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EAN : 9782072877995
368 pages
Gallimard (09/01/2020)
4.08/5   6 notes
Résumé :
Sartre écrit, dans Plaidoyer pour les intellectuels, que l'intellectuel est perçu comme celui qui se mêle de ce qui ne le regarde pas, quand Beauvoir - cela saute aux yeux - se mêle de ce qui la regarde, dans ses livres sur le Deuxième Sexe et sur la Vieillesse.
Depuis quelques décennies, la question sexe/genre a réussi à s'imposer comme problème théorique, et par conséquent comme champ de recherche, lieu d'explorations, de théories. Mais aucune position de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Les mots subversifs de l'émancipation de toustes et de chacune

« Alors le concept, outil de compréhensions donne à la fois le relatif d'un moment donné, et l'absolu de l'exigence d'abstraction »

La reprise avec de petites introductions de textes publiés depuis le début des année 2010. Une invitation à déambuler à la lumière rougeoyante de l'égalité et de l'émancipation. « La colporteuse emprunte le chemin de l'Histoire tout en offrant à qui voudra ce que les événements et les conflits lui ont permis de penser »…

Je choisis subjectivement de mettre l'accent sur les petites introductions de chaque chapitre et quelques analyses. Certains textes proposés sont disponibles, grâce à l'aimable autorisation de l'amie colporteuse, sur ce blog.

En introduction de la première partie, Epistémologie politique, Geneviève Fraisse aborde la question sexe/genre, « cet objet de pensée échappe sans cesse à la sérénité académique », l'espace susceptible de constructions progressives, « L'histoire est un laboratoire où s'élaborent des rêves et des stratégies », les possibles de la pensée féministe, la provenance choisie plutôt que la généalogie, la confrontation de la démocratie et de la république à la différence des sexes, les contradictions (l'autrice utilise ce mot au singulier), « Je propose donc d'« habiter » cette contradiction », la rupture de 68 et l'invisibilité de l'oppression des femmes, l'envahissement de l'espace public par le mouvement de libération des femmes, la temporalité et les contretemps, la reprise d'un fil historique et non l'invention de l'histoire, la pluridisciplinarité, le champ de la pensée…

L'autrice discute, entre autres, d'épistémologie, de construction et de morceaux épars du savoir, de fabrication de l'intelligibilité, d'inscription de la pensée féministe dans un cadre universel, de tensions stratégiques et de leurs conséquences théoriques, de service domestique et de la place du service en démocratie, de démocratie exclusive, « comment la rupture révolutionnaire permet et empêche la pensée de l'égalité des sexes », des deux gouvernements « civil et domestique », d'articulation (terme préférable à conciliation) entre vie privée et professionnelle, de parité, « vraie en pratique et fausse en théorie », de la différence des sexe comme « catégorie vide », de l'opérateur égalité, du fonctionnement social et historique de la sexuation, de la nudité se faisant politique, du mot émancipation, « L'émancipation est un espace complexe et éventuellement contradictoire », de la contiguïté des révoltes, de construction et reconstruction, d'histoire, du pour toutes et du pour chacune…

Je souligne le chapitre sur le contrat sexuel, le travail de Carole Pateman (voir son introduction au livre de celle-ci, lien proposé en fin de note), « le contrat de mariage est un contrat de travail mais l'épouse n'est pas un travailleur. Car la subordination des femmes est une condition et non une conséquence, du contrat de mariage », l'histoire des femmes à contretemps, l'insistance sur « les sexes font l'histoire », la ritournelle faussement explicative de la division nature/culture, la philosophie et le statut refusé aux femmes, le mot sexe que certain·es dissolvent dans le genre, l'historicité des sexes et la sexuation du monde, le caché et le non pensé…



