Donald, las du quotidien de sa vie de bureau, décide de partir naviguer seul pendant trois mois
en mer du Nord. Maria, sa fille de sept ans, le rejoint pour la dernière étape qui doit les ramener du Danemark aux Pays-Bas, où ils retrouveront sa femme. Mer étale, complicité entre le père et la fille: la traversée s'annonce idyllique. Mais rapidement, les nuages noirs se profilent à l'horizon, et Donald semble de plus en plus tourmenté. Jusqu'à cette nuit cauchemardesque où Maria disparaît du bateau alors que la tempête éclate. Très vite l'on découvre que le personnage présente quelques dangerosités caractérielles, sa panique devant les éléments déchainés étant une belle allégorie de ses luttes intérieures. Les phrases sont courtes, serrées, nerveuses et l'auteur nous entraine dans un récit hallucinant et tourmenté. Kidnappant son lecteur dans une descente infernale au plus profond des fonds abyssaux du mental détraqué d'un individu en burn-out depuis de longs mois. Très vite votre corps devient un iceberg qui recherche la chaleur d'eaux plus chaudes pour fuir ce froid qui vous fige de peur. L'angoisse vous gagne rapidement et vous devenez ce caillou qui plonge au fond de la mer pour être le spectateur pétrifié d'une scène hallucinante se déroulant à quelques encablures de cette noix balayée au gré des vents et des vagues déferlantes.
Pour que la littérature ait quelque chose à nous dire, qui ne se réduise pas à ce que la
psychanalyse y apporte, l'auteur nous enfonce dans un récit construit dans un monde que
Freud n'aurait même pas imaginé. L'intranquillité du personnage pourrait sembler n'être qu'un sentiment d'incertitude, mais est aussi bien plus que cela, à savoir une organisation différente des relations entre conscient et inconscient – traduite par des expressions inconscience consciente ou conscience de l'inconscient. Dans le récit circulent des représentations qui n'ont pas la clarté du conscient sans être pour autant ensevelies. Ces mouvements insaisissables de l'âme de Donald, sont pris en charge par une écriture qui nous fait sentir, au plus près des angoisses intérieures, toute la charge de peur ou de violence que recèle l'individu déconnecté de toutes réalités.
C'est bien une volonté de transmission de troubles nauséeux qui anime l'auteur
Toine Heijmans, faute de quoi le lecteur ne pourrait se sentir impliqué et ne serait pas le voyeur d'événements irrationnels hors de portée d'un individu pourtant en attente d'un tout autre récit. le tour de force narratif est de ne jamais laisser retomber la tension. Implacable, l'auteur parvient à interconnecter plusieurs huis clos (la famille et le couple, la mer et l'univers du bureau), les aliénations et espoirs d'échappées. le lecteur ne peut plus quitter ces pages, hypnotisé, sur les nerfs, atteint par la paranoïa et la « lucidité » du narrateur, aussi trompeuse qu'elle est à vif.
Essai ? Roman ? Thriller psychologique ? le lecteur est déchiqueté par un récit qui est une véritable bombe à défragmentation du mental. Car rien ne sert de parcourir les mers pour se faire mener en bateau. Et vous cher lecteur, méfiez-vous des recommandations, vous risquez d'être le sherpa d'une bombe psychologique. A lire, l'estomac vide. A offrir, avec prudence. A déposer dans la bibliothèque d'un asile psychiatrique. Nous aurons là l'avis d'experts… !