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sur 221 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En guise de prologue, l'auteur nous livre des noms « ce sont ces noms que je veux dire, ne serait-ce qu'une fois, pour les appeler, pour mémoire, puis les oublier. »

Puis commence le récit avec les deux branches de la famille Fersen qui descendent de l'ancêtre Axel Fersen qui a débarqué en 1796 : la branche « noble », celle qui a réussi et occupait la propriété « Alma » à laquelle appartient Jérémie, de l'autre celle dont on a un peu honte qui était dans une maison miteuse (une cabane au fond du jardin !) masquée par un rideau d'arbres, à laquelle appartient Dominique, alias Dodo.

L'auteur a choisi d'alterner les deux histoires, comme un chant à deux voix, chacun des deux personnages étant à la poursuite d'une quête.

Dodo, défiguré par la maladie qui l'a bouffé, qui n'a pas de nez, de paupières, de lèvres, ne dort jamais, et peut lécher son oeil avec sa langue, qui vit de façon misérable, se fait souvent agresser et finit par quitter le pays pour rejoindre la France, terre de son ancêtre. Dodo qui trouve refuge dans les cimetières, et recouvre à la craie le nom de ses parents pour perpétuer leur souvenir. Ce « clochard merveilleux » s'exprime toujours au présent : « la littérature ne parle pas du passé ni du futur, elle parle du présent dans laquelle elle est écrite » a confié l'auteur…

Jérémie, dont le père a quitté l'île et n'y est jamais retourné, ne conservant qu'une pierre gésier de dodo, qui lui sert de rappel, de fétiche, et qui va retourner à Maurice pour rechercher les traces de sa famille.

« Mon père était émigré, on dit maintenant de la « diaspora » – c'est un mot que je ne lui ai jamais entendu prononcer, pas plus que le mot « exil ». Il n'en parlait pas, même s'il était imprégné de la plus profonde nostalgie pour son pays natal. Ses regrets, il ne les disait pas avec des mots. Il les extériorisait par des gestes, par des manies, par des fétiches. » P 32

Se croiseront ils ?

J.M.G. le Clézio nous raconte la quête initiatique de Jérémie (qui lui ressemble beaucoup ?) à la recherche des secrets de famille, de la terre perdue, de l'exil mais surtout de la culpabilité qui peut tourmenter les descendants des esclavagistes, ces êtres qu'on arrachait à leur terre pour les embarquer sur des bateaux et qu'on tuait à la tâche. Ils n'auront pour identité qu'un prénom et le nom du bateau qui les a amenés… traités comme des sous-humains, parfois enfermés dans un puits sans fond dont ils ne pouvaient s'échapper et sur les murs duquel, on peut encore voir les traces des ongles, dans un effort inutile pour s'échapper ; par souci de cruauté, on leur laissait voir le ciel…

Le troisième personnage est le dodo, alias Raphus cucullatus, l'animal mythique qui a régné en maître à Maurice, avant l'arrivée de l'homme qui l'a exterminé méthodiquement, détruisant son habitat pour y planter de la canne à sucre, avec une main d'oeuvre constituée d'esclaves. Ce dodo, oiseau sans aile qui pleure quand il se retrouve seul ou prisonnier et se laisse mourir…

J.M.G. le Clézio décrit la canne à sucre, l'esclavage, les Marrons, venus d'Asie qui se cachent dans la forêt, tentant de préserver un peu de culture, de respect de la Nature. Forêt qui couvrait les neuf dixièmes de l'île en 1796 et qui subsiste à l'état de poches de forêt endémique, des miettes.

Le rythme de l'écriture est lancinant, les mots reviennent comme ce morceau de Schubert que Dodo arrive encore à jouer au piano, avec ses doigts raidis par la maladie… Et qui dit si joliment : « je ne sais pas encore que le bonheur, ça ne dure pas »

Un personnage, parmi les nombreux qui font partie du roman, vient adoucir cette histoire : Aditi, jeune femme proche de la nature, enceinte à la suite d'un viol, curieuse de tout dans cette poche de forêt, qui est à la recherche de l'essentiel comme Jérémie est sur les traces de son oiseau disparu…

