Il y avait, en 1552, un pauvre homme, d’origine juive, qui s’était établi dans une misérable hutte, en plein bois, aux environs du village de Meudon. On ne savait pas d’où il venait et personne ne s’en inquiétait, car, depuis son arrivée dans le pays, il n’avait eu de rapport avec personne. Il ne sortait que la nuit et ne se montrait jamais pendant le jour ; la porte de sa cabane restait fermée à tout venant : on en voyait sortir quelquefois ses deux enfants, une petite fille de douze ans et un petit garçon de neuf ans à peine, qui étaient seuls chargés de pourvoir aux besoins de la triste famille. Quant à la mère de ces enfants, on ne l’avait point encore aperçue ; on la disait fort malade, et l’on se demandait parfois si elle n’était pas morte, sans que son mari eût averti le curé, pour lui administrer les derniers sacrements et la faire enterrer.
— C’est un vilain juif ! disaient entre elles dix ou douze paysannes, qui passaient pour aller au marché de Meudon, en se montrant de loin à travers bois le toit de mousse de la maisonnette mystérieuse. On ne l’a pas encore vu entrer dans l’église, voire même s’agenouiller sous le porche, comme les excommuniés qui font pénitence et qui attendent là une absolution plénière.
— C’est plutôt quelque bohémien qui se sera séparé de sa bande, dit la plus vieille de ces paysannes. Les bohémiens ne croient ni à Dieu ni à diable ; ils n’ont ni église ni curé ; ils naissent sans baptême et meurent comme des chiens, après avoir couru le monde en vivant de vols et de pilleries, car le meilleur métier, selon eux, est de tromper les pauvres gens et de s’enrichir aux dépens des chrétiens.