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4,18

sur 716 notes
Dire que j'hésitais à commencer ce bouquin, que j'avais l'impression que ça serait trop lourd à digérer, qu'il me fallait un truc plus distrayant...
Mon seul regret est celui d'avoir tourné la dernière page de ce que Faulkner considérait comme un tour de force. ( Ben oui, un chef-d'oeuvre en six semaines)
Je me suis fait surprendre par cette odyssée familiale comme par une ébriété qu'on a pas vu venir.
Faulkner maîtrise la narration polyphonique comme personne, et le voyage qu'il nous propose ressemble à une pièce musicale où les voix intérieures de chaque personnage jouent sur leur tonalité propre les harmonies d'un thème principal, ici la mort de la mère, Addie Bundren .
Ainsi, plus qu'à un récit linéaire, on a l'impression de mouvements, d'instants d'intensité variable, avec leurs nuances à mesure que progresse le drame.
La densité de chaque personnage participe pleinement à la force de l'histoire, la dimension psychologique du roman est magnifiquement servie par la technique du courant de conscience que Faulkner utilise.
L'intrigue n'est simple qu'en apparence, les péripéties ne sont là que pour révéler les secrets et les mensonges de chacun, leur véritable nature, leur folie.
Ça pourrait être burlesque, mais c'est définitivement sombre et tragique, comme la terrible sentance que son père répétait à Addie:
Le but de la vie est de se préparer à rester mort.
A peu de chose près, Bundren c'est presque Burden, qui veut dire fardeau...
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As I lay dying
Traduction : Maurice-Edgar Coindreau

Faulkner était le premier à déclarer que, après le refus du premier manuscrit de « Sanctuary », il avait conçu « As I lay dying » comme un « tour de force » accompli pour le bénéfice d'un lecteur bien ébahi de constater que le récit tout simple du voyage d'un cercueil, dans une charrette brinquebalante, par les plaines du Texas, le tient en haleine pendant un peu plus de deux-cent-quarante pages.

C'est que, dans le cercueil, git Addie Bundren, épouse d'Anse à qui elle a donné quatre enfants légitimes, Cash, Darl, Vardanan et Dewey Dell – seule fille de la nichée – ainsi qu'un fils adultérin et né de ses amours éphémères avec le pasteur Whitfield : Jewel. Or, si pauvre et si triste qu'elle eût vécu, Addie était bien le véritable chef de la famille Bundren. Ainsi que beaucoup de paysannes, aux USA comme ailleurs, elle laissait officiellement les rênes du pouvoir à son époux. Mais en réalité, c'était elle qui menait la maisonnée : l'amour et le respect que ses enfants continuent à lui témoigner dans la mort sont là pour le prouver.

Dès le départ – et la fin du roman nous le confirmera – Anse, son mari, apparaît comme ce mélange de ruse et d'entêtement qui est le lot de tant de ruraux de sexe mâle, du moyen-âgeux « Aucassin et Nicolette » jusqu'à l'oeuvre de Faulkner lui-même en passant bien sûr par les féroces portraits de paysans normands que brossa Maupassant.

Ayant promis à Addie mourante qu'il la ferait enterrer à plus de quarante miles de leur domicile, auprès de ses parents, à Jefferson, Anse met donc tout en oeuvre pour ne pas se dédire. A croire qu'il estime déjà que, s'il tient parole, il pourra ensuite faire ce qu'il lui conviendra … (A ce propos, si vous lisez l'édition Folio, mieux vaut passer la préface de Valéry Larbaud afin de mieux goûter toute la férocité de la chute – férocité qui m'a évoqué sur le fond quelques uns des meilleurs textes de Jacques Brel.)

Déjà, c'est le fils aîné, Cash, qui construit le cercueil dans lequel sera enterrée sa mère, alors que celle-ci est encore vivante. Pourquoi lui ? Parce que la famille est pauvre et, ainsi que le rabâche Anse, parce qu'Addie en personne l'a demandé. (Mais le lecteur n'aura pas confirmation de la chose puisque, quand il ouvre le roman, Mrs Bundren ne peut plus dire un mot.) La visite bien tardive du Dr Peabody, appelé à la dernière minute, quand les dés sont jetés, s'effectue d'ailleurs avec le bruit du rabot et de l'erminette en fond sonore mais sans une seule phrase ou plainte de la part d'Addie.

Après le repas funéraire qui voit débarquer les voisins, Mr Tull et sa bigote d'épouse, Cora, toute la famille grimpe dans la charrette avec le cercueil et c'est le départ. Malheureusement, des pluies ont contraint la rivière à sortir de son lit et deux ponts ont été détruits. Ce qui fait qu'un voyage prévu pour durer un minimum va s'échelonner sur une dizaine de jours, sous un soleil de plomb, escorté par les busards qui suivent le convoi car, évidemment, vu le peu de moyens dont il dispose, Anse n'a pu demander à un embaumeur de s'occuper du cadavre et a couché celui-ci tel quel dans le cercueil.