J'aime beaucoup cet auteur dont j'ai lu et aimé au moins une dizaine de livres, et pourtant cette lecture a été difficile, malgré la beauté du style et la manière dont il expose cette quête initiatique, autant que le côté inéluctable du destin de l'homme. Je me suis sentie coupable, j'ai eu honte d'appartenir à la gent humaine (quand on pense que cela a donné des mots comme humanité, humanisme…) capable de commettre des choses aussi abjectes, alors que ma famille n'a jamais rien eu à voir avec l'esclavagisme, la colonisation…

Lors de son passage à La Grande Librairie, J.M.G. le Clézio a dit que ses ancêtres avaient été compromis dans l'esclavage, que c'était une responsabilité collective dont il portait un peu le poids, pas de la culpabilité, car la responsabilité appartenait aussi à la Compagnie des Indes où Voltaire avait des actions, donc personne n'était innocent…

On retrouve le même récit croisé, les mêmes quêtes que dans un roman plus ancien que j'ai adoré « Etoile errante », mon premier livre de l'auteur qui a déclenché un coup de foudre pour son style… mais ici, le récit est plus dur, plus désenchanté, plus noir même parfois.

J'ai mis du temps à rédiger cette critique, alors que j'ai terminé le roman il y a plus d'une semaine, car submergée par l'émotion, la révolte et ce cri lancinant venu d'outre-tombe, dooo-do, dooo-do … en tout cas, je l'ai beaucoup aimé et j'espère vous avoir donné l'envie de le lire.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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C'est à travers deux récits croisés que JMG le Clézio emporte son lecteur sur la terre de ses ancêtres, l'île mère : l'île Maurice.
Il y a tout d'abord l'histoire de Dominique, dit Dodo, le dernier des Felsen devenu l'admirable clochard de l'île. Dodo n'a plus le droit d'aller à Alma, l'ancien domaine familial, alors il passe ses journées sur le carrefour de la Louise ou bien se réfugie dans les cimetières pour prendre soin de ceux qui ne sont plus là.
Jérémie, l'Européen, en arrivant à Maurice, veut retrouver la trace du dodo, cet oiseau magnifique et légendaire qui fut le premier habitant de l'île. Mais cette quête est aussi celle de ses ancêtres. Jérémie veut retrouver les lieux où son père a passé ses premières années, ces lieux qu'il ne connaît qu'à travers les coquillages, cartes et pierres posés comme autant de souvenirs d'une époque révolue mais bénie.

JMG le Clézio, une nouvelle fois, s'inspire de sa propre histoire familiale pour nous livrer un roman où se mêlent plusieurs thématiques chères à l'auteur.
« Alma », c'est tout d'abord la quête des origines. Jérémie, sorte d'avatar de le Clézio, tente de remonter le passé à la recherche des traces d'un oiseau mythique. Mais à travers l'histoire du dodo, c'est tout le passé de l'île qui remonte à la surface et la mémoire de ce qui fut : les premiers colons, les esclaves, les coolies indiens, la ruine des grandes familles de planteurs...Histoire d'une époque aujourd'hui révolue mais qui fut celle des ancêtres de Jérémie et avec elle, son lot de splendeurs et de honte liée au rôle qu'ont pu jouer les Felsen dans l'esclavage. La mémoire des marrons, les oubliés de Maurice, est ici ravivée au gré des témoignages et contes locaux qu'écoutent Jérémie.

Pour faire revivre ces gens, JMG le Clézio égrène leurs noms. Ceux trouvés dans les archives, sur les tombes, de ces gens qui exploitèrent les richesses de l'île et de ces gens pour qui elle fut un enfer. L'écrivain nous les cite tous pour montrer combien ce dont il parle, ce n'est pas que de la fiction. Dodo, le clochard magnifique, participe de cette évocation par ses paroles éternellement au présent, qui mêlent le passé et son époque actuelle. Dodo, symbole de tous les exclus du monde, de Maurice à Paris, est aussi la mémoire de ces esclaves qui n'avaient pour nom que celui de leur propriétaire ou du bateau sur lequel ils étaient arrivés. Et dans les exclus d'aujourd'hui, nous découvrons Krystal la jeune prostituée, Aditi, la jeune indienne qui tente de préserver la beauté naturelle de l'île...


