Harriet

Au premier abord, ses sentiments pour Lewis avaient été, sous une forme intensifiée, ceux qu’elle aurait éprouvés pour lui s’il avait été pris en train de filer avec son service à thé en argent, ou les bijoux d’Harriet, que sa tante Bowaters lui avait légués.

Chapitre 6

Quand il était question d’une tentative concrète contre ses biens, Mrs Ogilvy était loin de considérer l’argent et le confort comme des choses acquises. Elle connaissait au pence près la valeur de tout ce qu’elle possédait et le moindre détail de la fortune présente et présomptive d’Harriet, et plus elle regardait autour d’elle et estimait les biens de la famille, plus impudent et exécrable lui paraissait le vol éhonté que Lewis s’apprêtait s’apprêtait à commettre. « Car il s’agit bien d’un vol, dit Mrs Ogilvy, et personne ne pourra me jeter de la poudre aux yeux à ce sujet ! »

Chapitre 6

Mais l’état d’Harriet, qui rendait son mariage impossible à concevoir par quelqu’un de convenable, avait rendu Mrs Ogilvy aveugle au fait que le monde contient beaucoup de gens qui ne sont pas convenables.

Chapitre 6

Le lendemain matin, une fois qu’ils eurent petit-déjeuné et se furent mis en route, Elizabeth commença à inspecter son domaine : il y avait – ce qu’elle n’avait pas remarqué auparavant – un petit potager derrière la maison, où Patrick s’activait déjà avec une houe. Comme il est intelligent, pensa-t-elle : il n’y avait rien à quoi il ne pût s’appliquer et accomplir avec cette dextérité inébranlable qui lui était naturelle. Elle resta là un moment, profitant de la bouffée de chaleur du soleil de janvier qui dorait le paysage, et elle vit, plus loin sur la route, un bâtiment à moitié caché par un tournant du chemin.
« Eh bien, il y a une maison ! s’exclama-t-elle.

Chapitre 4

Ce soir-là, tout en se préparant pour se mettre au lit, Elizabeth éprouvait un étrange mélange de joie et d’appréhension. Elle voyait que la solitude plaisait à Patrick : même s’il ne disait rien, il arpentait déjà le domaine comme s’il était heureux, comme s’il se sentait chez lui. Et elle-même, tout en tirant l’étroit rideau et en regardant l’étendue du ciel peu étoilé, se trouvait, inexplicablement, émue et apaisée. Mais se trouver à deux miles des boutiques du village ! Dépendre, pour la moindre bouchée, de la visite des commerçants ! Par mauvais temps, les magasins ne les négligeraient-ils pas, des clients aussi parcimonieux qu’eux ? Et si soudain les enfants tombaient malades ? Ou si la maison brûlait ? Mais il ne faisait pas bon penser à des choses pareilles.

Chapitre 4

Elle rangeait ses livres aux couvertures atroces, recouverts de papier, dans une boîte de métal sous le lit qu’elle partageait avec Alfred, dans la petite chambre du fond. C’était un lit à baldaquin et il y avait largement de la place pour eux deux. (...)
Cette chambre était la plus belle. En fait, c’était même la seule pièce convenablement meublée de la maison. Elle avait un tapis, un lit aux tentures de chintz, des tableaux dans des cadres dorés richement ornés, une grande coiffeuse, une armoire et une table à toilette.

Chapitre 4

Clara avait une quinzaine d’années. C’était une lointaine parente des Hoppner et, selon un arrangement qui datait déjà d’un certain temps, elle tenait un rôle de gouvernante auprès d’Elizabeth. Elle ne recevait pas de gages, mais en contrepartie on considérait qu’elle était plus ou moins de la famille.

Chapitre 4

Harriet était visiblement charmée par la vue de ce bel inconnu, et chaque fois qu’elle croisait son sourire rayonnant, ses lèvres à elle s’écartaient en une large grimace. Une sensation de plaisir se formait rapidement dans son esprit, la cristallisation de tous les rêves flous et des vagues moments de sensualité qui se tenaient à l’arrière-plan de sa conscience, comme dans celle des autres, et qui en cet instant diffusaient en elle leurs chauds rayons, sans se rendre plus compréhensibles, mais plus puissants d’instant en instant.

Chapitre 3

En général, quand elle était à la maison, Elizabeth aidait sa mère, mais elle était arrivée si pâle et si fatiguée que Mrs Hoppner lui avait dit de se reposer. Elle était assise, blême, avec des cernes sombres autour des yeux, et ses cheveux, qu’elle portait libres derrière les oreilles, pendaient en mèches ternes. Néanmoins, c’était une très belle femme, avec de grands traits et des yeux bleus rêveurs. Elle se tenait parfaitement silencieuse et immobile.

Chapitre 2

Elle avait beaucoup de choses auxquelles penser, ces temps-ci, et se trouver privée de sa chambre personnelle représentait une véritable épreuve. La raison pour laquelle elle devait laisser sa chambre tenait à une coïncidence fâcheuse, les arrivées simultanées d’Harriet et de la sœur d’Alice et de son mari. Elizabeth Hoppner avait épousé un jeune artiste impécunieux de vingt-deux ans, de quatre ans plus jeune qu’elle. Ils avaient vécu avec Lewis, le frère de Patrick, dans une petite villa de Streatham ; mais, le bail ayant expiré, les circonstances s’étaient conjuguées pour leur donner le sentiment que la vie à la campagne serait meilleure en bien des façons, à la fois plus économique et plus adaptée à la profession de Patrick. Ils s’étaient décidés pour une petite maison de brique, à peine plus grande qu’un cottage de travailleur, en dehors du village de Cudham, dans le Kent.

Chapitre 2