Livre lu dans le cadre de mon challenge personnel de lectures 2024, à savoir compléter mes collections de mes auteurs préférés. Et
Arnaldur Indridason, découvert il y a seulement deux ou trois ans, fait partie du lot.
C'est en effet toujours avec la plus grande satisfaction que je me plonge dans la narration d'une nouvelle enquête menée par le commissaire Erlendur Sveisson et son équipe. Ici, il s'agira pour eux de mettre un genre et un nom sur un squelette - déjà ancien - réapparu comme par enchantement du fond d'un lac pour partie asséché.
Sa particularité : son crâne présente un trou conséquent et il a été lesté d'un vieux poste de radio-émetteur datant de l'après-guerre. A qui appartient ce squelette ? Comment et quand est-il arrivé là ? Qui aurait eu la volonté de s'en débarrasser et pourquoi ?
Autant de questions sans réponse aux débuts de l'enquête. Alors que certains enquêteurs creusent la piste du poste émetteur radio (son numéro de série composé de caractères cyrilliques laisse penser à une origine soviétique ou d'un pays de l'Est, et donc à une potentielle histoire d'espionnage), d'autres se penchent sur les cas de disparitions non résolues entre 1950 et 1960.
Autant dire un travail de fourmis qui n'est pas pour déplaire à Erlendur Sveinsson que les disparitions passionnent (son jeune frère perdu lors d'une tempête n'a jamais été retrouvé malgré de très nombreuses recherches, et c'est le drame de sa vie). Passionné au point de faire l'impasse sur ses vacances pour se consacrer pleinement au sujet.
Dans cet opus, les chapitres s'alternent - d'ailleurs pas systématiquement - selon deux temporalités et trois narrations :
- le présent qui correspond au temps de l'enquête, en Islande, qui relate le cheminement des enquêteurs, les pistes suivies en lien avec les familles des disparus, les contacts officiels et autres personnes susceptibles de les renseigner utilement. Toujours dans le présent, on suit le vécu d'un mystérieux homme "il" qui se remémore une période révolue et qui semble vivre un présent solitaire et pénible, dont on ne connaît pas bien la cause. Il n'est pas prénommé et le lecteur n'a pas vraiment le moyen de savoir de qui il s'agit.
- le passé (dans les années après-guerre) qui correspond au temps des études d'un jeune boursier Islandais prénommé Tomas, membre des jeunes socialistes, parti étudier à Leipzig en RDA.
Au fur et à mesure que les membres de l'équipe du commissaire Erlendur tirent les fils bien emmêlés d'une histoire dont ils ne comprennent pas bien les tenants et les aboutissants, des pistes s'ouvrent, se referment ; des personnages émergent ; et se découvrent des secrets plus ou moins bien gardés (liés à la présence sur le sol islandais d'une base américaine, liés aux démarches d'espionnage et de contre-espionnage des uns et des autres, liés à certaines histoires nouées et autres disparitions inexpliquées).
Dans le même temps, le lecteur suit également Tomas dans les méandres de sa vie universitaire, en compagnie de ses compatriotes expatriés comme lui, mais aussi au contact d'autres étudiants. Alors que tout semble à première vue lui convenir - n'était-il pas pressenti comme ayant l'un des plus forts potentiels d'engagement politique et de fortes ambitions ? - il tombe amoureux, et là, tout dérape. Car llona, étudiante hongroise, contrairement à lui, n'est pas dupe des dérives d'un système communiste basé sur la surveillance généralisée de la population.
Si le lecteur est bien informé des circonstances qui conduisent Tomas à douter, à se rebeller, puis à renoncer, de grosses ellipses ne permettent pas de comprendre - avant la fin - comment tout cela se termine. Ce qui génère une certaine frustration...
Cette partie est très documentée - un peu trop à mon goût - et constitue un vrai réquisitoire politique contre le régime en vigueur (on sait aujourd'hui que le modèle de société idyllique qui était prôné après-guerre avait certes du bon, sauf qu'il a très vite dérivé vers de telles pratiques liberticides que le peuple concerné était pris au piège). Bien que détaillée et bien documentée pour qui s'intéresse à cette période et à la politique, cette partie n'en reste pas moins floue tant, à un moment donné, on ne sait plus très bien qui est qui, qui surveille qui, qui dénonce qui, qui trahit qui et tant on est dans l'expectative de savoir ce que sont devenus les principaux protagonistes de cette période : Hannes, Tomas et IIona. C'est sans doute voulu, puisqu'on verra que cette histoire aura des répercussions dans le présent.
Parallèlement, on suit aussi par petites touches successives les divers joies ou aléas des différents membres de l'équipe. Ainsi, Erlendur, fidèle à lui-même semble vouloir sortir de sa dépression latente en se fixant exclusivement sur l'un des aspects de l'enquête : ému par l'histoire d'amour entre une femme et un mystérieux homme ayant disparu, il s'attachera à retrouver une voiture (la sienne ou celle de son ravisseur ?) dont on verra qu'elle le mènera à des informations importantes. Bien sûr, il est toujours empêtré dans sa culpabilité d'avoir perdu son frère et de ne pas encore avoir réussi à retrouver son corps ; dans ses liens tendus avec sa fille et son fils ; dans ses relations amoureuses qui n'en sont pas vraiment. Un aspect nouveau toutefois : sa présence au côté de Marion Briem (son ex-chef et celle qui l'a formé), malade et quasi mourante qui le montre sous un jour différent, plus humain et plus soucieux de l'autre.
Par ailleurs, on se réjouit pour Elinborg qui, indépendamment de son métier de policière, commence à se faire connaître avec son livre de recettes, et on est également ému par Sigurdur Oli et sa femme qui tentent désespérément de concevoir un enfant.
Après avoir lu de nombreux romans d'
Arnaldur Indridason, je peux affirmer que celui-ci n'est pas mon préféré. C'est même celui que, pour l'instant, j'ai le moins aimé. Pour moi, il m'a semblé trop embrouillé (tant dans la partie enquête que dans la partie en RDA) et trop complexe à suivre pour bien le comprendre.
De plus, je commence à me lasser des aspects récurrents liés à la personnalité d'Erlendur... Les choses n'avancent jamais dans sa vie personnelle et c'est très frustrant.
Donc, ma recommandation : si vous aimez les enquêtes embrouillées et complexes à résoudre , ce livre est fait pour vous. Mais, si vous n'avez aucun intérêt pour la politique, le communisme, l'espionnage et le contre-espionnage, vous aurez du mal à aller au bout !