Je ne connaissais pas l'écrivain et philosophe suisse, sujet de cet ouvrage. Roland JACCARD dans Les derniers jours d'Henri-Frédéric Amiel nous amène brillamment à la découverte d'une partie de son oeuvre, d'une plume légère et d'un ton, épigone. Du moins, je le suppose n'ayant jamais feuilleté le journal intime originel, au ventre pantagruélique (17 000 pages), qui nécessita douze volumes lors sa publication. Son titre de gloire posthume aurait influencé nombre de penseurs du 19e…
Le roman de Roland JACCARD se présente comme l'épilogue du journal d'Henri-Frédéric Amiel aux couleurs crépusculaires, un moment propice aux regrets mémoriels. Il retrace par bribes ce qu'aura été son existence, entre incapacités à s'abandonner à l'amour, renoncement à l'ambition et à l'espoir, morbidité entretenue, comme si coudoyer la mort de son vivant pouvait retarder ou empêcher l'échéance.
Ce livre se lit d'une traite, je l'ai littéralement dévoré, sûrement aussi parce qu'il m'a rappelé une époque où ma pensée et ma vie privée ressemblaient beaucoup à celle d'Henri-Frédéric Amiel. C'est toujours rassurant de ne pas se sentir seul…
Commenter  J’apprécie         410
J’ai compris trop jeune que je serais incapable de réaliser mes idéaux, que le bonheur est une chimère, le progrès une illusion, le perfectionnement un leurre et que, même si toutes mes ambitions étaient assouvies, je ne trouverais encore là que vide, satiété, rancœur. La désillusion complète m’a conduit à l’immobilité absolue. N’étant plus dupe de rien, je suis mort de fait.
Si certains se souviennent encore de mon nom, Henri-Frédéric Amiel, ils savent peut-être que je suis mort à Genève, le mardi 11 mai, vers six heures du matin, à l'âge de soixante ans. Rien de plus banal, songeront-ils. Et je ne peux que les approuver. Certains, sans doute plus curieux et d'une sensibilité plus morbide, ont-ils eu la curiosité de se plonger dans le récit de mon agonie. Il figure dans mon journal. Toute mon existence défile d'ailleurs dans les milliers de pages de ce journal intime, qui fut à la fois mon confident et mon oreiller de paresse.
À quoi m'a servi la contemplation de la mort ? Je peux maintenant y répondre : à m'empêcher de vivre. Mais pour être franc, je n'ai jamais demandé à la vie que de me laisser effleurer par elle, sans la sentir passer. Je n'ai jamais rien demandé l'amour que de rester toujours un rêve lointain. Toute action est un crime, pensais-je, car toute action est un rêve de mort.
Après Berlin, je me rendis à Paris. Quelle déception ! Ce peuple de pantins cherchant à tout prix à se montrer frivole, superficiel, léger, comédien jusqu'au fond des entrailles ! Sans parler des villes de province où règnent une insipide médiocrité et une fastidieuse monotonie.
Que la nature est affreuse et la vie désolante quand je les regarde à travers le prisme jaunâtre de ma lucidité. C'est comme si le globe de l’œil s'injectait d'eau de savon. J'ai la sensation de me noyer dans la laideur.
« […] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux.
[…] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes.
[…] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions.
[…] » (Roland Jaccard.)
0:00 - Vauvenargues
0:10 - Georges Perros
0:19 - Anatole France
0:29 - Prince de Ligne
0:40 - Jules Renard
0:49 - Blaise Pascal
1:13 - André Ruellan
1:23 - Jean Rostand
1:35 - Georg Christoph Lichtenberg
1:45 - Michel de Montaigne
2:08 - Marc Sautet
2:29 - Cardinal de Retz
2:40 - Montesquieu
2:54 - William Blake
3:05 - Emil Cioran
3:23 - Arthur Schopenhauer
3:57 - Alphonse Esquiros
4:11 - La Rochefoucauld
4:23 - Alexander Mitscherlich
4:34 - Générique
Contenu suggéré :
DICTIONNAIRE DU PARFAIT CYNIQUE #2 : https://youtu.be/ER32fi_Jcn0
DICTIONNAIRE DU PARFAIT CYNIQUE #1 : https://youtu.be/PAkTz48qZrw
NI ANGE NI BÊTE : https://youtu.be/aBUASQxO9z4
S'IL N'Y AVAIT DE BONHEUR QU'ÉTERNEL... : https://youtu.be/bHCEHBhdLLA
LES CHIENS CÉLESTES : https://youtu.be/zZ-0H1qTlJg
PETITE FOLIE COLLECTIVE : https://youtu.be/Ge4q_tfPWjM
AD VITAM AETERNAM : https://youtu.be/YjvEBidvMXM
QUE SUIS-JE ? : https://youtu.be/sbWh58UeGvE
LA LUCIDITÉ POUR LES NULS : https://youtu.be/mMXwZq9N2kk
Philosophie : https://www.youtube.com/playlist?list=PLQQhGn9_3w8pT0¤££¤55Georg-Christoph-Lichtenberg80¤££¤9ptGAv
Référence bibliographique :
Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration :
Vauvenargues : https://www.buchfreund.de/de/d/p/101785299/luc-de-clapiers-marquis-vauvenargues-1715-1747#&gid=1&pid=1
Georges Perros : https://editionsfario.fr/auteur/georges-perros/
Anatole France : https://rickrozoff.files.wordpress.com/2013/01/anatolefrance.jpg
Prince de Ligne : https://tresorsdelacademie.be/fr/patrimoine-artistique/buste-de-charles-joseph-prince-de-ligne#object-images
Jules Renard : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a5/Jules_Renard_-_photo_Henri_Manuel.jpg
Blaise Pascal : https://www.posterazzi.com/blaise-pascal-french-polymath-poster-print-by-science-source-item-varscibp3374/
André Ruellan : https://www.babelio.com/auteur/
+ Lire la suite