Citations sur Campagne des mers du Sud : Faite par le Seignelay de .. (4)
Aussitôt le navire mouillé, un missionnaire de l'ordre de Picpus, quelquefois français mais le plus du souvent étranger (beaucoup sont allemands) vient à bord, donne les renseignements qu'il lui plait sur le pays, et s'il n'y a personne de mangé depuis l'année précédente, on continue la route.
Mais si quelques Canaques se sont un peu grignoté les côtes, on demande à faire comparaître les coupables, qui ne se montrent jamais. Alors pendant deux jours on fait le bombardement du village suspect (ce qui sert d'exercice), puis on envoie à terre la compagnie de débarquement, qui met le feu aux cases que les boulets ont épargnées, et qui détruit les cocotiers et les arbres à pain entourant le village. Excellent moyen pour extirper l'anthropophagie, que de réduire les gens à la famine ; mais la morale est vengée !
M. Baker tonnait en chaire contre l'indécence des femmes canaques, qui osaient se présenter au temple la tête nue ; et il déclara que dorénavant les portes leur en seraient fermées, si elles ne se présentaient pas coiffées comme les ladies anglaises ! Moralité de la chose : depuis un an, M. Baker, qui avait des magasins encombrés par un stock démodé de chapeaux de femme qu'il avait reçus de Liverpool, les vendit tous à très haut prix ! C'est ainsi que la religion sait venir en aide aux pauvres missionnaires protestants, commerçants de la Grande-Bretagne. Depuis cette aventure, qui avait six mois de date à l'époque de notre passage à Tonga-Tabou, tous les dimanches les femmes canaques ressemblent à des singes habillés qu'on montre à la foire !
La ville de Montevideo, de même que toutes les villes commerciales d'Amérique, est devenue depuis vingt ans une belle ville, avec de longues avenues sillonnées de tramways. Il faut bien reconnaître que sous ce rapport notre vieille France est très arriérée, comparativement à ces villes nouvelles qui prennent de jour en jour une extension plus considérable. Il est vrai que ce progrès rapide est dû seulement aux étrangers qui arrivent à s'établir chaque année dans ces pays neufs, apportant avec eux les idées nouvelles qui trouvent là leurs applications plus facilement que chez nous, où on est à chaque pas arrêté par une réglementation surannée.
Toutes ces républiques minuscules ont des territoires très grands relativement au nombre des habitants, mais toutes ces terres sont incultes, ou à peu près, et pourtant quelles richesses on en pourrait en tirer avec un peu de travail ; mais les naturels préfèrent la guerre au labour. Qu'ils s'entre-tuent donc ! Peut-être qu'un jour les Chinois viendront s'établir ici et mettre toutes ces terres en rapport.