Régis Franc est indubitablement lié à mon enfance. Alors que je ne savais même pas encore lire, j'ai deux souvenirs de bandes dessinées liés aux quotidiens qui se trouvaient chez mes parents : d'abord « Hagar Dunor le Viking » de Dirk Brown qui paraissait dans « Ouest France » et à la même époque les strips du « Café de la plage » publiés, eux, dans « le Matin de Paris ». Ma préférence allait d'ailleurs à ces derniers : j'aimais chercher les petits détails présents en arrière-plan et je m'amusais des mimiques de ces personnages animaliers anthropomorphes . Et Franc a fait de la BD politique, puis du cinéma et nous nous sommes perdus de vue … Mes pas ont recroisés les siens quand étudiante je m'octroyais une pause en lisant ELLE et ses tranches de vie acerbes dans « Fin de siècle »…et puis il a quitté ELLE pour le fog londonien…
Alors quand j'ai découvert son dernier livre «
La ferme de Montaquoy qui court la campagne trouve le chemin » au titre si poétique, j'ai été ravie de nos retrouvailes… surprise aussi car c'est un OLNI ( objet littéraire non identifié) : pas un roman, pas un documentaire sur l'histoire de la France rurale, pas une bd, pas un carnet de croquis, pas un album de photos de famille mais un peu tout cela à la fois !
En trois chapitres,
Régis Franc raconte l'histoire d'une exploitation agricole au sud de l'Essonne, près de la forêt de Fontainebleau. D'abord le fondateur : Ernest Loste, un jeune vigneron ruiné par l'arrivée du phylloxera sur le sol français , parti tenter sa chance à Paris dans le caoutchouc qui fera fortune dans l'automobile et achètera cette ferme et e fera une exploitation pilote ; puis sa fille Madeleine, dite Pat, qui se destinait à être égyptologue et dût reprendre la ferme à la mort tragique de son père. Elle connut les trente Glorieuses, l'agriculture intensive, les résidences d'artiste aussi puisqu'elle accueillit Tinguely et Niki de St Phalle… L'histoire s'achève avec l'arrière-petite-fille, Valentine (la compagne du dessinateur) qui abandonna son métier de costumière de cinéma pour sauver Montaquoy qui périclitait et qui , dotée de cet idées à la minute, redonna vie aux techniques d'antan et développa la ferme en respectant l'environnement .
Cet album est plein de bruits et d'odeurs et empreint d'une grande douceur. Ça sent le pain chaud et les blés gorgés de soleil. le pastel gras participe à cette célébration. Certains dessins rappellent la peinture de plein air et les Impressionnistes tandis que les fusains donnent un côté ancien. le rat des villes
Régis Franc est devenu rat des champs : il a assurément trouvé son chemin en compagnie de Valentine et de son fils Marius. Cette ode à la terre fait du bien au lecteur en cette période d'éco-anxiété et montre qu'on peut entreprendre en communion avec la nature…