De la branche d'acier gris jusqu'à la jarre d'argile, l'olive coule entre cent mains, dévale avec des bonds de torrent, entasse sa lourde eau noire dans les greniers, et les vieilles poutres gémissent sous son poids dans la nuit. Sur les bords de ce grand fleuve de fruits qui ruissellent dans les villages, tout notre monde assemblé chante.
Poème de l'olive
Il y a, là-dedans, des villages sombres, dans des vergers de pruniers. Des villages qui ont leur conteur comme on a son garde champêtre et son facteur. C’est dans le jour parfois un savetier, parfois un charron, parfois un simple qui bavote doucement, à l’ombre, à longueur de sieste.
Avec mes joies, avec mes peines, j'ai mâché des quignons de ma terre; et maintenant, la ligne où se fait le juste départ, la ligne au delà de laquelle je cesse d'être moi pour devenir houle ondulée des collines, la ligne est cachée sous la frondaison de mes veines et de mes artères, dans les branchements de mes muscles, dans l'herbe de mon sang, dans ce grand vert qui bout sous la toison des olivaies et sous le poil de ma poitrine.
J'ai des jambes: il n'y-a pas de route qu'on n'en vienne à bout avec des jambes. j'ai des bras: il n'y-a pas de travail qu'on assomme avec des bras et de la patiente. Et puis depuis que je fais ça, j'ai du temps pour tout. J'ai du temps plein ma poche. Je peut en dépenser tant que je veux, à ce que je veux; ça ne coûte rien. La vie est belle.
Je ne pourrais jamais retrouver le vrai visage de ma terre: cet œil pur des enfants, je ne l'ai plus.