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EAN : 9782251454993
231 pages
Les Belles Lettres (03/11/2023)
3.5/5   1 notes
Résumé :
Ni Jésus, ni ses apôtres, pas même Paul, n’ont cherché à fonder une autre religion à côté de celle d’Israël, qu’ils voulaient renouveler dans la ligne de son accomplissement messianique. Néanmoins, à travers les deux guerres juives contre l’empire romain (70 et 135 ap. J.C.), l’Église s’est détachée du peuple juif et un christianisme autoréférentiel a voulu qu’elle le remplaçât – sans y parvenir vraiment – comme peuple de Dieu.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« L'Impossible substitution. Juifs et chrétiens (Ier-IIIe siècles) », un essai de Jean-Miguel Garrigues (2023, Les Belles Lettres, 234 p.).
Autant annoncer de suite la couleur. Catholique baptisé, comme cela était le cas de tous les gamins de mon âge à qui on ne demandait pas leur avis, élevé par les frères par la suite dans les dernières années de lycée. Ce qui m'a permis d'avoir mon bac (les deux, encore à l‘époque), et qui m'a durablement vacciné (sans injonction de nanoparticules) contre toute forme de croyances. Un peu à la façon de Emmanuel Carrère (1957- ) qui, dans « le Royaume » (2014, P.O.L., 640 p.), déclare « A un moment de ma vie, j'ai été chrétien. Cela a duré trois ans, c'est passé ».
Donc, ce qui ne m'empêche pas de lire des ouvrages sur les chrétiens des premiers siècles. Avec tout de suite aussi, cette remarque : sur quelles bases ? Sachant que les principaux textes chrétiens sont datés soit bien avant, soit bien après, cette période des deux premiers siècles de notre ère. Et que les textes des contemporains non chrétiens peuvent être apocryphes.
Une autre remarque préliminaire, le titre de l'ouvrage, ou plutôt le sous-titre « Une doctrine de l'Eglise primitive a généré des siècles de souffrances pour les juifs dans le monde chrétien ». D'emblée, l'auteur parait distinguer les bons des méchants, les opprimés et les oppresseurs. J'aurais préféré compter les coups avant de déclarer le vainqueur du match.
Brièvement, c'est « la doctrine de la substitution », une doctrine chrétienne selon laquelle c‘est Dieu lui-même qui a imposé le christianisme sur le judaïsme. Selon cette doctrine, le peuple d'Israël a cessé d'être le peuple élu et il est maudit parce qu'il a rejeté et tué le Sauveur. Evidemment, on ne connait pas les sources de cette doctrine, comme on dit dans les milieux journalistes. Certes, il est toujours plus facile d'accuser l'autre.
La Défense brandit toutefois « la théologie des deux alliances », qui affirme que l'Alliance de Dieu avec Israël n'a jamais été rompue. Donc, l'Alliance de l'Ancien Testament demeure valide en ce qui concerne le judaïsme. En d'autres termes, la Bible ou la Torah offrent deux voies d'accès au salut. le match est déclaré nul.
La querelle a été relancée après le Concile Vatican II, puis par les papes Benoit XVI, Jean Paul II et François. Elle est superbement illustrée pas les statues de « Ecclesia et Synagoga », sur le double portail sud de la cathédrale de Strasbourg, en face du château des Rohan. Ce sont deux statues de femmes. L'une a la tête droite, coiffée d'une couronne, tenant un sceptre dans sa main. L'autre est tête nue, les cheveux défaits, les yeux couverts d'un bandeau. Elle tient une lance brisée et sa main gauche laisse échapper les Tables de la Loi.
Retour donc aux deux premiers siècles et d'exposer quelles étaient les forces en présence.
