" Frères et soeurs muselés par des parents inconséquents. Oncle, tante, cousins, enfants et petit-enfants. Tes petits-enfants qui ont eu à subir sans comprendre la violence de ton effacement. Regarde-moi, maman. C'est pour toutes ces victimes que j'écris, celles, si nombreuses, que l'on évoque jamais parce qu'on ne sait pas les regarder."
L'éducation c’est permettre les questions, faire advenir la critique, ouvrir aux choix. Pour ça, donner confiance, rien de plus.
Evelyne Pisier
La culpabilité est comme un serpent. On s’attend à ce qu’elle se déploie en réaction à certains stimuli mais on ne sait pas toujours quand elle viendra vous paralyser.
Page 108
Où étiez-vous ? Que faisiez-vous quand sous vos yeux nous sombrions ? Vous que j'aimais tant... qu'avez-vous fait depuis que vous savez ?
Ce jour-là, j'ai été ensevelie par la peur.
Depuis, j'ai peur. Qu'un événement survienne, qu'il arrive quelque chose aux gens que j'aime. J'anticipe, j'analyse, je préviens. J'ai peur. (...)
Des peurs irrationnelles. Le coeur qui bat au moindre bruit. A l'insupportable sonnerie du téléphone, tout le temps. La peur de la voiture. La peur de l'avion. L'impossibilité de respirer, vingt fois dans la journée. Plus tard, la peur pour mes enfants. La peur de tout, tout le temps.
Évelyne [ sa mère] me le répétait : " Ton père est un héros des mers du Sud. Tu n'as pas le choix. Tu dois le comprendre. Médecin, il a choisi de sauver les autres enfants. Pas les siens."
Je suis interdite de passé. Quel chagrin d'être privée des souvenirs de son enfance et des gens qu'on aimait.
« La culpabilité est comme un serpent.
On s’attend à ce qu’elle se déploie en réaction à certains stimuli mais on ne sait pas toujours quand elle viendra vous paralyser.
La culpabilité s’est immiscée en moi comme un poison et a bientôt envahi tout l’espace de mon cerveau et de mon cœur .
Ma culpabilité a plusieurs âges .
Elle fête tous mes anniversaires en même temps que moi .
Ma culpabilité est une jumelle.
Une nouvelle gémellité » ....
Il crie mais je suis plus forte que lui. Bien sûr que je devrais l'aimer au nom du vieux monde, mais tu me veux libre, non ? Tu verras, je te le promets, j'y arriverai mieux sans lui. Je serai heureuse. Regarde-moi.
Rien ne m'amarre. Je suis loin de moi, d'eux, comme droguée. Je ne m'attache à rien. Je suis dans mes pensées en permanence mais ma tête est vide. (...)
La tristesse s'est jointe à la stupéfaction première. S'est est ajoutée la colère. Tristesse pour ma mère, colère contre moi. Immense culpabilité d'exister.