- Après tout, on peut n'aimer que son mari et trouver qu'un garçon est plaisant à regarder et drôle.
Elle découvrait qu'une femme est plus immédiatement désirable qu'un homme. Tout, dans ses formes, dans celles de ses vêtements, dans l'ostentation avec laquelle même la plus réservée exhibe et rehausse d'ornements ou de fards les parties de son corps qui se font les hérauts de régions plus secrètes, mais combien facilement accessibles, tout s'offre à l'homme.
Elle avait eu du mal à respecter les rites de la noblesse de province, à baisser les yeux comme il fallait, à ne jamais oublier d'accepter l'aide d'un bras masculin pour descendre une marche, à limiter sa conversation aux pires banalités, à se passionner pour des ouvrages de tapisserie, à faire la conversation aux douairières, à béer d'admiration en compagnie de la société féminine devant les gambades équestres de quelques dadais prétentieux qui montaient moins bien qu'elle.
Elle ressentit une bouffée de haine contre l'espèce masculine. Voilà tout ce qu'ils avaient trouvé pour assouvir leur désir stupide : ces maisons sales où, pour quelque monnaie, on leur livrait des corps qu'ils n'avaient pas conquis. Il lui sembla que depuis les débuts du monde la femme était une victime de la bêtise, de la simplicité, de l'appétit abruti du sexe masculin.
- En Italie, les bancs sont froids parce qu'ils sont de marbre. Et les étoffes sont légères. Voilà pourquoi les jeunes femmes frissonnent et sont enchantées de s'asseoir sur les genoux de leur compagnon.
Les douairières, dans leurs interminables considérations sur l'amour conjugal, avaient un jour laissé échapper devant elle qu'une femme désirant conserver du piquant aux yeux de son mari devait éviter de se montrer dévêtue à lui en dehors des rencontres amoureuses. Le mystère, disaient-elles, voilà les trois quarts du prestige féminin ! Or, Caroline estimait précisément que se promener nue et paisible devant son mari et trouver bon qu'il en fît autant constituait l'un des plus solides privilèges du mariage [...].