« Le château sur la colline » nous conduit en Angleterre durant le blitz, cette période courant de juin 1940, défaite de l'armée française, à juin 1941, début de l'offensive allemande à l'est. Année terrible où le Royaume Uni s'opposa seul à l'Allemagne et à ses alliés et où la population à qui
Churchill avait promis « des larmes, de la sueur et du sang » passa « de l'épouvante à la sérénité » pour reprendre le sous titre donné par
Elisabeth Goudge.
Publié dès l'automne 1941, par une femme vivant sur la cote sud du Devon, donc en première ligne, c'est un livre superbe, qui trouvera son prolongement dans «
par amour » de
Valérie Tong Cuong qui décrit les bombardements du HAVRE entre 1940 et 1944 et qui pose la question « que restait-il de solide dans nos vies ? ».
N'ayant pas été réédité depuis 1948, et n'ayant jamais été publié en forme poche, contrairement aux autres oeuvres de ce grand écrivain, « le château sur la colline » est peu connu en France et je vais donc en commettre un bref résumé en espérant ainsi développer son lectorat.
L'héroïne, Mlle Brown, se retrouve au printemps 1940 expulsée de sa maison côtière, réquisitionnée par l'armée puis détruite par la Luftwaffe. Elle erre dans Londres et finit par embarquer dans un train en partance vers la province après avoir croisé un violoniste juif, M. Isaacson, contraint de fuir Leipzig et terrorisé par la tournure des événements.
Dans le train Mlle Brown est distinguée par M Birley, un historien médiéval réputé, descendant de ces familles normandes qui, aux cotés de Guillaume, ont apporté la civilisation aux anglais. M Birley cherche une gouvernante pour prendre en main sa propriété Birley Castle, « le château sur la colline », à proximité du village de Torhaven. M Birley est pleinement conscient que sa destinée sera tragique, pris en tenaille comme il l'est entre le fisc britannique et la menace nazie.
M Birley y vit en compagnie de
deux neveux, Richard, l'ainé pilote dans la RAF et Stephen, architecte et objecteur de conscience. Dans le village vit un docteur et sa gracieuse fille Prue, qui, le lecteur s'en doute, ne laissera pas indifférents Richard et Stephen. Mlle Brown accepte de manager Birley Castle et son équipe constituée d'un majordome M Boulder, ancien combattant, et de Miss Heather, une veuve.
Le hasard, ou la
providence, vont conduire à Torhaven, M Isaacson accompagné de
deux fillettes Moppet et Poppet, fuyant Londres et les bombardements.
Le décor est planté, les acteurs introduits, la tragédie peut commencer avec son cortège de héros, de morts, de blessés, et la destruction d'un patrimoine multi séculaire.
Mais par delà ces sacrifices librement consentis, l'Angleterre vivra éternellement, fidèle à sa vocation … bel acte d'espérance publié quelques semaines avant Pearl Harbour et le déferlement japonais sur l'empire britannique !
Pages superbes, avec peu de dialogues, mais beaucoup d'introspections idéales pour décrire ces personnages et leurs états d'âmes ou pour nous peindre ces paysages anglo normands éternels. Pages bouleversantes quand l'auteur, une femme qui n'a pourtant jamais piloté un avion, nous embarque avec Richard pour défendre Torhaven et le royaume.
« Le Château sur la colline », est à mon avis, du même niveau que le « silence de la mer » de Jean BRULLER (alias VERCORS) ou que «
Suite française » d'
Irène NEMIROVSKI,
deux chefs d'oeuvres rédigés à la même époque.