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EAN : 9782713800498
107 pages
Editions Traditionnelles (01/01/1990)
4.8/5   5 notes
Résumé :
S’il est une figure symbolique où peuvent se rencontrer le christianisme et l’islam, c’est bien celle de la Vierge Marie, de Maryam, mère de Jésus (‘Isâ). Il n’est pas étonnant, d’ailleurs, que les deux études les plus importantes à propos de Marie - Maryam soient le fait d’un musulman converti au christianisme - le Père Jean-Mohammed Abdel Jalîl - et d’un chrétien converti à l’Islam, Charles-André Gilis.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Nous aborderons tout d’abord le dogme trinitaire, logiquement antérieur à la question de la filiation. Une première remarque s’impose : si l’Unité métaphysique est, dans l’ésotérisme islamique, le symbole par excellence de l’Essence divine, la doctrine générale des nombres ne présente pas, en revanche, de lien direct avec le symbolisme propre à tel ou tel d’entre eux ; tout nombre exprime, en ce qu’il a d’unique, l’Unité principielle. Le nombre « trois » ne revêt une importance spéciale que dans l’enseignement doctrinal relatif à l’existenciation cosmique (takwîn), d’où sa relation avec la notion d’« activité » divine. En doctrine chrétienne, le dogme trinitaire a fondamentalement le même sens : sa formulation est liée, historiquement, à la manifestation en ce monde du Verbe existenciateur ; elle est inséparable de la révélation christique aussi bien que de la Personne du Christ « par qui toutes choses ont été faites ».

Pour Ibn Arabî, cette signification particulière explique la présence de trois Noms divins (Allâh, ar-Rahmân et ar-Rahîm) dans la Basmala et les trois lettres dans l’Ordre divin existenciateur : kâf, wâw et nûn, compte tenu du fait que le wâw central est occulté dans l’impératif Kun ! (= « Sois ! »). En effet, la Basmala : « Au Nom d’Allâh, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux » est la formule de consécration de toute activité traditionnelle pour chaque croyant tout comme le Kun est l’expression de l’Activité divine en tant qu’elle s’identifie au Commandement existenciateur d’Allâh. Le nombre « trois » est aussi celui du terme ab, « père », formé à partir des deux premières lettres de l’alphabet arabe : l’alif, qui correspond au nombre « un », et le bâ, qui correspond au nombre « deux ». Il n’est pas ici sans intérêt de noter que le mot ibn, « fils », est formé de ces deux lettres initiales ; sa troisième lettre, qui est nûn, comporte un sens d’enveloppement, de conservation et de synthèse(1), représenté dans l’écriture par l’intériorisation du point central ; celui-ci figure au contraire à l’extérieur dans le tracé du bâ(2). Le « fils » apparaît, à ce point de vue, comme l’aspect final de la réalité principielle exprimée par le « père », et comme l’« occultation » et la « résorption » de la fonction initiatique correspondante.

(1) Cf. M. Vâlsan, L’Islam et la Fonction de René Guénon, p. 167.

(2) C’est pourquoi il symbolise « le centre de la ‘’circonférence première’’ qui délimite et enveloppe le domaine de l’Existence universelle » ; cf. R. Guénon, Er-Rûh. (pp. 36-37)
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Marie représente en Islam la servitude et la miséricorde ; c’est pourquoi elle est appelée « sœur d’Aaron » (Cor., 19,28). Cette expression contient une anomalie historique que l’on explique habituel­lement par le fait que Maryam faisait partie de la « famille » d’Aaron. Cependant, il y a lieu d’envisager surtout une parenté spirituelle, liée à la qualité prophétique et à un cer­tain « sacerdoce » féminin éminemment représenté par la Vierge(1) : en tant que Madonne, elle réunit en effet Sagesse divine et Intelligence transcendante(2). Ce sacerdoce joue un rôle prépondérant dans les traditions chevaleresques, où domine un élément affectif et guerrier ; d’autre part, Guénon a indiqué « le rapprochement d’une telle forme traditionnelle avec celle que représentent les Soufis per­sans »(3). Sans doute convient-il d’envisager ici, au point de vue du Tasawwuf, un certain héritage de l’antique tra­dition persane qui « compense », en quelque sorte, la rup­ture opérée par l’Islam naissant(4).

