Une présentation qui surprendra peut-être, ni couverture cartonnée ni glacée, presque le fin dossier marron et souple d'une réunion qui se prépare avec les lecteurs, grands et petits.
Posons nous et prenons le temps de prendre des nouvelles de notre enfance.
Comment va t-elle?
Le sujet.
L'auteure offrira une pause, plusieurs pauses dans des contextes du quotidien identifiables à l'image.
Un dialogue. Deux personnages hors champ, une maman, on le supposera et son enfant.
Cette maman s'entretiendra à plusieurs reprises avec son enfant pour noter son humeur du moment, comme si elle tentait un peu de se rappeler l'enfant qu'elle fut tout en s'assurant que tout va bien.
"Que vois-tu,
à hauteur d'enfant, que je ne perçois plus depuis que je n'ai plus le temps de prendre soin de moi?"
"Qu'entends-tu,
à hauteur d'enfant, que je ne saisis plus depuis que j'assiste au défilé des injustices sans me révolter?"
Avouer que l'on n'aura pas toujours le temps, que le temps va trop vite pour que l'on s'empare des choses, qu'entre quelques bonheurs il y a aussi la fatigue pour que cela soit, qu'il ne suffira pas juste de le vouloir, pourra sembler audacieux parce que beaucoup de mères s'autoriseront à le penser mais pas toujours à le verbaliser devant l'enfant. On peut être trop occupé ou trop fatigué à être parent ou tout simplement un adulte.
C'est normal.
Ce parent laissera planer
à hauteur d'enfant que l'existence d'un adulte est vraiment pleine de responsabilités.
Les réponses de l'enfant seront innocentes, aussi diverses que son appétit et sa curiosité le permettront.
Que vois tu?
"Le fond du plat les jours de crêpes.
Le sang des croûtes aux genoux.
L'encre de la décalcomanie sur la langue..."
Que goûte tu?
" ... les orties qui piquent... , les mains calleuses d'une maman courageuse, le pied des podiums réservés toujours aux mêmes..."
Les réponses donneront le ton, la météo du jour avec cet enfant, qui va sentir, ressentir et l'exprimer là. C'est un peu la conversation de la journée parents-enfants pour ne pas rompre le contact "et aujourd'hui, ta journée, c'était comment?"
Seul l'enfant s'exprimera de s
a hauteur d'enfant et le contraste entre la question de l'adulte parfois préoccupé et la réponse de l'enfant insouciant donnera un mélange savoureux.
Les illustrations finalement nous donneront aussi une vue
à hauteur d'enfant, d'en bas, le haut du frigo, la corde à linge et ses prisonniers qui claquent au vent, d'en haut, les escargots sur le sol, assis, la boite de céréales posée devant.
Des ouvertures dans la page permettront aussi de rebondir sur la page suivante et de prolonger le fil de pensée de l'enfant.
À quoi pense t-il?
C'est un peu ça la vie, non? Que les grands travaillent durs pour que les enfants n'arrêtent pas de rêver, de grandir sereinement?
Dans son aventure, l'auteure ne cherchera pas à culpabiliser mais à ne pas nier non plus, juste avec la mention d'une petite phrase qui éclairera sur sa propre humeur, que l'adulte existe, ce qui permettra une reconnaissance dans le tableau idylique et une perspective plus réelle et juste de ce petit bonheur sans soucis.
Que vois-tu?
" le pelage mouillé de ton animal préféré.
L'herbe fraîchement coupée. le lit du sans-abri en carton cannelé..."
Pas sûr que l'enfant note ce qu'il y aura derrière l'usage du carton, plus intéressé par l'aspect cannelé du carton à terre.
On aimera ces évocations fines qui en diront long sur une innocence.
Un album singulier et intéressant.