Pour commencer, j'ai choisi, à part exception, de ne plus mettre d'étoiles. Une critique permet à un lecteur de se faire son propre avis quand les étoiles, elles, ne reflètent que le goût de celui qui les met (on ne va pas mettre beaucoup d'étoiles à un livre qu'on n'aime pas, fût-il excellent, alors que dans la critique, on peut nuancer). de plus, j'ai remarqué que chacun avait sa façon de les attribuer, que leur nombre ne représentait pas la même chose pour tous, et qu'elles sont en conséquence sans vraie valeur de représentation.
Ce roman, qui m'attirait pourtant beaucoup à première vue, est une petite déception. La faute à une quatrième de couverture qui m'en faisait attendre tout autre chose. Quand elle nous présente l'auteur comme enseignant à l'université, passionné d'histoire, ayant mis sept ans à écrire ce roman et ayant fait des voyages sur place pour des recherches, on s'attend nécessairement à un niveau élevé. Et de fait, je pensais trouver quelque chose de la veine des romans d'
Umberto Eco. Malheureusement, on en est loin, mais sans doute suis-je trop exigeante.
Au niveau du style d'abord: il est assez agréable pour se lire facilement et se faire oublier, mais justement: il se fait oublier. Pas mauvais, mais rien de remarquable. Difficile de le juger cependant, car il s'agit d'une traduction. Je ne ferai donc pas de procès ou d'encensement à l'auteur quand il n'est responsable en rien du travail du traducteur.
Au niveau de l'histoire, l'auteur nous promettait un distrayant et éducatif voyage dans un époque peu traitée dans des romans. Et recherches il y a eu, cela se sent... un peu trop parfois. En effet, quand des personnages font des tirades bien longues pour expliquer à d'autres personnages comment fonctionne telle ou telle chose de leur époque (alors qu'ils doivent déjà le savoir ou qu'à défaut, vu les circonstances, cela devrait peu leur importer), on a l'impression que l'auteur étale un peu trop ses connaissances et de façon un peu maladroite à destination du lecteur. Quant à faire, j'aurais préféré que l'auteur prenne clairement le temps d'une explication en bonne et due forme de type descriptif plutôt que de la faire donner de façon artificielle par un personnage.
Surtout, s'il prend le temps de détails historiques qu'un lecteur ignorant cette époque n'aurait peut-être pas remarqués (et il aime ça, semble-t-il, vu le nombre de fois où est employé le mot scramasaxe), il commet ce qui est selon moi le pire des anachronismes: un personnage moderne. En effet, malgré le joli décor fouille fin VIIIè s., l'héroïne est clairement d'aujourd'hui, ce qui la rend fort peu crédible. Simple petit exemple: enfant, elle a vécu entouré d'esclaves, mais pour notre histoire, contrairement aux autres personnages, elle les considère à égalité avec elle -d'ailleurs, alors qu'elle a besoin de faire travailler sa terre, elle achète par humanité un esclave infirme (ce qui est stupide, mais bien entendu, ce sera le meilleur, le plus doué et le plus fidèle serviteur qui soit. Puisque c'est l'héroïne, elle ne peut s'être trompée dans son choix).
Du coup, sur le plan historique, aussi renseigné le roman soit-il, à cause de ce personnage, j'ai du mal à y croire. Et c'est regrettable, car derrière tout ça, il y a de vraies connaissances, mais l'auteur a fait le choix de préférer l'action et l'aventure à la crédibilité. Dommage (à mon goût en tout cas). Si j'avais lu les notes de l'auteur qui suivent le roman, je me serais méfiée. Il affirme lui-même que le contexte historique n'est qu'un "vernis qui fait briller les personnages", que l'essentiel est une intrigue rapide... quand je lis ça, j'ai envie de m'écrier: "pitié, dans ce cas, ne faites pas semblant d'écrire un roman historique, présentez-le d'emblée comme un roman d'aventure sans prétention autre". D'autant que des romans historiques où le contexte a une vraie importance et où l'ambiance compte autant que l'intrigue, il en existe de très bons, preuve que c'est possible sans ennuyer le lecteur qui, même habitué au rythme effarant des séries télé est encore capable de comprendre un livre un peu plus lent et complexe (de fait, malgré les affirmations de l'auteur, il y a des moments lents dans ce roman).
Au niveau de l'histoire, justement: on a du mal a retrouver la quatrième de couverture puisque l'intrigue annoncée ne vient que fort tard dans le roman, toute la première partie étant réservée à une intrigue "secondaire" plus ou moins artificiellement rattaché à la suite. Finalement, cette intrigue secondaire est meilleure que l'autre qui se veut trop spectaculaire (mais pourquoi diable les héros devraient-ils toujours changer le monde? N'est-ce pas suffisamment héroïque et beau s'ils sauvent seulement leur famille ou leur ville?) et du coup, peu crédible elle aussi.
Le personnage l'Alcuin est trop visiblement copié sur le personnage du Nom de la Rose (copie et non hommage puisque rien n'est notifié en ce sens. Alors que le personnage du Nom de la rose, justement, inspiré de Sherlock Holmes, ne s'en cache pas avec le clin d'oeil de son nom, Guillaume de Baskerville).
Quant à Theresa, j'en ai déjà parlé: trop moderne, elle est complètement déplacée dans ce roman qui se veut historique, d'autant plus que c'est l'héroïne parfaite et en ce sens parfaitement agaçante (elle est meilleure que tout le monde dans tous les domaines. Même dans ceux qu'elle ne connaît pas ou qu'elle pratique pour la première fois, elle en remontre aux gens expérimentés). Bien entendu, aucune part sombre en elle (et bien sûr, en plus, elle est jolie).
L'auteur a donc fait le choix de faire du distrayant sans plus, utilisant pour ce faire les deus ex machina, trous narratifs et autres clichés à sa portée pour faire du rythme et du suspens à moindre frais, n'évitant pas de ce fait les incohérences et facilités.
Et distrayant, ça l'est, certainement. ça reste efficace. Mais ça aurait pu être tellement plus.
En résumé, ce n'est pas du tout un mauvais livre, mais j'ai eu le sentiment d'une tromperie sur la marchandise avec la quatrième de couverture. Présenté, autrement, je l'aurais lu dans un autre état d'esprit et l'aurais sans doute plus apprécié. Pour ceux qui aiment l'aventure, "l'exotisme historique" sans chercher spécialement de réalisme à ce point de vue, il plaira sans doute beaucoup. Pour ma part, j'en attendais trop et j'ai eu plusieurs fois la tentation de l'abandonner en cours de lecture parce que je n'arrivais pas à y croire.
Il faut le lire en gardant à l'esprit que, bien que l'auteur soit espagnol, ce n'est pas un roman historique à l'européenne, mais bien un roman d'aventure à l'américaine et qu'il respecte les poncifs du genre.
Ce n'est bien sûr que mon avis et d'autres lecteurs en auront certainement un tout différent.