Rappelons enfin que Guénon a évoqué, dans le même contexte, le fait que « les Shâktas, au lieu de So’ham, “Je suis Lui” (le Anâ Huwa de l’ésotérisme islamique), disent Sâ’ham “Je suis Elle” ». On peut donc se poser la ques­tion de savoir s’il existe en Islam une formule analogue qui serait alors Anâ Hiya. Nous nous bornerons ici à quelques remarques : le nombre du mot hiya est 15 ; c’est donc un équivalent du nom d’Eve « Hawâ » et, par référence à la figure du Triangle de l’Androgyne, un symbole du cœur(5). La formule « Je suis Elle » s’intègre ainsi dans la réalisation totale qui est celle de l’Homme Universel : en tant qu’il manifeste la perfection de la Forme divine, celui-ci renferme nécessairement en lui-même la plénitude de la féminité(6).

En outre, le « petit triangle » correspondant peut être considéré comme analogue à celui qui, dans le Kundalini-Yoga, est le siège de la Shakti ou de la « force serpentine » ; Michel Vâlsan a rappelé, à ce propos, que le nom arabe du serpent, hayya, est « étymologiquement aussi bien que mythologiquement lié à Eve ». Ce symbolisme confirme donc ce que nous avons indiqué plus haut, à savoir que la force de la Sakîna n’apparaît plus, aujourd’hui, sous une forme extérieure et sensible. Elle descend, en mode invisi­ble, par la pratique du dhikr et la lecture du Coran(7) et demeure, miséricordieuse et terrible(8), dans le cœur des vrais Croyants.

(1) La « sœur d’Aaron » historique, elle aussi qualifiée de « prophétesse », danse et chante au son du tambourin pour célébrer la noyade de Pharaon : « Chantez Yahweh ! Il a fait éclater Sa Gloire ! Il a jeté à la mer le cheval et le cavalier ! » (Exode, XV,20).

(2) Le langage secret de Dante et des « Fidèles d’Amour ».

(3) Ibid.

(4) Le Prophète envoya une lettre au Roi de Perse Khosroès pour l’inviter à embrasser l’Islam, avec ce message : « Dites-lui : ma religion et mon empire s’étendront bien au-delà de ton royaume. » Par une coïn­cidence curieuse, le nom arabe de Khosroès, Kasrâ, a lui-même pour nom­bre 290.

(5) Le cœur est figuré par le triangle renversé. Dans le commentaire de l'Archéomètre publié dans La Gnose, ce triangle est appelé « Trian­gle des Eaux Vives » et mis en correspondance avec « le nom de Marie ».

(6) Le Degré divin, où Allâh est envisagé en même temps que Ses Noms, correspond à la formule Là ilâha ilia Allâh. Il est représenté, dans le symbolisme numérique, par la somme 66 (nombre d’Allâh) + 99 (nombre symbolique des Noms divins) = 165 (nombre de la formule lâ ilâha ilia Allah). A un autre point de vue, ce Degré apparaît comme celui où le Principe est identifié à l’union de son aspect « masculin » et de son aspect « féminin » ; cette union est figurée, quant à elle, par le produit 11 (nombre de Huwa) x 15 (nombre de Hiya) = 165. Selon Ibn Arabî, Hiya représente la manifestation de la « Forme semblable » (as-sûrat al-mathaliyya), ce qui renvoie au symbolisme de la Fâtiha en tant que Ummal-Kitâb ; cf. le Kitâb al-yâ.

(7) Cf. Futûhât, chap. 438.

