Hantise/La maison hantée fait partie de ces romans cultes qu'il est difficile d'appréhender d'un oeil neuf. La maison hantée est après tout devenue un trope du genre horrifique sur tous les supports possibles. Et ce roman de
Shirley Jackson est facilement consacré comme une oeuvre fondatrice de ce type de littérature. Mais sans plus tarder, qu'en ai-je pensé ?
J'ai été agréablement surprise par ce roman, que j'attendais comme assez convenu ou simplet. Je n'accroche pas aux romans d'horreur trop directs et gores qui ne construisent pas vraiment d'ambiance. Mais avec
Shirley Jackson, c'est tout le contraire. Elle a une plume précise et évocatrice, qui offre à sa maison hantée une aura somme toute particulière. C'est simple, la maison est traitée comme un personnage à part entière, parfois de manière très littérale. Eleanor, notre narratrice, la compare rapidement à un visage malveillant, pire malsain.
Hill House semble fortement inspirée de la maison construite par Sarah Winchester, aberration architecturale soi-disant bâtie sur l'ordre des victimes de son défunt mari, vendeur d'armes, pour expier les pêchés de ce dernier. On y retrouve l'idée d'une demeure vaste et sombre, construite pour volontairement perdre les habitants. La maison bénéficie bien sûr d'un passé violent et obscur, entre secrets de famille et décès tragiques. Mme Dudley, la domestique en charge de s'occuper de l'endroit pendant la journée, se contente de répéter la même phrase comme un jouet cassé... Et ce n'est que l'un des multiples éléments qui installent cette atmosphère saisissante.
Les scènes de hantise sont d'une grande intensité. du moins elles l'ont été pour moi qui suis facilement impressionnable. le récit choisit de construire la menace souvent autour du bruit, nous avons donc de longs passages où l'autrice prend le temps de décrire des bruits nocturnes malsains, coups contre les portes, choses qui semblent glisser dans les couloirs, murmures gutturaux dans la nuit... (je frémis en écrivant ces lignes). La précision de l'écrit permet de nous les imaginer sans peine.
Nous suivons de plus les événements du point d'un personnage des plus fragiles. Eleanor est une jeune femme qui a été associée à événements paranormaux dans sa jeunesse, d'où son invitation à passer quelques jours à Hill House pour aider le Docteur Montague dans ses recherches. La jeune femme a vécu dans un grand dénuement, dévouée pendant plus de dix ans à sa mère gravement malade et sûrement envahissante et abusive. HIll House représente la première fois de sa vie où elle peut faire preuve d'indépendance et se sent acceptée dans un cercle, ce qui la rend assez rapidement dépendante affective des autres personnes qui l'entourent mais aussi de la maison elle-même.
Eleanor se montre donc souvent instable et est la plus sensible à l'aura malsaine de la maison, et suivre ses pensées s'avère parfois éprouvant. Elle forme un contraste saisissant avec Théo, une autre membre invitée par le Docteur Montague pour son intuition infaillible. Théo est un personnage également complexe qui semble constamment jouer un rôle. Il est difficile de répondre de ses sentiments réels envers Eleanor ou envers quelque autre personnage. Les deux derniers étant le Docteur Montague, éminent scientifique souhaitant étudier le paranormal, qui servira souvent de pilier rationnel, et Luke. Luke est un peu particulier car il est héritier de la maison, il aime le brandy et les bons mots.
L'ensemble forme un casting qui se révèle assez intéressant. C'est aussi un huis-clos psychologique assez bien construit en sus du roman d'horreur qu'on attendait. Les dialogues sont alors très bien écrits, notamment dans les moments où la maison est particulièrement taquine. Ils se lancent régulièrement dans des joutes verbales savoureuses pour tenter de surmonter leur terreur sous-jacente.
Pour moi, c'est une très bonne lecture qui surprend. Elle contient tous les éléments de la maison hantée traditionnelle mais avec une finesse psychologique bienvenue et une écriture souvent magistrale. le roman est vraiment parvenu à me faire peur et à redouter la nuit. C'est donc un roman classique à lire pour les fans d'horreur qui font plus dans la subtilité que dans le gore tapageur.
Lien :
https://lageekosophe.com/