J'ai lu tous les Gemmell. Je les ai tous adorés : celui-ci ne fait pas exception à la règle !
Ici que de chemin parcouru depuis "
Légende", "Waylander" et Jon Shannow : on se rapproche ici très fortement du haut du panier de la bibliographie de DG... ne manque plus qu'une amélioration du rythme, qu'un travail sur l'atmosphère et un approfondissement psychologique des personnages que va apporter Stella. Skilgannon le Damné, Rigante et Troie s'approchent à grands pas !
La formule utilisée est assez proche de "
Dark Moon" : les 2 romans sont structurés autour des points de vue de personnages de sexes et de statuts sociaux différents qui vont devoir faire cause commune contre un ennemi redoutable et censément invincible (les 5 cités remplacent les 4 duchés, les Almecs remplacent les Daroths). Mais là où "
Dark Moon" est un revival howardien high fantasy, "
L'Echo du Grand Chant" un revival moorcockien science-fantasy : c'est une oeuvre atypique reprenant les thèmes post-apo du cycle "Jon Shannow". Et à la limite cela pourrait être une relecture intelligente du beau film "Les Rois du Soleil" de J. Lee Thompson (des refugiés mésoaméricaines devaient choisir entre asservir les tribus amérindiennes ou s'allier avec contre les frères de races impérialistes et militaristes).
Le roman est de loin le plus moorcockien des romans gemmellien :
- "Elric", pour la civilisation ancienne mais très avancée dominant de jeunes royaumes beaucoup moins avancés
- "Hawkmoon", pour l'empire dystopique qui conquiert le monde dans le sang (Huon et Alméia même combat ?)
- "Erekosë" pour le côté science-fantasy et plein de trucs qu'il faudrait lister (les combats navals, la quête polaire)
Le roman est aussi un festival Roman Emmerich : DG n'a jamais caché sa sympathie pour le cinéma populaire
- "Stargate" (les individus d'une civilisation supra-avancée qui se font passer pour dieux grâce à leur technologie)
- "Le Lendemain du Jour d'Après" (changements climatiques et mouvements de populations qui en découlent)
- "10 000 B. C." (affrontement entre survivants d'une civilisation avancée et les tribus barbares asservies)
- "2012" (catastrophes planétaires avec tremblements de terre, tsunamis, volcans & cie)
Et puis on sent un parfum d'uchronie (merci à MM !) :
Armée du secret de la poudre noire, une civilisation amérindienne part à la conquête de l'Ancien Monde... (Si on ajoute mondes parallèles et PES, on tombe sur Luxley, la très intéressante BD de
Valérie Mangin)
Et puis on sent un parfum stone / bronze / iron / punk (merci MM !) :
le prologue mélange l'anime "Les Mystérieuses Cités d'Or" et le film catastrophe "2012". L'Empire des Avatars n'est pas si éloigné que cela de l'Atlantide du cycle "Jon Shannow". Et que dire des navires dorés almecs et des navires argentés avatars avançant à l'énergie vapeur...
La mise en place est très efficace : on sent le crépuscule d'une civilisation à l'agonie et d'un monde détruit. La quête polaire de Ro et Talaban réussit là où "
Le Navire des glaces" de
Moorcock laissait de marbre. Les thèmes du racisme et de la ségrégation, déjà mis en avant dans d'autres romans, sont bien développés : les Avatars c'est le Richistan vide de sens qui n'existe qu'en écrasant ceux qu'il juge inférieurs (c'est-à-dire tout le monde sauf eux), les Vagars c'est l'Occident complice et victime de ses élites qui a troqué son avenir contre des promesses de paix et de sécurité, les barbares c'est le Tiers-Monde plongé dans la pauvreté et qui essaie de s'en sortir en copiant le modèle occidental, les Almecs c'est l'autre qui fait peur (Russie, Chine, Moyen-Orient : faites votre choix parmi les bad guys du moment). Certains dialogues reprennent les arguments des partisans du colonialisme qu'on aurait aimé ne jamais entendre. Et le cristal-puisage est un nouvel avatar du vampirisme qui développé par l'auteur révèle clairement sa culture politique : les élites narcissiques se servent du système pour vampiriser les forces vives des masses populaires.
