AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de migdal


A l'instar des matriochkas cachant plusieurs poupées les unes à l'intérieur des autres, ce roman résume la carrière de Bobby Fisher jusqu'en 1975, dévoile l'équipe Enigma forgée par le KGB pour truquer le championnat du monde d'échecs en 1975, révèle le rôle joué par Olga Komarova dans cet imbroglio, puis son extraordinaire destin dont la confession manuscrite nous parvient aujourd'hui au terme d'une enquête achevée à Cannes en 2019.

Magnifique roman, c'est un livre exigeant présupposant une connaissance du stalinisme, de la littérature et de la philosophie qui dissuadera probablement des lecteurs de Gérard de Villiers et des lectrices de Mélissa da Costa. Par contre, connaitre les échecs n'est nullement indispensable.

BOBBY, TU SERAS ROI
La vie de Bobby Fischer est à celle seule un véritable roman : sa mère américaine, d'ascendance juive allemande, fuit le Reich en 1933, en compagnie de Gerhardt Fischer, qu'elle épouse à Moscou, Regina part en France en 1939, puis aux USA, sans son mari allemand et donc interdit de visa. Bobby nait en 1943 et Gerhardt Fischer est enregistré comme étant son père alors que le couple est séparé depuis 1939 !
Bobby à l'âge de 6 ans se plonge dans la lecture de livres commentant des parties d'échecs et révèle un extraordinaire talent dès le début des années 50 … Champion des USA à quatorze ans, il est champion du monde à l'été 1972 (face à Boris Spassky) et détrône les russes qui dominaient ce jeu depuis des décennies.

OLGA, TU SERAS REINE
En pleine guerre froide, l'URSS de Léonid Brejnev devait relever le défi et reconquérir le titre en 1975. Pour ce faire, tous les moyens sont déployés, et pendant que le jeune Soviétique Anatoli Karpov s'entraine, dans l'ombre, le KGB constitue une équipe dirigée par la géniale et gracieuse Olga Komarova … qui va s'intéresser à la face obscure de l'américain, qui n'a jamais été scolarisé, est embrigadé dans une secte évangélique et s'éloigne de son entraineur qui était devenu un père de substitution.

LE ROI, LA REINE ET LES EMPIRES
La folie, qui peut résulter d'une passion, s'achève en sacrifice, jusqu'à ce que Bobby parvienne « à la part des anges vaporeuse et silencieuse et qu'il en boive jusqu'à l'ivresse, jusqu'à la déraison. »
Le roi se sacrifie pour la reine ; Anatoli Karpov gagne par forfait le titre mondial 1975.

LE MANUSCRIT
Bobby Fischer s'enfonce alors dans une déchéance nourrie de paranoïa, d'antisémitisme, qui le conduira d'exil en exil, via la case prison, vers l'Islande où la mort l'attend le 17 janvier 2008, à 64 ans.

Olga, devenue une oligarque a fui son pays et décidé de publier ses mémoires. Poutine peut il tolérer que la tricherie Enigma soit rendue publique ? Peut il accepter que l'adolescence d'Olga au Goulag soit révélée ? En en 2017-2018, Olga est elle toujours en vie ? Dans quelles mains est son manuscrit ? A moins qu'il s'agisse d'une clé USB ?

C'est à Paris et à Cannes, que les hommes de l'ombre vont s'affronter … sans répondre à toutes les questions et notamment sans que l'on sache qui est Livie Hoemmel anagramme du « vieil homme » ?
Ce roman évoque des thèmes chers à Vladimir Volkoff (disparu en 2005), à Andrei Makine (coutumier des pseudonymes)…
A la dernière page l'auteur remercie Marc Monnery, auteur avec Gérald Poitevineau, de «  le Pont Mirabeau : l'objectif visé ou le 'résultat escompté' » ; est ce un indice ?
A moins que ce soit une « fake news » commise par des laquais de l'impérialisme américain pour salir la Russie engagée dans son « opération spéciale » ?

L'alchimiste signe une oeuvre difficile, qui se termine par 5 chapitres numérotés successivement 5,4 ,3, 2,1 et (last but not the least) par « le zéro absolu » où les arcanes de « l'investigation littéraire » interpellent le lecteur.

Un chef d'oeuvre que je relirai attentivement en espérant découvrir ce « vieil homme ».
Commenter  J’apprécie          11514



Ont apprécié cette critique (115)voir plus




{* *}