"
Cujo" fait partie de ces excellents thrillers réalistes que j'ai lus dans les années 80, à l'époque où je commençais seulement à apprécier King.
Je l'avais découvert avec "
Différentes saisons" et ça avait été un choc
après lequel j'ouvrais chaque nouvel opus avec un a- priori favorable, une espèce d'excitation impatiente quel que soit le genre abordé, réaliste ou fantastique.
Je n'avais pas encore le recul qui me permet maintenant d'affirmer que je préfère King dans le genre réaliste (même si "
La ligne verte", comme quelques autres titres fantastiques de King, confine au génie) mais peu
après "
Différentes saisons", "
Cujo" m'avait chopé d'autant plus que je nouais avec mon premier chien (Siam, un magnifique jeune mâle griffon Korthals) une solide relation d'amitié virile qui dura plus de douze ans, et me valut à sa mort quelques mois de ce que j'analyse maintenant comme une petite... dépression. J'ose le mot.
De cette première lecture je me souvenais surtout, jusqu'il y a peu, de ces instants fugaces où on "entre" dans la tête du chien, avant et
après qu'il soit contaminé par la
rage, quand il "pense" à "l'homme", à la "femme" ou au "garçon" et nous livre à leur sujet ses brèves réflexions de chien. J'avais trouvé le procédé percutant, efficace ô combien pour faire de
Cujo un personnage à part entière au même titre que son jeune maître Brett, ses parents Joe et Charity, ou le petit Tad, ou Donna et Vic, les parents de ce dernier...
Et puis récemment, en lisant la courte et élogieuse critique d'AlaricD qui évoque en parlant de "
Cujo" des affinités avec un autre thriller réaliste que je considère peut-être comme mon préféré du King ("
Dolores Claiborne", percutant manifeste féministe, prouesse littéraire sous forme de quasi monologue ininterrompu, un coup de génie que je conseille toujours de lire si on ne connaît pas King et qu'on veut l'essayer), en lisant son court billet j'ai eu envie de vérifier ses dires car ma lecture de "
Cujo" remontait à une quarantaine d'années. (C'est d'ailleurs pour ça que je n'avais pas jusqu'ici donné mon avis à propos de "
Cujo" sur ce site).
J'ai relu.
Et je dis bien vu.
AlaricDulmans a raison !
Bien plus qu'un thriller super efficace qui fait du lecteur un enragé, dévorant les pages comme un fou pour savoir si vont survivre cette femme et son loupiot de 4 ans, assiégés en rase campagne dans une petite Fiat par un bon gros Saint-Bernard rendu fou par le virus de la
rage, coincés pendant deux jours de canicule à une époque où les portables n'existaient pas, bien plus que ça, ce tourbillon d'angoisse est une peinture sociale et une plongée dans la psyché de quelques humains très crédibles, qu'ils soient attachants malgré leurs fêlures, ou très méprisables voire très inquiétants à cause d'elles...
Les histoires d'amour finissent mal, en général.
Qu' importe ! Si comme moi vous avez lu "
Cujo" il y a trop longtemps, n'hésitez pas : imprégnez-vous des préliminaires, même s'ils sont longs car ils sont utiles.
Puis enfermez-vous avec Donna et Tad dans l'habitacle exigu et surchauffé de leur Fiat Punto, laissez monter la colère qui vient des frustrations, endurez l'épuisement qui vient de la soif et de la faim, craignez la peur primale et comme Donna, enfin osez lui faire un bras d'honneur désespéré et battez-vous comme une enragée pour un peu moins d'horreur dans cette chienne de vie !
Même si la camarde claque du bec
Si même elle joue de la faux
Le jeu en vaut la chandelle...