Il n'est pas impossible qu'un homme se trompe au point de croire que son rêve est une réalité après qu'il est passé : car s'il rêve de choses qui sont ordinairement dans son esprit et dans le même ordre que lorsqu'il est éveillé, et si à son réveil il se trouve au même lieu où il s'était couché, ce qui peut très bien arriver, je ne vois aucun signe propre à lui faire discerner s'il a rêvé ou non ; et par conséquent je ne suis point surpris de voir un homme raconter quelquefois son rêve comme si c'était une vérité, ou le prendre pour une vision.
Pour se faire une idée claire des éléments du droit naturel et de la
politique, il est important de connaître la nature de l'homme, de savoir ce que c'est qu'un corps politique et ce que nous entendons par loi. Depuis l'Antiquité jusqu'à nous, les écrits multipliés qui ont paru sur ces objets n'ont fait qu'accroître les doutes et les disputes : mais la véritable science ne devant produire ni doutes ni disputes, il est évident que ceux qui jusqu'ici ont traité ces matières ne les ont point entendues.
Si nous étendons nos expériences sur les autres sens il sera facile de s'apercevoir que l'odeur et la saveur d'une même substance ne sont pas les mêmes pour tous les hommes, et nous en conclurons qu'elles ne résident point dans la substance que l'on sent ou que l'on goûte, mais dans les organes. Par la même raison, la chaleur que le feu nous fait éprouver est évidemment en nous, et elle est très différente de la chaleur qui existe dans le feu ; car la chaleur que nous éprouvons est ou un plaisir ou une douleur suivant qu'elle est douce ou violente, tandis qu'il ne peut y avoir ni plaisir ni douleur dans les charbons.
La nature de l'homme est la somme de ses facultés naturelles, telles que la nutrition, le mouvement, la génération, la sensibilité, la raison, etc. Nous nous accordons tous à nommer ces facultés naturelles ; elles sont renfermées dans la notion de l'homme que l'on définit un animal raisonnable.