Les descriptions de la faune et la flore sont magnifiques. Mer, bois, cours d'eau, champs de canne à sucre, passé ou présent, le lecteur est immergé dans un décor sauvage et luxuriant, peu à peu domestiqué par l'homme. Car cette île au lourd passé est en pleine transformation et n'a plus grand-chose à voir avec son passé fastueux : supermarchés clinquants, sites naturels saccagés par le tourisme, trafics en tout genre, jeunesse gâchée, pauvreté,… Derrière les plages aux jolis palmiers se cache une réalité bien plus glauque.

En nous transportant vers la terre de ses ancêtres, Le Clézio nous charme une nouvelle fois, tant par son style où chaque mot est pesé, que par une histoire à la fois fantasmée et réaliste qui se veut avant tout une formidable déclaration d'amour à l'île Maurice et une voix pour tous les exclus.
Pour qui veut connaître l'histoire de cette île, il faut lire Le Clézio.
Un grand roman, dans la veine de « La quarantaine ».
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"Alma" c'est le genre de livre que l'on n'a pas envie de quitter, qu'on lit avec attention en retenant son souffle. C'est le dernier roman de Jean-Marie Gustave le Clézio, prix Nobel de littérature 2008.
Alma c'est l'ancienne propriété de la famille Felsen à l'île Maurice.
L'ile Maurice j'y suis allée et j'ai vu la maison familiale des Le Clézio. Je m'imagine donc le décor de cette histoire de famille, celle de blancs Mauriciens, comme la sienne.

Ce roman c'est d'abord deux destins croisés. Il y a Dominique, le perdi bande, celui qui n'a plus de visage, rongé par la maladie et qui s'exilera en France pour devenir vagabond et y mourir. Et il y a Jérémie à la recherche de ses racines et des secrets de sa famille. Il fera le chemin inverse de celui de Dominique en allant à l'Ile Maurice pour trouver des réponses sur ses origines.

Le passé de l'île c'est le Dodo, gros oiseau qui ne peut pas voler, aujourd'hui disparu et dont il cherche les traces. C'est un fossile qui était vivant à l'époque où les premiers humais sont arrivés à l'île Maurice. C'est une figure tragi-comique attachante, décrite un peu comme un humain, un peu ridicule et en même temps touchant, quand on le capture il pleure, il se laisse mourir de faim si on l'enferme, il ne peut pas vivre sans sa compagne et il est condamné.

Mais l'île est marquée par d'autres fantômes du passé car elle a été une plaque tournante de l'esclavage. D'ailleurs, Jean-Marie Gustave le Clézio commence par évoquer les esclaves en leur donnant une identité. Il explique que quand il s'agissait de baptiser des esclaves, on leur donnait pour nom de famille le nom du bateau dans lequel ils étaient arrivés, L'hirondelle, La sémillante, le Redoutable. le vol de leur nom, c'était le vol de leur existence.

Le Clézio sait aussi parler de façon admirable des gens d'aujourd'hui dans ce grand roman sur la filiation, les origines et l'ascendance qui n'est pas sans rappeler sa propre histoire.


Challenge Nobel illimité
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Dans ce roman qui raconte l'histoire d'une île et la mémoire des êtres qui l'ont peuplée, deux voix narratives s'entremêlent.

D'abord, celle de Jérémie Felsen, double de l'auteur, qui part à l'Île Maurice, sur les traces de ses ancêtres, propriétaires déchus d'un domaine de production de canne à sucre. Lors de ce voyage initiatique, Jérémy fait aussi des recherches sur l'oiseau emblématique de l'île : le "Raphus cucullatus" plus connu sous le nom du fameux dodo. Cet oiseau emblématique et attendrissant, fut tué à coups de pierres par les hommes et disparut à jamais de la terre. le dodo, surnommé "l'oiseau de nausée" par les Hollandais parce que sa chair n'était pas bonne à manger, reste le symbole de la tragique capacité de l'humain à détruire.

La seconde conscience est celle de Dominique, justement surnommé Dodo, clochard céleste, défiguré par la syphilis. Cet éclopé de la vie fut l'un des ancêtres de Jérémie, rejeton d'une branche honnie de la famille. Son visage rongé par la maladie, effraie les enfants qu'il essaie d'amuser en léchant son oeil d'un coup de langue. Dominique fera le chemin inverse de Jérémie puisqu'il part de l'Île Maurice pour venir vivre à Paris.