(8) Cf. Cor., 48,29 : « ashiddâ’ ‘alâ-l-kuffâr, ruhamâ’ bayna-hum », c’est-à-dire « terribles à l’égard des incroyants, miséricordieux entre eux ». (pp. 86-88)
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Il y a lieu d’envisager ici une relation entre la Fitra [nature primordiale de l'humanité] et le symbolisme universel de l’eau. Selon René Guénon(1) : « L’eau est regardée par beaucoup de traditions comme le milieu originel des êtres, et la raison en est dans son symbolisme, tel que que nous l’avons exposé plus haut, et par lequel elle représente Mûla-Prakriti ; dans un sens supérieur, et par transposition, c’est la Possibilité Universelle elle-même ; celui qui ‘’naît de l’eau’’ devient ‘’fils de la Vierge’’, donc frère adoptif du Christ et cohéritier du ‘’Royaume de Dieu’’. » Cette allusion à la Mère du Christ confirme de manière inattendue le lien des aspects doctrinaux développés ici avec notre sujet. Du côté islamique, la correspondance entre la Fitra et le symbolisme de l’eau est établie au moyen du tasbîh car Allâh « a fait à partir de l’eau toute chose vivante » (Cor., 21, 30) ; or, selon Ibn Arabî, toute chose est vivante car « il n’est pas de chose qui ne proclame Sa transcendance par Sa Louange » (Cor., 17, 44). Cette correspondance explique l’usage de l’eau dans les rites de purification permettant à l’être de retrouver la pureté originelle de la Fitra.

Le symbolisme « végétatif » de Mûla-Prakriti, mentionné précédemment, est également présent dans l’ésotérisme islamique. En effet, si le Très-Haut « a fait à partir de l’eau toute chose vivante » c’est également parce qu’Il a « donné l’eau comme nourriture (rizqan) à tout être vivant ». Cette fonction nourricière s’opère précisément à partir du végétal(2) qui se développe grâce à sa racine avant de servir lui-même de nourriture aux animaux et aux hommes ; il y a là, en réalité, un aspect typique de la spiritualité « aïssâwî » lié, du point de vue initiatique, à l’idée d’une phase de croissance et de développement.

(1) L’Homme et son devenir, chap. XX.

(2) De même, dans l’Hindouisme « d’après divers passages du Véda, la nourriture (anna), c’est-à-dire le végétal (oshadhi), procède aussi de l’eau » (L’Homme et son devenir, chap. IX). (pp. 53-54)
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La tradition islamique rejoint le Christianisme pour con­ sidérer que le nom de la mère de la Vierge Marie est Hanna, « Anne ». Ibn Arabî fait exception et affirme que ce nom est véritablement celui de la Vierge, Maryam n’étant qu’un laqab, terme que l’on peut traduire ici par « désignation emblématique » ’. Cette indication est révélatrice : Hanna dérive d’une racine verbale qui évoque la miséricorde, la tendresse du cœur, une source de bénédiction ; de sayyidnâ Yahyâ (Jean-Baptiste) il est dit : « Nous lui avons donné une tendresse de Notre part (hanânan min ladun-Nâ) » (Cor., 19, 13). Il s’agit d’un aspect plus personnel, alors que le nom Maryam a une valeur éminemment symbolique, comme nous l’avons montré tout au long de cet ouvrage. Les enseignements qui s’y rattachent dans l’ordre doctrinal se complètent et se confirment de telle façon qu’ils appa­raissent comme diverses applications et modalités d’une fonction unique : celle de la Femme Parfaite qui correspond, à tous degrés, au principe « passif » et substantiel de l’Exis­tence. Les termes marman, fâtir, kursî, rusul, équivalents du nom Maryam suivant la science des nombres, représen tent cette fonction, le premier au point de vue de l’Essence suprême, et les suivants dans des perspectives doctrinales qui sont, respectivement, d’ordre ontologique, cosmologi­que et cyclique. Quant au terme nimr, il évoque la puissance inhérente à l’aspect féminin du principe ; la perspec­tive traditionnelle auquel il correspond n’a pas été intégrée dans la forme islamique qui est une manifestation de pure miséricorde : sous cet aspect, l’Islam présente une affinité avec la fonction mariale et l’esprit de servitude qui en est la marque. (p. 99)
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