposés. Des affinités souterraines, des complicités sensibles attirent le surréalisme vers la magie, mais la religion ne suscite de sa part que méfiance et hostilité ». L'auteur aborde les rapports entre le langage et la magie, les lectures de la Kabbale, la foi et le mystère, l'enjeu de la magie du langage…
Il nous parle de résistances à la mécanisations des corps, du clergé techno-scientifique, des allégories de l'automate, de « la ligne contestataire imaginaire qui va des romantiques aux surréalistes »…
Dans la seconde partie du recueil, Constellations, la lectrice et le lecteur croiseront
José Carlos Mariátegui et la culture révolutionnaire, le Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant, la rencontre d'
André Breton et de
Léon Trotsky, la Fédération pour un Art Révolutionnaire Indépendant (FIARI),
Ernst Bloch et le Principe espérance, « un voyage extraordinaire et fascinant à travers le passé à la recherche des images du désir et des paysages de l'espoir dispersés », les liens entre le passé et l'avenir, « la découverte de l'avenir dans les aspirations du passé sous la forme d'une promesse non tenue », l'excédent utopique, les
rêves éveillés, « la libre construction, les yeux grands ouverts, de palais dans les nuages, la création d'images et de paysages réels »,
Claude Cahun et l'extrême pointe de l'aiguille, les activités subversives vers les soldats allemands « en les incitant à l'insoumission » (ce qui était beaucoup plus émancipateur que le chacun son boche des staliniens),
André Breton et la Révolution haïtienne, « le saut du règne de la nécessité au règne de la liberté », le cinéaste Michel Zimbacca, le romantisme révolutionnaire d'acteurs et d'actrices de Mai 68,
Vincent Bounoure, les rebelles étasunien·nes,
Penelope Rosemont, Sergio Lima… et souvent l'ombre inspirante de
Walter Benjamin.
Un texte collectif, L'étincelle à la recherche de la poudrière, aborde « le contenu toxique transporté par les oléoducs canadiens », le douteux paradis de la croissance sans limites, la résistance des communautés indigènes, l'engagement actuel de surréalistes dans la solidarité avec le combat des peuples amérindiens…
Le titre de cette note est emprunté à
André Breton, cité en prélude à ce texte.
Je souligne aussi les illustrations de Sergio Lima,
Guy Girard et
Penelope Rosemont.
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