Une Douce Vengeance, A Suitable Vengeance dans la version originale parue en 1991, a été publié par les Presses de la Cité en 1993. Bien qu'ayant été écrit après les trois premiers tomes, chronologiquement le roman raconte des événements qui se sont déroulés avant.
Le style de l'auteur est soigné, mêlant une écriture parfois un peu guindée à des expressions modernes, mais toujours très agréable à lire: "C'est alors que Lynley et ses amis purent constater que la statut d'invités d'honneur présentait au moins un avantage, qui était de leur faciliter l'accès aux rafraîchissements. La foule, qui s'était élancée quelques instants plus tôt pour puiser un légitime réconfort dans l'absorption de pintes de Watney et de Bass, s'écarta en effet sportivement sur leur passage, leur permettant ainsi d'atteindre plus rapidement l'estaminet de fortune." (Page 112)...Le ton est résolument moderne, aussi bien dans les tournures que dans le vocabulaire utilisé: "Que tu me croies ou que tu me croies pas, j'en ai rien à cirer. Avoue que j'ai eu le nez creux: si je ne m'étais pas pointé ici ce matin, j'aurais manqué les festivités. Mais peut-être était-ce que tu voulais? Peut-être préférais-tu me tenir à l'écart? Ca t'aurait permis d'étouffer un vilain petit secret de famille. Faut pas que ta petite rouquine les découvre tous à la fois." (Page 77).
Construction: Comme toujours dans les romans d'
Elizabeth George, le rythme est lent, l'auteur prenant le temps d'exposer chaque scène en détails: "Elle sortit de derrière le bureau et s'approcha d'une chaise placée sous une carte du domaine. Elle s'y assit, les poings sur les genoux. Au bout du couloir, la porte claqua contre le mur sous une poussée un peu trop énergique. Des pas retentirent sur le carrelage. Nancy se raidit contre le dossier de sa chaise, dans l'espoir de passer inaperçue de celui ou de celle qui venait d'entrer." (Page 86). Les deux premières parties (soixante-cinq pages) sont consacrées à la mise en place des différents éléments de l'intrigue: protagonistes, interactions et situation entre Tommy, Simon, Deborah et Helen.
Thèmes: trafic de médicaments; profit aux dépens de gens dans la détresse; trafic de drogue, toxicomanie.
Fin juin. Voilà trois ans que Deborah a quitté Londres pour étudier la photographie aux USA. Trois années de silence de la part de Simon. Déroutée et profondément déçue, Deborah a laissé Tommy combler le vide laissé par le silence de Simon et accepté sa demande en mariage.
Afin de célébrer leurs fiançailles, Tommy a invité famille et amis pour un long week-end dans la propriété familiale, Hovenstow. L'été, cette année-là, est particulièrement sec et chaud. L'atmosphère est lourde, à l'extérieur comme à l'intérieur: "Comme l'été avait été jusque-là d'une exceptionnelle sécheresse, une fine pellicule grise habillait les feuilles des rhododendrons qui bordaient l'allée; les arbres surplombant l'avenue semblaient être là moins pour donner de l'ombre que pour retenir prisonnier sous leurs branches l'air sec et lourd." (Page 67). =>Illustrant parfaitement la tension croissante qui règne entre les personnages, pour de multiples raisons que l'on découvrira au fur et à mesure du récit.
Mais le week-end s'avère houleux: relations conflictuelles entre Tommy et sa mère depuis la mort de son père, quinze ans plus tôt; la présence d'un futur beau-père hostile à ce mariage; la présence de Simon, son ami et rival; l'arrivée inopinée de son frère toxicomane et de sa copine; l'intendant qui tente par tous les moyens d'éloigner son fils Mark, ami d'enfance de Peter, de son influence néfaste; fébrilité de Déborah qui doute, se demande si en épousant Tommy elle fait le bon choix; Justin, petit ami de Sid, soeur de Simon, qui s'adonne à son vice malgré sa promesse de n'en rien faire =>Autant de facteurs pour rendre l'atmosphère explosive.
C'est alors que vendredi, après la soirée théâtrale à Nanrunnel, Nancy découvre le cadavre de son mari allongé dans leur salon, émasculé, les tiroirs du bureau sortis de leur logement, de nombreux documents de toutes sortes jonchaient le sol, les photos avaient été arrachées de leur cadre. L'argent des paies des employés du journal disparu. Vol qui a mal tourné? Mais dans ce cas, pourquoi émasculer la victime? Ne s'agirait-il pas plutôt de la vengeance d'un mari trompé? Ou du père de Nancy qui voulait soustraire sa fille d'un mariage malheureux, son mari la trompant avec toutes les femmes qui lui plaisaient? Ou le meurtre a un rapport avec l'article sur lequel Mick travaillait avant de mourir, justifiant ses fréquents déplacements à Londres?
La police locale, convaincue de la culpabilité de John Pennelin, beau-père de la victime, arrête ce dernier. Tommy se trouve alors dans une position délicate: officiellement ce n'est pas son enquête; mais peut-il laisser accuser son intendant sans chercher à y voir plus clair? D'autant que certains détails lui montrent une autre direction. Dans laquelle il compte bien enquêter discrètement avec l'aide de Simon, Helen et Deborah.
Une Douce Vengeance constitue un épisode à part dans la série: d'une part parce que le sergent Barbara Havers, qui deviendra par la suite un des personnages principaux, ne fait qu'une courte apparition à la fin; d'autre part, parce que, pour les lecteurs qui auraient lu les trois premiers tomes, il apporte certaines réponses concernant les relations qui unissent Thomas, Simon, Deborah et, dans une moindre mesure, Lady Helen. Et parce que l'action se situe dans le domaine familial de Thomas Lynley, l'ambiance est particulière, plus feutrée, plus intime que dans les romans précédents.
C'est avec beaucoup de plaisir que je me suis plongée dans ses 432 pages sans jamais m'ennuyer; un peu comme lorsque l'on retrouve le confort d'un vieux fauteuil, ou un vêtement maintes fois porté dans lequel on se glisse avec délectation, ou lorsque l'on chausse nos pantoufles un peu avachies mais offrant un tel réconfort à nos pieds qui ont trop marché.
Lien :
https://legereimaginarepereg..