Jérémie Felsen arrive à Maurice pour y enquêter sur le dodo, cet oiseau étrange qui ne savait pas voler et que l'on fit disparaître. a la vérité, c'est sur la famille Felsen qu'il vient chercher des traces, car elle fut puissante. En 1796, Axel Fersen arrive à Maurice. C'est le début d'un empire basé sur le commerce, la canne et l'esclavage; Les Fersen vivent à
Alma, une grande propriété foncière. Non loin de la là, vit la branche subalterne de la famille qui est très éloignée du pouvoir et des fastes. Dominique, le descendant de la branche pauvre, est un malheureux défiguré à la mémoire pourtant bien vivante. Alors que Jérémie évoque l'expansion de Maurice aux 18° et 19° siècle et la grande époque de richesse des Felsen à
Alma, Dominique évoque des figures d'esclaves ou d'engagés et tout un panel de légendes et de croyances que ceux qu'on amenait de force dans l'île apportaient avec eux.
Entre ces deux récits qui s'entrecroisent, il y a le dodo dont, avec l'arrivée des hommes, le sort semble inexorablement fixé. Ce grand oiseau, adroit par moments et maladroit à d'autres et qui semble comprendre son destin...
Si on peut s'interroger sur l'attribution du prix Nobel à un tel ou une telle, ce questionnement ne peut s'appliquer à
JMG le Clézio. Enchanteur, poétique, puissant et cruel,
Alma est un roman à plusieurs voix dont la construction, la sureté d'écriture et le pouvoir d'évocation sont la marque d'un très grand auteur. A plusieurs reprises, j'ai été littéralement éblouie par le talent sidérant de cet écrivain. Je pense au passage qui touche à la fille illégitime de Mahé de la Bourdonnais et celui sur le dodo qu'on extrait avec précaution de Maurice pour le conduire en Angleterre où il rencontre une mort certaine. Mais il faudrait aussi citer les passages sur Krystal, ceux sur Aditi et les merveilleuses évocations d'
Alma faites à tour de rôle par les deux narrateurs.
Un très beau livre d'une puissance rare sur ce que fut et ce qu'est Maurice. Et un grand auteur, très au dessus de la mêlée...