“Les problèmes inhérents au naturalisme visuel ont été clairement décrits dans un texte grec connu comme étant un document apocryphe de saint Jean et que les philologues situent en Asie mineure au IIè siècle après Jésus-Christ. Lycomède, un disciple de Jean, pria un jour un peintre de faire le portrait du saint homme. Jean découvrit le portrait, ne reconnut pas de qui il s’agissait car il ne s’était jamais vu dans un miroir, et le tint pour une idole. Lycomède apporta alors un miroir, Jean compara l’image au portrait et dit:
“Par la vie du Seigneur Jésus-Christ, ce portrait me ressemble. En fait, non pas à moi, mon enfant, mis à mon image charnelle. Car si ce peintre, qui a imité mon visage, veut faire mon portrait, les couleurs qu’il vient de me donner, les tablettes de bois, l’esquisse…, l’aspect, la forme, la vieillesse, la jeunesse, bref tout ce qui est visible le laissera encore dans l’embarras.
Mais toi, Lycomède, soit un bon peintre pour moi. tu possèdes des couleurs que te donne par mon intermédiaire celui qui pour lui-même nous peint tous, Jésus, qui connaît les formes, traits, aspects, dispositions et figures de nos âmes. Mais ce que tu viens de faire est puéril et imparfait: tu as peint le portrait d’un mort.”
Ou pour dire les choses autrement: le réalisme visuel ne tient pas compte de la vie ni de l’âme.”
Si notre époque croyait de manière naïve au pouvoir salutaire et à l'"objectivité" des arts, si elle n'établissait pas de séparation entre l'art et l’État et accordait aux arts des subventions généreuses basées sur les recettes fiscales, si elle faisait des arts une des principales matières enseignées dans les écoles, si notre époque, par ailleurs, tenait les sciences pour un champs d'activité ludique où les joueurs peuvent choisir l'un ou l'autre des jeux proposés selon leur humeur, il serait bien sûr tout aussi pertinent de souligner que les arts sont des sciences. Mais nous ne vivons malheureusement pas à pareille époque.