Après les attentats du 13 novembre 2015, mais avant celui de Nice du 14 juillet 2016,
François Heisbourg, spécialiste reconnu des questions stratégiques, a publié ce court essai autitre volontairement provocateur.
S'agit-il pour autant d'un réquisitoire en règle contre la politique anti-terroriste du gouvernement français ? En partie. Mais en partie seulement. Sans doute
François Heisbourg ne ménage-t-il pas ses critiques contre la politique menée par le gouvernement français. Elles portent notamment sur trois points.
François Heisbourg pointe en premier lieu les failles de notre dispositif de renseignement. Il reproche à
Nicolas Sarkozy d'avoir supprimer le renseignement de proximité en fusionnant les renseignements généraux et la Direction de la surveillance duterritoire.
Il critique ensuite une gestion de crise défectueuse marquée par une concurrence stérile entre les forces spéciales de la police et de la gendarmerie. Il met l'accent sur une communication défaillante regrettant par exemple l'absence d'une plateforme donnant, dès la nuit du 13 novembre, des consignes très concrètes de prudence aux Parisiens déroutés.
Il reproche enfin à
François Hollande et à son gouvernement la gestion politique de l'après-crise. Ses flèches les plus féroces sont décochées contre le débat sur la déchéance de nationalité lancé par le Président de la République, dès le 16 novembre depuis la tribune du Congrès.
François Heisbourg, qui écrivait ces lignes dans les premiers mois de l'année 2016 en pleine polémique, y consacre de longs déroulements. Force est de constater que la suite des événements lui a donné raison : ce vain débat a divisé la classe politique et, pire, a stigmatisé les binationaux en instruisant contre eux un procès en allégeance.
Mais le court essai de
François Heisbourg ne se borne pas à pointer les défaillances de
Manuel Valls et de son ministre de l'intérieur. Il contient quelques recommandations pour gagner la soi-disant guerre contre le terrorisme.
Le premier concerne précisément ce qualificatif importé d'outre-Atlantique.
François Heisbourg le récuse. Déclarer la guerre contre le terrorisme, c'est se condamner à une lutte asymétrique contre un ennemi insaisissable qui, même après avoir perdu son assise territoriale et ses chefs, est toujours capable de frapper. C'est aussi se condamner à une guerre fratricide contre des ennemis qui ont la même nationalité que nous et habitent dans nos villes. Enfin, c'est se condamner à un combat sans fin car les mouvances terroristes n'ont pas de plénipotentiaires capables de signer l'armistice ou la paix.
Le second concerne l'état d'urgence et ses limites. Celles-ci sont de deux types. La première est instrumentale : l'efficacité des mesures exceptionnelles mises en oeuvre (perquisitions administratives, assignations à résidence, interception des communications…)
s'émousse face à des terroristes qui apprennent très vite à les contrecarrer. La seconde est plus politique : pérenniser l'état d'urgence, instaurer un régime policier, sacrifier une partie de nos libertés fondamentales, c'est renier nos valeurs et perdre paradoxalement la guerre qu'on entend gagner.