Ne vous inquiétez pas, on retrouve tous les leitmotivs gemmelliens traditionnels :
- les petits zooms humanistes qui par petites touches construisent une galerie de personnages tridimensionnels ?
Le who's who est une fois de plus particulièrement fourni, il suffit d'y jeter un coup d'oeil !
- depuis "
Légende", DG a toujours évoqué le chamanisme : cela n'a jamais été aussi explicite qu'ici
- depuis "
Légende", DG a toujours évoqué les PES : cela n'a jamais été aussi explicité qu'ici
- la magie des cristaux, bénéfique ou maléfique, est très proche de celle des Sipstrassi (la Reine de Cristal est clairement une reprise, en mieux évidemment, de la Pierre de sang vivante)
- les personnages romantiques et les histoires d'amours douces-amères ou tragiques ? Rael / Mirani, Touche-la-Pierre / Suryet, l'histoire de Boru, l'histoire de Pendar...
- les batailles entre le bien et mal et entre la noblesse et la vilenie qui se déroulent dans chaque individu ? Les sanglants Almecs sont un reflet des Avatars, la cruel Reine des Morts est un reflet de la Femme Étoile.
Ces reflets inversés font réfléchir à son identité et à ses valeurs comme l'opposition entre les anciens et les nouveaux Chevaliers de la Gabala dans "
Renégats" et entre Macédoine et Dark Macédoine dans "Le Prince Noir".
- la dualité damnation / rédemption ? La dernière chevauchée des immortels est une rédemption collective. Et cela marche très bien car ce coup-ci DG ne se renie pas avec un happy end : les morts tragiques sont légion. Et que dire du supracool personnage de Viruk, le guerrier psychopathe féru de botanique et de jardinage ? anti-héros badass, super-vilain flamboyant, illuminé dangereux, fou furieux ou tout cela à la fois...
Sinon, les bémols habituels également :
- les méchants ne sont pas top : passé la Reine des Morts et son acolyte Cas-Coatl, on tombe dans le déjà-vu
- le personnage de Sofarita est un gigantesque deux ex machina qui permet au roman d'avancer
- le triangle amoureux entre elle et ses 2 soupirants avatars aurait pu être bien mieux développé
- pas mal d'événements font précipités dans le dernier 1/4 du roman (sans que cela soit frustrant pour autant)
- pas mal de personnages qui évoluent trop rapidement (Ro, Talaban, Mejana... trop nbx pour tous les citer)
- pas mal de personnage qui sont survolés (Methras, Pendar, Ammon... trop nbx pour tous les citer)
- des hiatus dans la narration : le POV d'Anu assez discontinu casse le rythme de la tragédie, les POV discontinus des résistants vagars ou des révoltés barbares ne sont pas assez prégnants...
… et il manque carrément un chapitre pour expliquer les règlements de comptes entre Pajistes !
- le changement d'attitude des Avatars au sujet des Almecs puis des Vagars est trop rapide
- la magie musicale n'est pas très facile à cerner, notamment cette fameuse Danse du Temps et cette histoire de magie pour faire léviter les blocs de pierre... allusion à "La Caste des Métabarons" (1992) ?
En fait le roman aurait gagné avec une structuration en POV opposant Avatars supérieurs et Vagars inférieurs. Mais n'en demandons pas trop, le roman date de 1997 et est antérieur au TdF qui va populariser ce procédé.
Les derniers mots du roman appellent clairement une suite : un nouveau combat attend Virkokka et Storro ! Mais quel est le mystérieux adversaire évoqué : l'Empire sorcier de Kuan Hador ? L'Atlantide de Pendarric ? DG a emporté avec lui la réponse à cette question...
Pour la version complète de la chronique, suivez le lien ci-dessous...
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