« Lancer un lynchage médiatique est plus facile que de faire décoller un buzz positif. Elle prétend qu’elle sait faire les deux, mais l’époque plébiscite la brutalité. Celui qui défonce est celui qu’on écoute – il faut toujours prendre un pseudonyme mâle pour malmener quelqu’un. Le seul son qui apaise les forcenés qui hantent les couloirs du Web, c’est celui du maton qui broie les os d’un codétenu. »
Vernon a vu des dizaines de clients agités de cette logorrhée, typique de quand on se sent obligé de meubler la conversation sans jamais s'arrêter sous peine d'être confronté à des idées si angoissantes qu'elles pourraient vous dissoudre, entièrement.
Vernon a l'air frêle, usé, fatigué. D'après Sylvie c'est un putain de voleur qui mérite le pire, comme toutes les salopes de son espèce, mais ça ne change rien à la désolation que ce spectacle inspire. Xavier a toujours détesté la pitié, ce sentiment hideux, il préférerait tuer un homme que de le prendre en pitié. Mais ces affirmations ne tiennent pas au ventre.
Si on explique au client que c’est sans effort, on ne peut pas lui dire ensuite que ça va lui coûter très cher. Et puis c’était agréable de sentir qu’il se liquéfiait. C’est toujours bon de savoir qu’un petit despote souffre de temps en temps. (p. 155)
Une fois franchi le cap, tout se déroule en douceur, avec une rapidité troublante. Il est passé de l’autre côté. Le monde des actifs lui parait déjà loin. Le monde de ceux qui sont pressés d’aller quelque part et honteux de leur propre trouille de finir à sa place, s’ils ne cravachaient pas assez dur.
Vernon n'a jamais roulé sur l'or. Avant les années 2000, ça ajoutait en crédibilité. Mais la mouise a perdu son aura poétique.
Alors que pendant des décennies elle venait valider l'artiste, le vrai, celui qui a préféré ne pas vendre son âme.
Aujourd'hui, c'est mort aux vaincus.
Même dans le rock.
L'âme est un navire imposant qu'il faut savoir manœuvrer avec prudence.
Il est difficile de voir quelqu'un obtenir ce que tout le monde désire, et de devoir le consoler, en prime.
Il avait demandé aux passants qu'on lui indique la bibliothèque la plus proche, personne ne savait lui répondre, jusqu'à ce qu'un adolescent compatissant jette un oeil sur son iPhone pour l'orienter.
- [...] Marie-Ange en veut un deuxième : un garçon. Mollo ! Je suis un être humain, pas un réservoir à sperme !