On parle toujours de l'idéal comme d'un but vers lequel on tend sans jamais l'atteindre.
Sans l'Annapurna et les tourments endurés, je n'aurais jamais découvert le monde et les hommes tels qu'ils m'apparaissent aujourd'hui. L'expérience, qu'à mon corps défendant j'ai vécue, est sans prix. Ce que j'ai perdu n'est rien à côté de ce que j'ai gagné.
A eux tous, je dis qu'au-delà des souffrances sans nom se profile nécessairement, enrichi par le malheur, un être nouveau, mieux armé moralement que l'ancien.
Tous, nous sommes hélas appelés à vivre un jour des événements tragiques dont les répercussions en nous peuvent devenir incalculables.
Lorsque la mort ne voulut plus de moi, le mythe du phoenix se mit à hanter mes esprits. Ma carcasse réhabitée par quelqu'un d'autre, bizarrement se réanimait. Effectivement, une" autre" personne naissait en moi. Ce nouvel être tient aujourd'hui à apporter un message d'espoir à ceux qui se trouvent dans l'infortune.
Il y a d'autres Annapurna dans la vie des hommes.
La brume, les flocons qui tombent, le tapis de neige se confondent dans une même couleur blanchâtre qui trouble la vue. Les hautes silhouettes des séracs prennent des formes fantastiques et semblent se mouvoir lentement autour de nous.
Cette pierre brune, la plus haute; cette arête de glace... sont-ce là des buts de toute une vie? S'agit-il de la limite d'un orgueil?
Le coucher de soleil est merveilleux : les parois des Nilgiri et de l'Annapurna sont dorées, puis orangées, enfin pourpres; le ciel est d'une pureté absolue, il fait froid : tout cela est bon signe.
Deux jeunes filles, particulièrement jolies et gracieuses, lavent du linge à la source; elles sont propres, coiffées avec soin, portent un sari de travail en cotonnade. Les mouvements qu'elles font en battant nous permettent d'admirer leurs corps souples et bien faits.