Jérémie part à la rencontre des habitants de l'île qui détiennent des informations sur sa famille. Au fil de ses visites, l'auteur ravive le passé esclavagiste de l'île, bien loin des clichés actuels d'un lieu touristique et paradisiaque. Les échos de la souffrance des esclaves hantent le roman. Depuis la plage où vit Jeanne Tobie, dite la Surcouve, il aperçoit le Morne Brabant. Aujourd'hui, paradis des randonneurs ; hier, refuge des marrons. Sa tante Emeline lui parle de Bras d'eau, "la gueule de l'enfer", la prison des noirs. Aditi lui fait découvrir sa forêt et son pink pidgeon, menacé lui aussi d'extinction. C'est aussi l'histoire de Krystal, lolita sauvage et indomptable. Vient s'intercaler le récit poignant de Marie Madeleine Mahé, la fille naturelle du Gouverneur des îles de France et Bourbon, qui mène une vie de désolation après avoir été abandonnée.

Autant d'histoires profondément émouvantes, habitées par des personnages touchants qui nous deviennent tous familiers. Par un fourmillement de descriptions visuelles et sensorielles, le récit vibrant et palpable, prend vie sous nos yeux. Un roman lyrique, empreint de milliers d'odeurs, au plus près de l'humain et de la nature. Savourez ce livre-hommage inoubliable !
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Retour à Maurice avec JMG le Clézio. Pas de roman "historique" cette fois, mais l'île Maurice actuelle, enfin plutôt l'envers du décor que la carte postale, bien entendu. Pauvreté, prostitution, racisme, ce pan-là dont les dépliants touristiques ne vous parleront jamais. Jérémie Felsen va pour la première fois à Maurice, que son père a quitté à 15 ans et dont il ne lui a jamais parlé, même si elle le hante. Secret de famille, honte des origines, Le Clézio se confronte aussi à l'esclavagisme et à ses conséquences, toujours sensibles aujourd'hui. L'autre narrateur, c'est Dodo, et je ne peux rien dire sur lui, mais sa langue, mêlée de créole, est particulièrement savoureuse.
Belle lecture, fond et forme.
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Ce roman aurait pu s'appeler Dodo. Dodo, c'est ce sublime clochard céleste dont la parole est un bijou littéraire en soi, une performance d'écriture, un personnage que l'on n'oublie pas. Mais le dodo c'est aussi cet oiseau endémique de l'île Maurice, un peu gauche et étrange, disparu au XVIIe siècle. Le dodo est devenu un symbole, un lien vers le passé, et dans le roman il est autant une quête qu'une métaphore pour l'autre personnage principal du roman, sorte d'alter-ego de l'écrivain. Ainsi, tout revient à Alma, ce paradis perdu sur l'île Maurice. Alors, Alma, Dodo, l'un ou l'autre de ces noms courts percute et ponctue ce récit poétique et inspiré, mâtiné de créole, traversé par des personnages - des figures ! - aussi remarquables que tristes, aussi drôles qu'improbables.
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Éblouissant. Par le fond et par la forme.
La quête mémorielle de ces deux hommes si proches et que tout, pourtant, sépare, dans le temps, l'espace et la fortune.
La description, sans moralisme et sans pathos de l'horreur esclavagiste, description qui, par sa simplicité même, nous cingle comme le fouet.
La nostalgie d'un temps où l'île, son île, eut pu être un paradis que la cupidité naturelle de l'homme s'est chargée d'anéantir.
On ne pourra pas oublier Dodo, le clochard magnifique, couvert de haillons, rongé par la vérole mais porteur de la mémoire d'un lieu et de sa magnificence.
Et tout cela est porté par une langue sans artifice, sans affeteries mais ample, lumineuse, limpide comme l'eau de cette cascade où Aditi va mettre au monde son enfant.
Un grand moment de lecture.
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Une pierre de dodo comme déclencheur, un jeune femme qui accouche au milieu de la forêt, une jeune prostituée prénommé Krystal, un animal disparu, un certain Dodo au visage détruit par la lèpre (?) qui peut lécher son oeil avec sa langue, les traces presque effacées des esclaves conduits à Maurice et traités avec barbarie et des noms, des dizaines de noms dont la marque s'efface dans les cimetières et dont il ne reste de trace que dans le souvenir de Jérémie pour les avoir lus au dos des enveloppes ou entendus dans des conversations familiales. Et la chanson Auld Lang Syne de Robert Burns.


