— C’est exact. C’est ce que j’appelle un refuge : une mémoire parallèle qui se substitue à la réalité afin que la victime cesse de souffrir, une illusion projetée par le cerveau pour que son propriétaire survive, tout comme le bouclier neurologique dont je vous ai parlé. En gros, un endroit où se cacher, comme la couverture sous laquelle nous nous sommes tous réfugiés enfants pour fuir des monstres réels ou imaginaires.
Elle se fit la réflexion qu'une vie solitaire avec pour seuls bruits de fond le rouleau des vagues et les claquements de bec de centaines d'oiseaux pouvait en partie expliquer la folie de sa grand-mère.
Certaines civilisations affirmaient que lorsqu'un
ancêtre mourait, ses descendants perdaient une partie d'eux-mêmes. Pas seulement d'un point de vue généalogique ou mémoriel, mais également physique. Que les atomes provenant de nos parents et présents dans notre constitution cessaient de vivre à leur tour et que cela entraînait une tristesse organique. Elles
prétendaient que c'était là la raison de la fatigue
ressentie lors d'un deuil.
Errer sur un rocher avec pour simple compagnie la présence de volatiles ressemblait plus à un cauchemar hitchcockien qu'à une visite de recueillement familial.
Après tout, que devient un cauchemar quand vous le videz de son potentiel effrayant ? Un rêve, tout simplement.
Mais les ruptures se nourrissent du temps et du silence.
Elles dévorent nos remords et les digèrent jusqu’à les rendre inaudibles.
Nous utilisons tous ces refuges, débuta le professeur […] généralement sans nous en rendre compte. Un simple sourire peut en être un. […] Lire un livre en est un autre. S’évader de son quotidien pour vivre des aventures par procuration… Mais écrire ce livre en est un également. Derrière ce déluge de mots, l’auteur projette bien souvent ses craintes les plus profondes et les enferme en espérant s’en débarrasser à jamais. Il se réfugie dans la narration de ses pires démons pour ne plus les croiser dans le reflet de son miroir.
On a pas le droit de débarquer ainsi dans la vie des gens, surtout une fois morte.
Le temps est une notion instable .
Tiens, lui proposa-t-il en lui tendant l'assiette, goûte-moi ces biscuits, depuis deux mois ma femme pense que la pâtisserie est l'avenir de l'humanité. Tous les jours, une nouvelle recette. Mon taux de glycémie atteint des pics records, j'ai l'impression de pisser du sirop de glucose à chaque fois que je vais aux toilettes.