L'agriculture occupe une place centrale , voire essentielle dans nos sociétés .
Depuis le néolithique , 12000 ans environ , l'homme est devenu agriculteur , il a eu besoin de cultiver des plantes pour manger à sa faim , et d'élever des espèces animales pour satisfaire ses besoins en protéines .
C'est ce que l'auteur appelle "l'agriculture paysanne" .
Sans le jardin et ses fruits , l'homme meurt . Sans l'homme , le jardin dépérit .Leur relation est coalescente (ils grandissent ensemble) . L'homme n'est pas propriétaire de la nature , il en fait lui-même partie .
A partir de la Renaissance , cette philosophie va être complètement remise en cause , l'homme décide de maîtriser la nature , l'homme se sépare de la nature qui devient la matière inerte de la domination humaine .
Francis Bacon formule l'idée nouvelle d'une domination de l'homme sur la nature , il se démarque ainsi de l'idée antique qui faisait de la contemplation le but de la connaissance .
A sa suite ,
Robert Boyle affirme : "la vénération dont les gens sont imbus envers ce qu'ils appellent nature a été un obstacle décourageant à l'empire de l'homme sur les créatures inférieures de Dieu".
Descartes n'est pas en reste , pour lui , c'est le travail de l'homme qui procure à la nature sa valeur ; ce qui implique que celle-ci n'a plus aucune valeur en elle-même .
Plus tard , c'est
Ernest Renan (1823-1892) qui écrit : "Le règne de la liberté sera celui de l'esprit . Il ne commencera que quand le monde matériel sera parfaitement soumis à l'homme" .
A partir de cette période , selon
Karl Marx , aucune limite ne s'oppose plus à l'exploitation de tout ce qui est susceptible de devenir un objet de valorisation . La société moderne est caractérisée par une démesure qui est à l'origine d'une production et d'une consommation frénétique . Celle-ci est à l'origine d'un ébranlement du monde et d'effets destructeurs sur l'homme et son milieu vivant . Elle engendre une altération considérable de la qualité et de la fécondité des milieux naturels tout comme une dégradation de la diversité et de la cohésion des sociétés humaines .
Pire encore , elle évolue vers une forte concentration de richesses dans les mains d'une minorité , au détriment du plus grand nombre , vers des sociétés de pénurie , d'injustice , de violences , de guerres et de migrations brutales .
Les agricultures sont très différentes selon les moyens et les méthodes utilisées , 500 millions de petits cultivateurs produisent autour d'une tonne d'équivalent céréales par travailleur et par an , alors que quelques millions d'autres , mieux équipés , peuvent produire plus de deux mille tonnes par travailleur et par an .
En revanche , les agricultures familiales manifestent une grande capacité d'adaptation par leur connaissance des milieux , en valorisant notamment des territoires fragiles , non accessibles à une agriculture industrialisée .
Les caractéristiques de cette agriculture expliquent sa pérennité : solidarité , abnégation , dévouement , volonté de transmettre son patrimoine et ses savoirs , acceptation de contraintes temporaires en cas de besoin (diminution des revenus , augmentation de la charge de travail , ...)
Mieux , elles ne sont pas soumises à des dynamiques de croissance , d'extension et de productivité , comme le sont les très grosses structures .Il s'agit avant tout pour elles de garantir le renouvellement des sols contre tout risque d'épuisement .
Je ne résiste pas à la lecture de ce texte , rédigé par un paysan (Dominique Grève , en 2018 ) : "l'esprit paysan , c'est la capacité d'accompagner le vivant et de s'émerveiller devant la grandeur de la vie . La terre est un cadeau que l'on a reçu et que l'on doit transmettre . Travailler la terre est un métier rude . Cela forme un homme ." (...) Cultiver la vie est un don qui s'acquiert avec beaucoup de patience et de volonté . Ce n'est pas l'indépendance qui rend l'homme heureux , mais , bien au contraire , le fait d'être dépendant , dépendant du plus grand , de l'origine , de la terre , du soleil".
Hélas , dans un contexte où la productivité est la principale priorité , les hommes et la nature deviennent une variable d'ajustement du processus de transformation . On (les politiques ) favorise la compression des effectifs agricoles , tandis que le milieu vivant sera systématiquement ajusté à des objectifs de production standardisés afin de rentrer dans des circuits de transformation et de grande distribution .
Autre témoignage de paysan , qui a refusé cette industrialisation de son métier : "avec tous ces produits , j'étais pieds et poings liés . Rien ne peut nous démonter , si on se met en unité avec la nature (...) nous devons être des artistes . L'agriculture , c'est l'art de travailler la terre".
Le modèle économique qui domine actuellement l'agriculture en Europe est structurellement déficitaire : sans subventions , plus d'agriculture . Les conditions du marché conduisent structurellement à une forme de vente à perte , et à une grave perte d'autonomie pour les agriculteurs . Par exemple , le monopole que certaines firmes ont acquis , a quasi interdit aux agriculteurs la fonction historique de sélection et de reproduction semencière .
Ce système est dangereux , la recherche du profit immédiat amène l'humanité à détruire la base même de la sécurité alimentaire mondiale .
Il existe heureusement des alternatives à ce système néfaste : la culture des lopins de terre , tradition profondément ancrée dans les pays slaves , et le développement des jardins familiaux et des jardins ouvriers .
Cela représente 30% de la production alimentaire russe , dont 80 % des légumes permettant aux citadins de surmonter les crises alimentaires .
Ces jardins ouvriers accompagnent la demande d'une société en mutation , qui recherche une alimentation saine et des moments de détente et de convivialité , ainsi qu'un contact physique avec la nature . Les jardins permettent de créer ou de renforcer le lien social .
Notre société est en demande de produits de qualité , des produits issus de méthodes agronomiques naturelles , et , d'une façon plus profonde , elle recherche de nouvelles formes de relations entre la société et le monde vivant , le besoin d'une familiarité avec le milieu vivant .
Notre société doit évoluer , il est nécessaire de produire différemment ,sans pesticides ou presque , en respectant les sols et les personnes qui les entretiennent . C'est le défi auquel est confronté notre société , ce ne sont pas les politiques qui doivent décider à notre place , chaque citoyen(ne) doit pouvoir décider de ce qui va se trouver dans son assiette .