En introduction de la seconde partie, Corps collectif, Geneviève Fraisse revient sur la question du corps depuis trois siècles, le corps politique, « Ce siècle, le XXIe, parle du corps politique, c'est-à-dire du corps collectif, de cet impensé du contrat social et de nos démocraties », le corps mis à disposition, « le corps était à disposition de l'autre sexe, comme bien, comme sexe », la dénonciation de l'usage de leur corps par des femmes, « La mise en commun d'expériences de violation produisit une parole collective publique », du corps comme reconnaissance d'une évidence physique et « forcément humaine »…

Geneviève Fraisse parle du non-dit de la propriété du corps des femmes, de concept et non de catégorie, de l'inégalité des sexes, « Pense-t-on sérieusement que la subversion des sexualités va détruire l'inégalité économique entre les sexes ? », de politique et donc de controverses…

Je souligne les textes sur l'affaire Weinstein, #MeToo, la jouissance du pouvoir, les femmes faisant corps, les révoltes, l'autonomie économique comme condition de la liberté, la prise parole de femmes, la peur de l'égalité des sexes, les débats biaisés autour du puritanisme et du libertinage, le concept « égalité », le nouset le je féministe, « le féminisme dit « nous », sans oublier le « je » ; car il est le lieu d'expressions, de formulations et de rêves », le formel et le réel, le corps, « Alors les corps, comme corps collectif, se rebellent et se remettent au centre de la question démocratique », la lucidité propre à un à-venir, la réduction du genreà des identités sexuelles, les démocrates sexistes, « Mais la révolution Me Too, un événement historique, a brutalement mis en lumière les violences faites au corps collectif des femmes »…

En introduction de la troisième partie, L'épreuve de l'histoire, Geneviève Fraisse discute de l'actualité et de ce qu'elle donne à penser, d'histoire, du consentement, « le consentement est-il un argument politique ? », d'assentiment, de notions et de concepts, de disqualification et de discrimination, « le sexisme ne se répare pas, comme on répare une injustice. le sexisme est un système à détruire »…

L'histoire, l'absence de curiosité des historiens, les femmes tondues à la Libération, un angle mort des analyses, le sexe comme production d'histoire, « Cependant, à la simple échelle du phénomène des « femmes tondues », on comprend qu'il faut réfléchir à son impact dans notre modernité ; réfléchir aux frontières supposées par les pensées de l'époque contemporaine : amour ou prostitution, vie privée ou vie publique, pouvoir des hommes et dépendance des femmes, autonomie de l'individu ou appartenance familiale »…

L'autrice poursuit avec des femmes dans les révolutions, lla complémentarité comme exclusion de fait, le contretemps intrinsèque à l'histoire des femmes, la contradiction permanente entre l'émancipation des femmes et les autres émancipations, le gouvernement et la représentation, le déni et le désir, la grossesse, la réversibilité des droits des femmes, l'habeas corpus, le droit à l'avortement, la compassion papale et la sollicitude d'un présent tourné vers l'avenir, l'expérience individuelle et collective du harcèlement sexuel, « Colère des agressée et, surtout, indication que la domination masculine d'invisible devient visible, trop visible », l'immense difficulté des femmes « à être des égales libres dans un monde d'hommes », l'effet contagieux de la parité politique, la disqualification, « Dans une croyance ou un discours, dans un geste ou un comportement sexistes on comprend que les êtres humains, notamment d'un sexe, ne sont pas de la même « qualité » », les domestiques restées dans l'angle mort de toutes les luttes, le « service » et la démocratie, « Comme la crasse des intérieurs, le sexe fait partie du domaine privé, qu'on (a voulu) veut toujours évacuer du politique »…

En introduction de la quatrième partie, Lignées et abeilles, Geneviève Fraisse revient sur des femmes de la Révolution de 1848. Elle développe l'idée de lignée, l'inscription de la continuité, la transmission du passé, ce qui fait signe vers le futur… puis de l'image des abeilles, de la réalité plurielle et collective du mouvement féministe, des actrices de l'histoire…

