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Critique de Athenapan


Soichi Kawagoe nous livre ici un roman d'aventures, un roman historique, un roman troublant, qui fait remonter en nous peu à peu, une rage et une tristesse inépuisées, en nous faisant revivre l'horreur et l'ignorance crasse du colonialisme et de l'impérialisme.

Plongés au coeur de l'île d'Hokkaidô, nous partons à la rencontre d'une population fort méconnue et pourtant pleine de richesses, les Aïnous.
Malheureux témoins des affres géopolitiques confrontant russes et japonais, ils vont tenter tant bien que mal de préserver leur culture et leur identité.

C'est aux côtés de Yayomanekh que nous suivons le peuple Aïnou. Né sur l'île de Sakhaline, il subit de plein fouet ce déracinement forcé par les Japonais qui traitent son peuple et ses proches comme des sauvages à qui il faut absolument tout apprendre. La condescendance et l'irrespect le plus total avec lesquels les Aïnous sont considérés sont insupportables. Yayomanekh sera même contraint d'adopter de manière officielle, un nom et un prénom japonais pour avoir le droit de retourner sur ses propres terres d'origine afin de rallier sa famille. L'absurdité de la situation est désarmante de bêtise et d'injustice.

Du côté opposé du combat en cours ralliant la Russie, l'on se rapproche de Bronislaw, citoyen polonais, à qui l'on interdit pourtant de parler sa langue maternelle. Il doit s'assimiler le plus rapidement possible et parler russe. Ces directives le font souffrir et bouillir de l'intérieur.

Entouré de résistants, de tracts dissimulés et de manifestations prohibées, Bronislaw tente de rester loin de tout cela afin d'éviter les pires ennuis. Il se retrouve malgré tout accusé de complicité lors d'un attentat visant à éliminer le Tsar. Il est immédiatement condamné et envoyé sur l'île de Sakhaline pour y purger sa peine.

Les deux hommes subissent une situation similaire. Un déracinement forcé, des contraintes culturelles insensées et la cruauté de leur envahisseur respectif.
Le destin va finir par les réunir et les lancer dans un projet de grande envergure. Ils vont ensemble tout mettre en oeuvre pour garder à jamais une trace de la richesse de la culture Aïnoue, en enregistrant tout ce qui est possible de préserver. Histoires ancestrales, musique, chants, coutumes… absolument tout ce qui se rattache à cette culture inspirante et par de nombreux aspects, exemplaire.
Les Aïnous ne doivent perdre ni leur mode de vie ni leurs droits les plus fondamentaux.

La tragédie qui se joue entre la Russie et le Japon est extrêmement lourde à appréhender. Tant de chaos, de violence et de cruauté pour une guerre aux idées rétrogrades, nationalistes et liberticides, qui n'ont jamais servi de leçon à quiconque. Certaines scènes m'ont brisé le coeur.

La fameuse « intégration » que Yayomanekh essaie de respecter, il la ressent plutôt comme un engloutissement. Il a l'impression qu'une partie de son être disparaît. Se voir traité de barbare et de sauvage est d'une violence inouïe. Sa culture et ses traditions sont appelées : « pitreries de ces indigènes arriérés ». Il est considéré comme un des « sauvages qu'il faut éduquer et rectifier ». Cette déshumanisation est une terrible souffrance.

Terrorisme, torture, interrogatoires, emprisonnement, maladies, mort… La guerre est toujours annonciatrice d'une liste de calamités…

C'est à travers l'amitié et l'amour que le roman nous procure des bouffées d'oxygène et des moments de douceur réconfortants.

Source de chaleur est un magnifique roman qui nous entraîne au coeur des pires et des meilleurs élans de l'espèce humaine.
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