Les anciens prophètes. Ce sont Aggée, Zacharie, Malachie. C'est l'époque qui suit le renversement de l'empire babylonien par Cyrus, roi de Perse, en 539. Il ordonne le rapatriement des exilés et de leurs descendants vers leurs terres d'origine. La fin de la vie de Daniel est relatée au début du livre d'Esdras. C'est l'annonce du retour et de la reconstruction de Jérusalem. Ce retour de l'exil à Babylone est le dernier siècle de l'histoire juive, globalement de 538 à 433 avant notre ère. Retour en trois étapes, avec un premier groupe, le plus nombreux, sous la conduite de Zorobabel vers 538. le livre d'Esther informe de la restauration du temple à Jérusalem. Puis un groupe avec Esdras en 458 et un dernier groupe avec Néhémie en 445. Ce sont les écrits de ces deux derniers personnages qui ont permis de connaitre leur retour.
Le général romain Pompée établi la province romaine de Syrie en 64 et s'empare de Jérusalem l'année suivante, en 63. Un peu plus tard, Jules César conquiert Alexandrie en 47 et bat Pompée en 45. le judaïsme est officiellement reconnu comme une religion légale, politique approuvée par Auguste, le premier empereur romain. Hérode le Grand est déclaré « Roi des Juifs » en 40 et la province romaine d'Egypte est établie en 30. C'est la période de Cléopatre, avec l'agonie de l'Égypte face à l'impérialisme de Rome, mais surtout une Cléopatre, tiraillée entre Marc-Antoine et Octave. Cléopâtre qui rêve que son fils Césarion, issu d'une précédente relation avec Jules César, deviendra le « roi des rois » de tout l'Orient. Mais entre temps elle a donné naissance aux jumeaux d'Antoine, Alexandre Hélios et Cléopâtre Séléné II. Ce n'est plus de l'histoire, c'est de la comédie de boulevard. Lire à ce sujet « Les derniers jours de Cléopâtre », roman plus ou moins historique de l'écrivain espagnol Terenci Moix traduit par Anne-Carole Grillot (2023, Hervé Chopin, 372 p.). Roman dont le titre original était plus suggestif « No digas que fue un sueño » (Ne dis pas que c'était un rêve). Bref, la romance s'achève avec l'épisode de la Judée, que « Cléopâtre exigeait également et qui avait été tranché avec un certain tact quand, lors de sa visite à Hérode, la reine d'Égypte avait décidé de la lui céder pour deux mille cinq cents talents annuels ». C'était en l'an 6 de notre ère. Entre temps, il y a eula destruction de Jérusalem et du Second Temple. Enfin Hadrien crée une nouvelle colonie romaine Ælia Capitolina en 130 à la place de Jérusalem.
Presque quatre siècles plus tard, apparait le courant désigné comme « nazaréen », puisque le terme chrétien n'existe pas encore. Ils coexistent avec les « sadducéens », réunion des prêtres du Temple de Jérusalem. C'est, de fait une élite sociale (CSP++) corrompue et en relation d'affaires avec les autorités romaines. Ils sont détestés par le peuple en raison de leur richesse résultat de trafics avec l'occupant. Ce sont eux qui livrent Jésus aux Romains. Il y a encore les « esséniens », qui se sont retirés dans le désert, sans doute à Qumran, où ils vivent dans une forme d'isolement monastique. L'historien juif Flavius Josèphe ainsi que le romain Pline l'Ancien les dépeignent comme des modèles de vertus. Il y a encore les « zélotes » entendent avant tout libérer la terre d'Israël de l'occupation étrangère. Ils incitent le peuple de la province de Judée à se rebeller et expulser les romains par la lutte armée. Enfin, le dernier groupe, le plus nombreux, est celui des « pharisiens », est également le plus important, car il va jouer un rôle décisif dans l'évolution de la religion juive et dans sa relation avec le christianisme débutant. Ils considèrent que l'essentiel de la vie religieuse tient dans la méditation et l'observance scrupuleuse de la Loi. Ils ont cependant beaucoup échangé avec Jésus et ses disciples, comme l'attestent le repas de Jésus chez le pharisien Simon ou son entrevue avec Nicodème. Ils sont les initiateurs de la Torah orale, ancêtre du rabbinisme. Ils s'opposent cependant aux nazaréens sur la distinction du juste par rapport à l'injuste, ou du pur par rapport à l'impur. C'est l'opposition entre les juifs et les « gentils », les non-juifs. Les pharisiens vont se ségréger d'avec les non-juifs, tandis que les nazaréens s'ouvrent aux gentils. C‘est de cette divergence d'opinion que provient la séparation entre judaïsme et christianisme.