Une lignée. Olympe de Gouges, Germaine de Staël, Hélène de Montgeroult, Jeanne Deroin, Jenny d'Héricourt, Clémence Royer ,Julie-Victoire Daubié, Hubertine Auclert, Marguerite Thibert, Simone de Beauvoir

Des abeilles. Lee Miller, Hanna Schygulla, Elisabeth de Fontenay, Claire Etcherelli, Françoise Pasquier, Françoise d'Eaubonne, Antoinette Fouque, Françoise Collin, Dominique Desanti, Simone Veil, Yvonne Knibiehler, et…

« Joëlle l'exigeante, rompue au nomadisme avec un instrument trop difficile à trimbaler ». Je suis personnellement touché par le choix de conclure sans conclure par un texte sur Joëlle Léandre, musicienne et contrebassiste (un certain nombre de ses disques sont chroniqués sous la rubrique jazz), « Joëlle l'impétueuse, entre torrent et murmure, éclat de voix, éclat de rire », la contrebasse, l'improvisation, l'aventurière des sons, « elle veut tout, interpréter, improviser, composer ; être savante et vulgaire, crier et chuchoter », une exemple de cette « singularité universelle »…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Ce livre fut exaltant et riche en nouvelles connaissances. Il donne cette force et cette envie d'atteindre cette égalité des sexes. Je redécouvre le féminisme ou, du moins, je le découvre sous l'opinion d'une philosophe qui nous montre un tout autre point de vue.
Toutefois, je manque de mots et, sûrement, d'un esprit critique approfondi pour réellement comprendre l'impact des paroles de Geneviève. « Le sexisme comme disqualification »
J'ai été surprise de découvrir que ce n'est pas en mettant en avant les stéréotypes présents dans la société, ceux dénigrant la femme, qui allait faire changer les choses. Il faut créer « autre chose » pour que le regard se détache des stéréotypes. En effet, en y faisant sans cesse référence, cela renforce les propos sexistes et stéréotypés. « Est-ce qu'on veut dénoncer ou est-ce qu'on veut construire ? « 

C'est l'émancipation des femmes, sur tous les points de vue : contrat social, droit de divorce, droit de travail, droit de vote, IVG, contraceptions… C'est la découverte de l'ampleur de l'affaire MeToo…
Et c'est aussi la découverte de nombreuses femmes, qui ont mis en avant leurs convictions : le peuple, la condition des femmes et/ou des opprimés, l'émancipation, l'égalité entre les sexes, la mixité, les droits et le travail pour les femmes etc…
À jamais : « l'autonomie économique est la condition de la liberté »

« Quel malheur que d'être une femme, et pourtant le pire malheur quand on est une femme, est au fond de ne pas comprendre que c'en est un »
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Dans cet essai, Geneviève Fraisse se défini comme "colporteuse", son objectif est de nous rapporter des faits, des théories, des pensées, des textes, abordant, de près ou de loin la question des femmes et du féminisme.
Tantôt historienne, tantôt philosophe, elle découpe son ouvrage en 3 parties : épistémologie politique, corps collectif et l'épreuve de l'histoire. Au fil de ses réflexions, elle revient également sur sa propre vie et son parcours, qui ont forgé sa pensé féministe.
Cet essai très complet et exhaustif peut constituer un ouvrage de référence, pour qui souhaiterait développer ses réflexions autour du féminisme. le ton est assez neutre, peu véhément mais direct et objectif.
Je n'ai malheureusement que peu apprécier ma lecture, je n'étais pas dans une démarche d'étude approfondie et j'ai dû m'accrocher pour avancer. Je conseillerai de lire ce livre uniquement dans un cadre de recherche ou d'étude sérieuse du sujet, au risque de décrocher rapidement.
Ce livre a été lu dans le cadre d'un masse critique de Babelio.
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Geneviève Fraisse a choisi le rôle de « colporteuse » pour se présenter et présenter son travail. Elle explique qu'" il n'y a pas de lieu fixe, pas de point de départ assuré et pas d'espace déjà donné à l'objet sexe/genre dans la pensée instituée ". Cet ouvrage est un recueil de "textes divers reproduis pour la plupart intégralement afin de respecter leur cohérence et leur temporalité". L'essai présente l'évolution de la pensée féministe à travers plusieurs modes de pensée à diverses époque. L'ouvrage est divisé en trois parties qui apportent chacune un éclairage différent : "Épistémologie politique", "Corps collectif" et " l'épreuve de l'histoire".

