AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de thedoc


C'est à travers deux récits croisés que JMG le Clézio emporte son lecteur sur la terre de ses ancêtres, l'île mère : l'île Maurice.
Il y a tout d'abord l'histoire de Dominique, dit Dodo, le dernier des Felsen devenu l'admirable clochard de l'île. Dodo n'a plus le droit d'aller à Alma, l'ancien domaine familial, alors il passe ses journées sur le carrefour de la Louise ou bien se réfugie dans les cimetières pour prendre soin de ceux qui ne sont plus là.
Jérémie, l'Européen, en arrivant à Maurice, veut retrouver la trace du dodo, cet oiseau magnifique et légendaire qui fut le premier habitant de l'île. Mais cette quête est aussi celle de ses ancêtres. Jérémie veut retrouver les lieux où son père a passé ses premières années, ces lieux qu'il ne connaît qu'à travers les coquillages, cartes et pierres posés comme autant de souvenirs d'une époque révolue mais bénie.

JMG le Clézio, une nouvelle fois, s'inspire de sa propre histoire familiale pour nous livrer un roman où se mêlent plusieurs thématiques chères à l'auteur.
« Alma », c'est tout d'abord la quête des origines. Jérémie, sorte d'avatar de le Clézio, tente de remonter le passé à la recherche des traces d'un oiseau mythique. Mais à travers l'histoire du dodo, c'est tout le passé de l'île qui remonte à la surface et la mémoire de ce qui fut : les premiers colons, les esclaves, les coolies indiens, la ruine des grandes familles de planteurs...Histoire d'une époque aujourd'hui révolue mais qui fut celle des ancêtres de Jérémie et avec elle, son lot de splendeurs et de honte liée au rôle qu'ont pu jouer les Felsen dans l'esclavage. La mémoire des marrons, les oubliés de Maurice, est ici ravivée au gré des témoignages et contes locaux qu'écoutent Jérémie.

Pour faire revivre ces gens, JMG le Clézio égrène leurs noms. Ceux trouvés dans les archives, sur les tombes, de ces gens qui exploitèrent les richesses de l'île et de ces gens pour qui elle fut un enfer. L'écrivain nous les cite tous pour montrer combien ce dont il parle, ce n'est pas que de la fiction. Dodo, le clochard magnifique, participe de cette évocation par ses paroles éternellement au présent, qui mêlent le passé et son époque actuelle. Dodo, symbole de tous les exclus du monde, de Maurice à Paris, est aussi la mémoire de ces esclaves qui n'avaient pour nom que celui de leur propriétaire ou du bateau sur lequel ils étaient arrivés. Et dans les exclus d'aujourd'hui, nous découvrons Krystal la jeune prostituée, Aditi, la jeune indienne qui tente de préserver la beauté naturelle de l'île...


Les descriptions de la faune et la flore sont magnifiques. Mer, bois, cours d'eau, champs de canne à sucre, passé ou présent, le lecteur est immergé dans un décor sauvage et luxuriant, peu à peu domestiqué par l'homme. Car cette île au lourd passé est en pleine transformation et n'a plus grand-chose à voir avec son passé fastueux : supermarchés clinquants, sites naturels saccagés par le tourisme, trafics en tout genre, jeunesse gâchée, pauvreté,… Derrière les plages aux jolis palmiers se cache une réalité bien plus glauque.

En nous transportant vers la terre de ses ancêtres, Le Clézio nous charme une nouvelle fois, tant par son style où chaque mot est pesé, que par une histoire à la fois fantasmée et réaliste qui se veut avant tout une formidable déclaration d'amour à l'île Maurice et une voix pour tous les exclus.
Pour qui veut connaître l'histoire de cette île, il faut lire Le Clézio.
Un grand roman, dans la veine de « La quarantaine ».
Commenter  J’apprécie          232



Ont apprécié cette critique (23)voir plus




{* *}