Citations sur Quand tu écouteras cette chanson (512)
S’habitue-t-on à être en danger ?
La peur est-elle un envahissement brutal, semblable à un courant d’arrachement, cette force qui entraîne au large contre laquelle on ne peut lutter, ou la peur se dilue-t-elle dans les jours qui passent, et on finit par s’y faire, à la peur ?
Si elle a commencé à écrire sans intention de se faire lire le 12 juin 1942, à compter du mois de mars 1944, elle dit « je », mais elle commence à penser à nous. Elle en est persuadée, son texte saura trouver le futur, il viendra nous chercher ; aujourd’hui, il est venu me chercher.
Comment l’appeler, ce récit que je ne me décide pas à relire avant ma nuit dans l’Annexe ? Ce livre est un décompte auquel nous assistons. Nous en redoutons l’issue, nous savons qu’après le 4 août, date de l’arrestation des Frank, il n’y aura plus de mots. Ce livre, nous en connaissons la fin ; l’autrice, elle, l’ignore.
Anne Frank, que le monde connaît tant qu’il n’en sait pas grand-chose. Une image, celle d’une pâle jeune fille aux cheveux sagement retenus d’une barrette, assise à son petit secrétaire, un stylo à la main. Un symbole mais de quoi ? De l’adolescence ? De la Shoah ? De l’écriture ?
Comment l’appeler, son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment ? Est-ce un témoignage, un testament, une œuvre ? Celle d’une adolescente enfermée pour ne pas mourir, dont les mots ne tiennent pas en place.
Celle d’une jeune fille, qui n’aura pour tout voyage qu’un escalier à monter et descendre, moins d’une quarantaine de mètres carrés à arpenter, sept-cent-soixante jours durant.
Certains vont à la rencontre de leur vie, ils s'en saisissent , d'autres se tiennent légèrement de biais: ils l'écrivent.
On dit des femmes qui écrivent leur expérience de vie qu'elles «se» racontent, que leur récit est «personnel». Le journal intime d'un homme, en revanche, semble contenir des vérités universelles. S'atteler au récit du monde a longtemps été l'apanage de ceux qui pouvaient l'arpenter, ces «récits de grands voyageurs». Aux femmes, on abandonnait l'examen des sentiments, on leur concédait un savoir de l'intime, de l'Intérieur, qu'il soit domestique ou sexuel.
Quoi que vous fassiez, que vous le fassiez seule ou non, à quelque moment que vous le fassiez, de quelque façon que vous le fassiez, pour quelque raison que vous le fassiez, quelque mystérieux que soit le but dans lequel vous le fassiez, n'oubliez jamais que sur l'autre plateau de la balance il y a toujours le néant, la mort, l'oubli. Que c'est vous contre l'oubli.
❝ Ils n'ont pas disparu, ils sont là, les absents. Ils persistent et la trace que laisse leur absence est une question. ❞
[…] et ça n’est plus si grave d’être perdus, ensemble.
Mais ce qui est à la fois absent aussi bien que présent, sache-le voir, par la pensée, d'un regard que rien ne déroute.
Les enfants ont peur de l'obscurité, de la solitude, des fantômes et des monstres. Au cinéma, ils se couvrent les yeux de la main en ouvrant les doigts, pour voir un peu de ce qu'ils redoutent. En grandissant, nous perdons en courage : nous détournons le regard. Nous passons.