Cet essai est le premier que j'ai lu sur un sujet qui me parle et me touche. Je pense que tout le monde devrait lire cet ouvrage, homme ou femme (ou qui ne se définit pas) pour comprendre à partir de quand le combat de la femme a commencé et se rendre compte du chemin parcouru et de celui à parcourir.

On rencontre dans cet ouvrage des héroïnes. Il est important de mettre en valeur les ces femmes extraordinaires (tout autant que les hommes). J'ai pris beaucoup de notes pour continuer à travailler sur ma pensée féministe. Cet ouvrage est pour moi une référence et permet de continuer notre réflexion. Je pense m'y replonger régulièrement et développer ainsi une pensée féministe cohérente.
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
La colporteuse emprunte le chemin de l’Histoire tout en offrant à qui voudra ce que les événements et les conflits lui ont permis de penser
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On crie à la confusion des sexes alors que les concepts d'égalité (avoir les mêmes droits, les mêmes jouissances) et de liberté (indépendance et autonomie individuelle) sont des principes politiques.
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Le contrat de mariage est un contrat de travail mais l’épouse n’est pas un travailleur. Car la subordination des femmes est une condition et non une conséquence, du contrat de mariage
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Cependant, à la simple échelle du phénomène des « femmes tondues », on comprend qu’il faut réfléchir à son impact dans notre modernité ; réfléchir aux frontières supposées par les pensées de l’époque contemporaine : amour ou prostitution, vie privée ou vie publique, pouvoir des hommes et dépendance des femmes, autonomie de l’individu ou appartenance familiale
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Déconstruisez les stéréotypes qui font les hommes/les femmes, le masculin/le féminin, etc., et une fois que tout est déconstruit, l'émancipation sera là. Non, cela ne fonctionne pas comme ça, ce n'est pas une mécanique, on ne trouve pas l'émancipation à la fin de la déconstruction de la domination.
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Vidéo de Geneviève Fraisse
Comment aimer son corps dans une société qui a longtemps cherché à dissimuler et à modifier celui des femmes ? Comment parler du corps quand sa représentation est toujours sujette à un regard normatif cherchant avant tout à façonner des corps performants et utiles ?
Chantal Thomas, de l'Académie française, est écrivaine et essayiste. Ses livres Souvenirs de la marée basse (2017), de sable et de neige (2021), et Journal de nage (2022) sont des évocations autobiographiques dans lesquelles elle révèle l'histoire de ses sensations et notamment son goût inconditionnel pour la nage et un mode de vie nomade, détaché des servitudes communes.
Geneviève Fraisse, directrice de recherche émérite au CNRS, est philosophe de la pensée féministe. Ses ouvrages La suite de l'histoire, actrices, créatrices (2019), et Féminisme et philosophie, (2020), À côté du genre. Sexe et philosophie de l'égalité (2010), ou encore La sexuation du monde. Réflexions sur l'émancipation (2019) et le féminisme, ça pense ! (2023), réintroduisent le sexe, le genre et le corps au coeur de la pensée philosophique et d'une réflexion renouvelée sur la nécessaire égalité entre les sexes.
Les extraits lus par Ambre Pietri lors de cette soirée mettront à l'honneur le corps, auquel les oeuvres de Chantal Thomas et celle de Geneviève Fraisse assignent une place prépondérante.
La rencontre est présentée par Fanny Arama, docteure en littérature française du 19e siècle.
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