Un voyage pas comme les autres, au plus profond de la ville, hors des sentiers battus, à la découverte d'un quartier, de coutumes de quartier... La construction en histoires est bien pensée, on ne se lasse pas, on fait connaissance avec des personnages dont les descriptions sont parfois drôles, parfois malicieuses. On vit à Rome, tout simplement, mais pas dans la Rome des touristes, qu'on se le dise... ici, tout est bien plus feutré... C'est très bien écrit, le ton est réaliste et chaleureux.
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Un souvenir d'une précision et d'une pureté parfaites, aucun détail ne manque, et rien de matériel ne s'y rattache, rien de ce qui porte le signe du passage des années, la marque de la mort. Depuis longtemps ils ont disparu, un à un, les objets qui pourraient me la rappeler : perdue, je ne sais même plus où, la chaînette d'or qu'elle avait touchée, et brûlé au retour de ce voyage, le scapulaire qu'elle avait baisé. D'elle je n'avais rien, pas même un ruban. Et ce qu'on peut garder, mettre à l'abri en mémoire d'un moment heureux : un mouchoir, une cravate qu'on portait ce jour-là, je n'ai pas songé à le défendre contre le temps et le hasard. Oui, il ne reste que le souvenir, et une gratitude inexprimable
Nous vivions à Rome ; nos journées s'y écoulaient dans un enivrant loisir, nous étions rassasiés de félicité ; et en ce moment même où, las d'une si belle oisiveté, nous montions plein de hâte et de joie vers une Persépolis de savoir et de rêves, voici que cette lumière, cette couleur, venaient encore flatter notre vue, et accompagner notre marche...
C'est une des plus grandes difficultés de ce temps ; obtenir d'un chauffeur qu'il prenne et garde une allure modérée qui permette de bien voir le pays et de donner au paysage l'attention qu'il mérite. Nous-mêmes subissons l'entraînement, de mauvaise grâce, comme on supporte la pression d'une foule qui va où nous allons et la tyrannie de l'opinion publique qui nous intimide : « Ne cédez pas votre place ; restez dans le rang ; si vous agissez autrement vous n'êtes pas des hommes ! »
Ils parlaient à la première personne, mais leur « je » était plus impersonnel que le « je soussigné » d'une procuration légale ou d'une déclaration en douane. Et même le cri joyeux de la femme, à sa rentrée en scène, n'était sans doute qu'un truc traditionnel qu'on lui avait enseigné en même temps que ses répliques, ses couplets, et son coup de hanches.
Chez les petits bourgeois, où on rencontre parfois des âmes dures, qui sentent et vous font sentir que vous ne travaillez pas pour rien, qu'on vous nourrit, et que le don fait au couvent n'est qu'un paiement déguisé. Chez des enrichis libres-penseurs, nouvelles-couches, et plutôt mal que bien élevés, qui vous traitent avec ironie et méfiance.
[Rentrée littéraire 2022]
Entre 1942 et 1944, des milliers d'enfants juifs, rendus orphelins par la déportation de leurs parents, ont été séquestrés par le gouvernement de Vichy. Maintenus dans un sort indécis, leurs noms transmis aux préfectures, ils étaient à la merci des prochaines rafles.
Parmi eux, un groupe de petites filles. Mireille, Jacqueline, Henriette, Andrée, Jeanne et Rose sont menées de camps d'internement en foyers d'accueil, de Beaune-la-Rolande à Paris. Cloé Korman cherche à savoir qui étaient ces enfants, ces trois cousines de son père qu'elle aurait dû connaître si elles n'avaient été assassinées, et leurs amies.
C'est le récit des traces concrètes de Vichy dans la France d'aujourd'hui. Mais aussi celui du génie de l'enfance, du tremblement des possibles. Des formes de la révolte.
Cloé Korman est née en 1983 à Paris. Son premier roman, "Les Hommes-couleurs" (Seuil, 2010), a été récompensé par le prix du Livre Inter et le prix Valery-Larbaud. En 2013, elle a publié, toujours au Seuil, "Les Saisons de Louveplaine", puis "Midi" en 2018, et "Tu ressembles à une juive" en 2020.
Lire les premières pages : https://bit.ly/3wVw2Tu
Découvrir tous les romans de la rentrée littéraire des éditions du Seuil : https://bit.ly/3NQpKeq
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