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Citations sur Onitsha (27)

C'était donc cela, l'Afrique, cette ville chaude et violente, le ciel jaune où la lumière battait comme un pouls secret. Avant qu'ils ne repartent pour Dakar, les Botrou avaient invité Maou et Fintan à Gorée, pour visiter le fort. Sur la rade, le canot glissait vers la ligne sombre de l'île. La forteresse maudite où les esclaves attendaient leur voyage vers l'enfer. Au centre des cellules, il y avait une rigole pour laisser s'écouler l'urine. Aux murs, les anneaux où on accrochait les chaînes. C'était donc cela l'Afrique, cette ombre chargée de douleur, cette odeur de sueur au fond des geôles, cette odeur de mort. Maou ressentait le dégoût, la honte. Elle ne voulait pas rester à Gorée, elle voulait repartir au plus vite vers Dakar.
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Fintan guettait les éclairs. Assis sous la varangue, il regardait le ciel du côté du fleuve, là où l'orage arrivait. Chaque soir, c'était pareil. Au coucher du soleil, le ciel s'obscurcissait à l'ouest, du côté d'Asaba, au-dessus de l'île Brokkedon. Du haut de la terrasse, Fintan pouvait surveiller toute l'étendue du fleuve, les embouchures des affluents, Anambara, Omerun, et la grande île plate de Jersey, couverte de roseaux et d'arbres. En aval, le fleuve formait une courbe lente vers le sud, aussi vaste qu'un bras de mer avec les taches incertaines des îlots qui semblaient des radeaux à la dérive. L'orage tournoyait. Il y avait des traces sanglantes dans le ciel, des déchirures. Ensuite, très vite, le nuage noir remontait le fleuve, chassant devant lui les vols d'ibis encore éclairés par le soleil.
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Le Surabaya, un navire de trois cents tonneaux, déjà vieux, de la Holland Africa Line, venait de quitter les eaux sales de l'estuaire de la Gironde et faisait route vers la côte ouest de l'Afrique, et Fintan regardait sa mère comme si c'était la première fois. Peut-être qu'il n'avait jamais senti auparavant à quel point elle était jeune, proche de lui, comme la soeur qu'il n'avait jamais eue. Non pas vraiment belle, mais si vivante, si forte. C'était la fin de l'après-midi, la lumière du soleil éclairait les cheveux foncés aux reflets dorés, la ligne du profil, le front haut et bombé formant un angle abrupt avec le nez, le contour des lèvres, le menton. Il y avait un duvet transparent sur sa peau, comme sur un fruit. Il la regardait, il aimait son visage.
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On allait vers d'autres ports, d'autres embouchures. Manna, Setta Krous,Tabu, Sassandra, invisibles dans les palmes sombres, et les îles apparaissant, disparaissant, les fleuves roulant leurs eaux limoneuses, poussant vers la mer les troncs errants comme des mâts arrachés dans un naufrage, Bandama, Comoe, les lagunes, les immenses plages de sable fin.
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A l'aube, quand personne n'était encore levé, Fintan était déjà sur le pont pour voir l'Afrique. Il y avait des vols d'oiseaux très petits, brillants comme du fer-blanc, qui basculaient dans le ciel en lançant des cris perçants, et ces cris de la terre faisaient battre le cœur de Fintan, comme une impatience, comme si la journée qui commençait allait être pleine de merveilles, dans le genre d'un conte qui se prépare.
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L'harmattan soufflait. Le vent chaud avait séché le ciel et la terre, il y avait des rides sur la boue du fleuve, comme sur la peau d'un très vieil animal. Le fleuve était d'un bleu d'azur, il y avait des plages immenses pleines d'oiseaux. Le bateau à vapeur ne remontait plus jusqu'à Onitsha, il s'arrêtait pour débarquer les marchandises à Degema. A la pointe de l'île Brokkedon, le George Shotton était couché dans la vase, tout à fait semblable à la carcasse d'un monstre marin.
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Fintan respirait l'odeur. Elle entrait en lui, elle imprégnait son corps. Odeur de cette terre poussiéreuse, odeur du ciel très bleu, des palmes luisantes, des maisons blanches. Odeur des femmes et des enfants vêtus de haillons. Odeur qui possédait cette ville. Fintan avait toujours été là, l'Afrique était déjà un souvenir.
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Marima, que puis-je te dire de plus, pour te dire comment c'était là-bas, à Onitsha? Maintenant, il ne reste plus rien de ce que j'ai connu. A la fin de l'été, les troupes fédérales sont entrées dans Onitsha, après un bref bombardement au mortier qui a fait s'écrouler les dernières maisons encore debout au bord du fleuve. Depuis Asaba, les soldats ont traversé le fleuve sur des barges, ils sont passés devant les ruines du pont français, devant les îles noyées par la crue. C'est là qu'était né Okeke, le fils d'Oya et d'Okawho, il y a vingt ans déjà. Les barges ont accosté sur l'autre rive, là où se trouvait l'embarcadère des pêcheurs, à côté des ruines du Wharf et des hangars éventrés de la United Africa. Onitsha était désertée, les maisons brûlaient. Il y avait des chiens faméliques et, sur les hauteurs, des femmes, des enfants à l'air égaré. Au loin, dans les plaines d'herbes, le long des sentiers boueux, les colonnes de réfugiés marchaient vers l'est, vers Awka, vers Owerri, vers Aro Chuku. Peut-être qu'ils passaient sans les voir devant les châteaux magiques des termites, qui sont les maîtres des sauterelles. Peut-être que le bruit de leurs pas et de leurs voix réveillait le grand serpent vert caché dans les herbes, mais personne ne songeait à lui parler. Marima, que reste-t-il maintenant d'Ibusun, la maison où tu es née, les grands arbres où se perchaient les vautours, les limonettiers cousus par les fourmis, et au bout de la plaine, sur le chemin d'Omerun, le manguier sous lequel Bony s'asseyait pour m'attendre?
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Tout à coup elle comprenait ce qu'elle avait appris en venant ici, à Onitsha, et qu'elle n'aurait jamais pu apprendre ailleurs. La lenteur, c'était cela, un mouvement très long et régulier, pareil à l'eau du fleuve qui coulait vers la mer, pareil aux nuages, à la touffeur des après-midi, quand la lumière emplissait la maison et que les toits de tôle étaient comme la paroi d'un four.
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La jeune reine Arsinoë est la première à recevoir la marque d'Osiris et d'Horus. Le dernier grand prêtre est mort il y a longtemps déjà, enfermé dans le tombeau d'Amanirenas au milieu du désert. C'est un Nouba d'Alwa, nommé Geberatu, qui grave les signes sacrés, sur le front les deux grands yeux de l'oiseau du ciel, représentant le soleil et la lune, et sur les joues les stries obliques des plumes des ailes et de la queue du faucon. Il incise le visage de la reine avec le couteau rituel, et il saupoudre les marques avec de la limaille de cuivre. La même nuit, tous les enfants premiers-nés, garçons et filles, reçoivent le même signe afin que nul n'oublie l'instant où le dieu s'est arrêté dans sa marche et a éclairé pour le peuple de Meroë le lit du grand fleuve.
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