La séparation devient effective au cours des deux révoltes juives de 66-73 et de 132-135. Fomentées par les zélotes pour chasser les Romains d'Israël, elles s'achèvent par des défaites juives et la disparition des deux courants : sadducéen et zélote. Les sadducéens disparaissent avec la destruction du Temple de Jérusalem en 70. La lutte armée contre Rome ayant échoué, les zélotes disparaissent. Cela renforce alors le courant pharisien, ce qui réorganise la religion juive. En contre-partie, les nazaréens sont refoulés vers la Transjordanie au nord, puis le lien entre l'Eglise en formation et Jérusalem se distend, jusqu'à s'estomper. Elle est désormais constituée essentiellement de gentils, et fixe à Rome. On considère donc que le christianisme est séparé du judaïsme depuis le milieu du IIe siècle.
Dans cette Eglise primitive, qui se structure à partir d'un rapport d'hostilité au judaïsme, nait la « doctrine de la substitution ». Dieu a envoyé le Messie à Israël, mais celui-ci ne l'a pas reconnu, l'a rejeté et l'a mis à mort. Dans cette hypothèse, la destruction Du Temple puis la dispersion du peuple confirment la condamnation divine.
C'est finalement la conclusion de l'auteur. Une doctrine qui « a généré des siècles de souffrances pour les juifs dans le monde chrétien ». Je me garderai bien d'entrer dans la séquence de « On refait le match ». Cette analyse m'a intéressé, il faut le reconnaitre. L'interprétation qu'en fait Jean-Miguel Garrigues est pour moi, et reste, une interprétation. C'est un prêtre et théologien dominicain franco-espagnol. Il a passé plus de temps que moi sur le sujet et est donc à même de contrôler ses propos. Je regrette simplement qu'il n'y ait pas une lecture contradictoire des faits. Pourquoi avoir attendu 17 ou 18 siècles pour en arriver à une presque repentance. Il est vrai que la défense du pardon fait passer le christianisme pour une religion de faibles qui, selon l'extrême droite, a amorcé la décadence de l'Occident. D'un autre côté pourquoi avoir attendu 17 ou 18 siècles en adoptant la position du peuple opprimé et persécuté. Pourquoi dénoncer (ou ne pas avoir dénoncé) les barbelés de la Shoah si ce n'est pour après construire un mur pour s'y enfermer. Pourquoi prêcher une religion d'amour et tirer les parpaillots comme du gibier.
J'ai commencé cette lecture sur une lecture de la situation des peuples du Moyen Orient, basée essentiellement sur l'archéologie, avec « La Bible dévoilée : Les nouvelles révélations de l'archéologie » des archéologues Israel Finkelstein et Neil Asher Silberman traduit par Patrice Ghirardi (2002, Bayard, 432 p.). L'idée de recourir à des méthodes indépendantes des textes, dits sacrés, mais dont on peut douter quelquefois de leur datation, me plaisait. Cela m'a poussé à aller voir ce qu'en disaient les contradicteurs. On pourra donc lire également l'ouvrage de William G Dever « Aux origines d'Israël. Quand la Bible dit vrai », (2005, (Bayard, 2005. 287 p.). C'est traduit par Patrice Ghirardi de « Who were the Israelites and where did they come from ?» (Qui étaient les Israélites et d'où venaient-ils ?). et pour faire bonne lecture, on comparera avec les écrits d'une philosophe franco-israèlienne « Judaïsme et christianisme. Deux religions contradictoires », de l'écrivain et poète Bluma Finkelstein, (2023, le Bord de l'Eau, 184 p.). C'est un essai sur les oppositions qui existent entre les deux religions monothéistes.

Pour conclure, comme le disait si bien Jacques Prévert « Notre père qui êtes aux cieux, restez y. / Et nous nous resterons sur la terre qui est quelque fois si jolie ».
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