Jérémie, alter ego de l'auteur, se lance dans la quête de ce monde disparu. Il retourne à Maurice que son père a quitté jeune pour retrouver les traces de la famille Felsen, autrefois une grande famille de planteurs de cannes et une famille esclavagiste.
En parallèle, nous suivons la vie de Dodo, Dominic Felsen descendant de la branche réprouvée des Felsen, et réduit à l'état de clochard après la ruine de la famille, la mort de son père et la maladie qui l'a rendu monstrueux.

Dodo se rappelle le passé, son enfance dans la case à coté de la grande maison des Felsen, à Alma, son appartenance à l'illustre famille. Il décrit tout ce qu'il connait, refait les mêmes chemins pour que que les choses ne s'effacent pas comme les noms sur les pierres tombales. Sauf pour quelques vieux, il n'est qu'un clochard misérable qui se fait tabasser. C'est un tabassage qui rompt son destin et lui fait prendre un autre chemin.

Jérémie vient à Maurice sur les traces de sa famille, les Felsen de la grande maison, dont il est un des derniers descendants et dont le nom a laissé des souvenirs. Il rencontre quelques vieux qui ont connu cette époque et explore les lieux et les traces du passé de sa famille : le domaine appelé Alma dont il ne reste rien. Mais aussi les lieux où les esclaves étaient amenés, là où ils vivaient et mourraient ... Ces mêmes endroits où les touristes profitent de plages somptueuses.

Entre ces deux narrations s'enchevêtrent les récits des personnage représentant l'histoire locale : Saklavou, Ashok , Marie Madeline Mahé et Topsie, enrichissant encore le tableau..

Il y a de la magie dans ce livre, celle de la nature et de la force de certains humains, celle du souvenir qui garde vivant encore un temps. Il y a de la douleur et de l'injustice, celle du dernier dodo, de Dodo l'homme paria, des esclaves aux vies brisées, celle de Krystal, la jeune prostituée d'aujourd'hui. Il y a le poids d'une responsabilité (culpabilité?) d'une impuissance à défaire la douleur et l'injustice d'aujourd'hui (Krystal) comme celle du passé.

Certains passages m'ont fait venir les larmes, m'ont serré le coeur comme peu de livres ont pu m'atteindre. Je repense au carré de ciel bleu qu'on voit depuis le fond du puit où étaient précipités les esclaves. Je repense aux pierres jetées au dernier dodo et à son cri si triste. Je repense à l'errance de Dodo et aux quelques êtres d'exception qui lui offrent quelques moments de joies au fond de sa solitude.
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Il est un peu difficile d'entrer dans ce livre, car il faut se laisser porter par le flux du langage et accepter de perdre le fil de la narration. Splendide roman-poème, le texte dévoile peu à peu l'identité de l'île Maurice, ses habitants, sa langue, sa flore et sa faune, son rythme qui n'est pas le nôtre, ses richesses et sa pauvreté, et nous transporte dans un autre lieu, mais aussi à une époque où elle était "Alma", avant de devenir "Maya'. "Alma", l'âme, en latin, et les références bibliques abondent, comme souvent chez Le Clézio, dans cette quête des origines : Jérémie, Achab, Jonas, Macchabée, L Arche, le lavement des pieds, et le "clochard céleste" évoqué comme un Christ souffrant. "Alma, Alma mater", c'est la femme vénérable, la Vierge, qui manque à Dodo, lépreux ravagé par la misère, et "Maya", c'est la féminité dévoyée, la sexualité triomphante alliée à la cupidité. Et que dire de "Ripailles", "L'harmonie", "Crève-coeur" etc ? Ce n'est pas un hasard si Le Clézio attire notre attention, au début, sur les noms. le roman-poème est tissé de noms. "Alma", c'est un mythe, une histoire qui raconte l'éternel recommencement de la lutte du bien contre le mal, la nostalgie d'un salut, et un héros qui affirme "Mon nom est Personne", car il est "L'étranger". Cette quête de racines géographiques n'est-elle pas aussi, et peut-être avant tout, une quête d'âme ? de plus, l'oiseau Dodo rappelle l'albatros de Baudelaire : le poète a "des ailes de géant" qui l'empêchent de marcher, il demeure incompris des autres hommes. Sa seule patrie, c'est la littérature. Un excellent livre, qui procure un grand plaisir de lecture.
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