À quoi pourrait ressembler le monde de demain ? Éternelle interrogation, qui semble prendre encore davantage de résonance dans les temps incertains que nous vivons. Les écrivains en font leur miel depuis toujours, et encore plus aujourd'hui… C'est notamment le cas de
Lilia Hassaine qui – dans son nouveau roman «
Panorama » primé du Prix Renaudot Des Lycéens 2023 - raconte comment après la France s'est installée dans la société de la « Transparence ». Une société qui se veut modèle jusqu'au jour où un grain de sable vient enrayer ce beau mécanisme : une famille disparaît.
Hélène vit avec sa fille Tessa et son mari David dans une maison de verre, architecture qui s'est imposée progressivement dans le pays après une nouvelle Révolution qui a eu lieu en 2029. Désormais tout est transparent. Les résultats ne se sont pas fait attendre, la délinquance est quasi-inexistante, la solidarité bien réelle et David, qui était un peu volage, s'est assagi.
Ancienne commissaire de police, Hélène est désormais une «gardienne de protection» (plus besoin des policiers à l'ancienne) et s'ennuie un peu. Jusqu'à ce 17 novembre 2049 où va se produire le plus improbable des faits divers. Une famille habitant le quartier le plus huppé de la ville va disparaître.
Hélène se voit confier l'enquête par son supérieur. le moment est venu pour elle de montrer tout son savoir-faire. Il faut dire qu'elle peut s'investir dans sa mission, David lui ayant laissé le champ libre en la quittant.
Lilia Hassaine, en poussant le curseur, imagine l'évolution d'un monde où, après que s'être montré à tous à travers les réseaux sociaux, vit désormais l'ensemble de sa vie quotidienne exposée à la vue de tous ; une sorte d'open space à l'échelle d'une nation.
C'est bien évidemment les dérives de notre société contemporaine que cible la jeune romancière, avec la montée inexorable des populismes, l'exposition à l'excès sur internet et l'acceptation des citoyens de céder toute vie privée au nom de la sécurité. Un échange qui ne fera pas que des heureux.
Même si la démonstration coule de source, on referme le roman avec un soupçon de frustration devant un livre que l'on aurait aimé plus dense et plus intense, surtout pour la trame policière quelque peu bâclée sur la fin.
Force est de constater que
Lilia Hassaine ne maîtrise pas les codes du polar. Passé une mise en place prometteuse, le récit commence à patiner un peu et la liste des dérives potentielles liées à la « Transparence » se fait répétitive, voire redondante. Il manque d'un soupçon de tension dans l'intrigue, ou l'enquête.
Certes, l'objectif n'était très certainement pas d'écrire un récit policier (en veut pour preuve sa publication dans la « blanche » de Gallimard), mais lorsqu'on met en scène une disparition et une policière qui enquête, le lecteur est en droit de s'attendre à une approche « polar » un peu plus approfondie.
Au-delà de cette maigre intrigue policière, l'écrivaine dépeint surtout une société profondément clivée, déchirée, guidée par la peur, prompte à la délation. Une société déshumanisée que l'espoir a déserté. Cette ambiance étouffante est le point fort du roman tant elle résonne avec les évolutions récentes de nos quotidiens.
Si
Lilia Hassaine réussit brillamment son pari sur l'établissement de la « transparence » et offre une vision alarmante de l'évolution possible de notre société dans une dystopie réalise, force est de constater que la partie « enquête » de son récit n'est pas du même niveau. Jusqu'à un final à la fois tiré par les cheveux et pourtant prévisible. Peut-être qu'au fond ça n'est pas vraiment un polar… Dommage.
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