- Hohohoho - Bienvenue à "Deil River, ville de tous les mensonges, de tous les péchés, de tous les reniements " comme panneau d'accueil, on pourrait trouver mieux et pourtant ---
--- il serait dommage de rater la visite, telle que proposée par
Cedric Lalaury et de ne pas prêter attention --. Chut, tendez l'oreille et écoutez le bruit de ce crime.
Nous faisons d'abord connaissance avec la ville par des manchettes de journaux datant de juillet 2000: une série de disparitions inquiétantes est constatée à Deil River bientôt suivie par la découverte du cadavre d'un jeune garçon en pleine forêt. Meurtres, viols, accident de voiture, disparitions,... que des choses bien sympathiques qui donnent envie ;)
En quelques jours cette petite ville paisible de l'Oregon semble être devenue l'antre du diable. Tous les soupçons se tournent bien sûr vers Zeke, ado fugueur au comportement étrange, au regard fuyant, portrait du parfait criminel, jusqu'à son prénom Ezekiel.
Pour fuir son passé, Zeke se réfugie à NY dans une autre vie sous une autre identité et devient romancier, enfin il prête sa plume à d'autres sous le nom de Nathan Killan.
- "Je me souvins des photos d'enfance de nombre d'auteurs qui avaient vécu les pires horreurs, et m'avaient demandé de coucher leur douleur sur le papier parce qu'ils en étaient incapables, parce que ces mots les brûlaient." -
Mais on n'échappe pas si facilement à Deil River qui se rappelle à Zeke dans ses cauchemars, dans ses souvenirs partiels, comme dans les reproches qu'il se fait et si --- et si --- et lorsqu'une enquête sur ce crime vieux de 20 ans est réouverte, la ville l'appelle à nouveau. Cette fois, Zeke se sent prêt à l'écouter car il veut savoir, comprendre :
"Tu y retournes pour découvrir la vérité, pour venger Silas, pour réhabiliter Tonto, pour te soulager de ta honte, te débarrasser de la culpabilité qui te ronge"
Zeke ne sera pas seul pour affronter Deil River, Evan, 'auto-stoppeur du hasard' l'accompagnera et c'est ensemble qu'ils feront face à cette ville et à ses habitants plus qu'hostiles.
" Toute cette foutue ville a fait des efforts monstrueux pour reprendre le dessus, mais il y a quelque chose qui pue dans un coin, ici, un vieux truc qui pourrit depuis longtemps et qui tue Deil River à petit feu. Dave, Silas, la petite Paige, cette crapule de Nolan Remick… C'est comme s'ils étaient tous là, à moitié morts, à errer dans la forêt en réclamant justice. Ça doit vous paraître dingue tout ce que je raconte..."
La plume de cet auteur est "enchanteresse". Il y a de superbes passages, surtout ceux en italiques, qui malgré un côté parfois macabre sont noirs de poésie. Chut, écoutez :
- "Deux beaux gisants libérés des contingences terrestres, de la souffrance. Combien tu leur en as voulus d'être partis sans toi"
- "Toi que souvent je fréquente en silence aux lieux où tu te trouves, marchant à tes côtés, m'asseyant à distance, demeurant dans la même pièce, ô comme tu sais peu de choses du flux électrique que tu fais subtilement passer en moi"
- "Je me rappelai - et c'est stupide c'est presque rien, juste un déchet de mémoire sans importance ni consistance émotionnelle, une image qui reste vivace quelque part en nous alors qu'elle n'a rien pour elle, comme on se rappelle le détail sur le manteau d'un inconnu croisé entre deux rames de métro, parmi tant d'autres auxquels on n'accordera jamais un seul regard "
La construction du thriller est assez étonnante et déroutante.
Après une brève présentation des faits arrivés en juillet 2000, l'auteur alterne les passages où Zeke comme se parlant à lui-même, essaie de se rappeler ce qui s'est passé 20 ans plus tôt, ce qui lui est réellement arrivé avec les moments de l'enquête proprement dite qui font revivre tous les protagonistes de l'histoire, aussi bien les vivants que les morts.
De fausses pistes en fausses pistes avec des appels du pied à
Stephen King par moments (l'atmosphère oppressante, les séances à la suerie), les masques tombent petit à petit et l'auteur en toute intelligence [ou nous pensant intelligents, ce que nous sommes bien sûr] nous laisse enquêter avec Zeke et son bel auto-stoppeur sans jamais nous mâcher le travail. A nous de faire fonctionner nos neurones en même temps qu'eux.
Le roman se termine par la résolution du crime, celui de juillet 2000 mais également ceux d'avant et même ceux d'après. Pour comprendre cette histoire, il vous faudra tendre l'oreille, chut ! écoutez le bruit de ce crime qui sort ce 7 avril 2021 chez Préludes éditions.
Cedric Lalaury conclut 'joliment' son roman par le rappel de la légende à la base de la construction de Deil River, sa rivière, sa forêt puis sa ville où déjà un chat Spökje était présent tout comme ici dans le récit ce 'bon vieux' Watergate.
** Au tout début du XIXe, débarqua aux USA, Massachusetts, Macsen Deil immigrant gallois, marin, qui rencontra un jeune bandit scandinave, Svart Sjel accompagné de son chat, Spökje. Ils vont s'aimer et ensemble élever Adam, seul rescapé de la famille de la soeur de Svart Sjel. Voilà d'où tirent son nom la rivière puis la forêt et ensuite la ville où se situe cette histoire, Deil River **
Bref (façon de parler), j'ai passé un excellent moment avec tout le petit monde de Deil River, un mélange assez étonnant de thriller parfois fantastique et de poésie.... et je salue Watergate qui est certainement reparti dans la forêt
A ceux qui sont arrivés à la fin de ce retour, félicitations, vous la méritez cette lecture & je vous souhaite le même plaisir que j'y ai pris :D
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