Paris est pleine d'églises, mais vide de chrétiens, le contraire d'Abidjan. Le paradoxe français est que souvent, les immigrés ont la même éducation vieille France que les xénophobes qui les rejettent.
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Les matins, au portail de l'école, pas une seule mère en pyjama ou en boubou jeté à la hâte sur un corps déformé par les grossesses à répétition, les courses bon marché et la nourriture industrielle.
Symbiose parfaite entre l'algue et le champignon, nous sommes des lichens aux murs de la société. Ils ont plus de mal à exécuter des expulsions quand il y a des hommes blancs et des enfants noirs.
On travaille la terre, mais les plantes se nourrissent d'air et de lumière. C'est 90% de leur poids. Traiter les paysans de cul-terreux est un mensonge. En réalité, ils sont des têtes-en-l'air.
Les écrivains sont comme les assureurs. Tout en portant l'espoir, ils parient sur le malheur. Chez eux, tout est projection.
On devrait donner aux étrangers des cartes de visite plutôt que des cartes de séjour. Les premières invitent à l’exploration, la rencontre ; les secondes invitent à se tenir à carreau, à regarder le monde à travers ses propres peurs et celles des autres.
Le racisme, c'est ça aussi, le triomphe des mythes du groupe dominant. Moi j'ai arrêté de penser en groupe, surtout quand je suis dans un groupe. Je n'aime pas mon voisin parce que c'est un connard. Le fait qu'il soit arabe est un accident de l'histoire. Il faut revenir aux rapports individuels et tu verras...
Par définition, le squatteur n'est pas bâtisseur. Il est un bernard-lhermite, agile pour glisser son ventre fragile dans une coquille abandonnée.
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Le Franc CFA fabriqué à Chamalières en Auvergne et sanctifié à la Banque de France ne prend que des vols aller simple vers les quatorze pays d'Afrique où il règne. A Abidjan, il fait la pluie pour ceux qui n'en n'ont pas, le beau temps pour ceux qui en sont blindés.
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On n'entre pas dans une ville comme on rentre dans un grenier à mil.