Anse Bundren appartenant malheureusement à cette catégorie de gens qui, à force de gémir et s'attendrir sur leur sort, finissent toujours par attirer sur eux l'attention d'un Destin exaspéré, contretemps et accidents s'accumulent : les mules se noient au niveau du gué où elles n'avaient plus pied et il faut se procurer un nouvel attelage ; dans l'accident des mules, Cash, le fils aîné, se casse à nouveau la jambe et le vétérinaire consulté au hasard de la route ne fait pas grand chose pour améliorer son état ; du coup, on le couche sur le cercueil qui exhale de telles vapeurs que, toutes les fois que l'étrange cortège s'arrête pour passer la nuit, ceux à qui ils demandent asile ont vraiment bien du mérite à le leur accorder affraid ; dans l'espoir de soigner la jambe du malheureux Cash et sur instigation d'Anse, on achète pour dix sous de ciment que l'on touille avec un peu d'eau et l'on verse le tout sur la fracture …

Enfin, après que le cercueil ait failli périr dans l'incendie de la grange du fermier Gillepsie – je vous laisse découvrir dans quelles circonstances le feu s'est propagé – la dernière étape est franchie : Jefferson est en vue. Anse, qui nous serine depuis déjà deux cents pages que ni lui, ni sa défunte ne veulent « rien devoir à personne », descend pour négocier le prêt de deux bêches destinées à creuser la tombe - en effet, s'ils ont emporté le cercueil, aucun n'a pensé à se munir au moins d'une bêche ...

Pendant ce temps, dans la charrette, Cash souffre de plus en plus de sa jambe qui se gangrène. Dewey Dell profite également de la halte pour se procurer une drogue abortive et Vardanan se pose bien des questions sur l'arrestation de son frère Darl par des infirmiers ayant pour mission de le mener à l'hôpital de Jackson où l'on soigne les gens qui ont perdu la raison.

Le cercueil ayant rejoint la Mère-Terre, on peut s'attendre à ce que tout rentre dans l'ordre. Mais Faulkner qui, dès les premières pages, a misé avec un maximum de férocité sur les scrupules d'Anse, partagé entre son désir d'acquérir un dentier et celui de maintenir sa famille à flots, n'en a pas fini avec son lecteur …

Moins puissant que « Sanctuaire », tout aussi impitoyable envers la nature humaine mais bien plus ironique, « Tandis que j'agonise » est encore l'un de ces romans où l'on entre en hésitant, voire en se demandant pourquoi diable on l'a acheté et que l'on finit de lire avant l'aube parce que l'on veut à tout prix en connaître la fin. En 1962, Julien Green disait d'ailleurs à son sujet :

« Il y a là-dedans une sorte de délectation funèbre, mais chaque page est d'une beauté saisissante. C'est une des très rares réussites de ce temps où l'on crie au chef-d'oeuvre à tant de livres insignifiants. » ;o)
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Tandis que j'agonise est un monument de la littérature américaine, un roman fascinant, dont l'écriture est étonnamment moderne, même si au début on est un peu désarçonné par le style, le côté burlesque et apparemment décousu de l'histoire, mais tout s'éclaircit peu à peu.La trame du roman peut se résumer en quelques lignes : Addie Bundren vient de décéder ; sa dernière volonté aura été d'être enterrée auprès de ses parents dans sa ville d'origine ; et son mari, Anse, accompagné de leurs cinq enfants, va traverser le comté de Yoknapatawpha pour tenir sa promesse, transportant ainsi tout au long de son périple le corps en décomposition.
le roman utilise la technique littéraire du courant de conscience: les narrateurs sont multiples, les chapitres de longueur variable, cette technique permettant de donner le point de vue cognitif des différents protagonistes, donne ainsi un récit polyphonique. Les personnages sont frustes et Faulkner traduit cela par des dialogues souvent décousus et aussi par des silences correspondant à la description des sentiments. Tandis que j'agonise n'est pas un drame, mais n'est pas une farce non plus. Ce n'est ni un roman sur la mort ni un roman sur l'amour. C'est un roman sur une certaine forme de déterminisme qui préside dans le sud des Etats-Unis à l'époque de la Grande Crise, où le tragique et le comique ne sont pas traités différemment, et où l'essentiel et le superficiel occupe la même place.
Plusieurs niveaux de lecture peuvent être faits. Un premier niveau est celui de la vie des gens des campagnes quelques dizaines d'années après la fin de la guerre de sécession, avec leurs rapports rugueux, l'imprégnation de la religion dans les moeurs de ces ruraux, leurs conditions d'existence dans une extrême pauvreté. Dans ce monde du sud américain dont les valeurs se lézardent après la guerre de succession, l'accumulation des points de vue narratifs subjectifs qui se succèdent impose la logique d'une approximation . Un second niveau de lecture, plus intéressant, s'attache à la psychologie des personnages. Ce dernier apparaît en toute lumière au milieu du roman avec le monologue d'Addie, personnage central, dont la mort intervient assez vite mais une mort qui ne semble pas être totalement prise en compte par les enfants. Plus surprenant, la morte, qui est omniprésente, se souvient de son cercueil au milieu des siens, de sa rencontre avec Anse, de son mariage, des enfants qu'elle a eus avec lui, et de ceux qu'elle lui a donnés pour masquer le secret de la naissance de Jewel qu'elle eu avec pasteur Whitfield. Elle n'a en fait jamais aimé son mari, comprenant que son mariage est synonyme d'asservissement.
Pour cette femme la valeur des mots “ ne sevent à rien, les mots ne correspondent jamais à ce qu'il s'efforcent d'exprimer”. Elle considère que seul Jewel est son enfant, et que les autres enfants sont à Anse. L'absence du monde, de celle qui lui a donné naissance aux enfants, nourrit les monologues, avec des regards successifs des enfants sur leur mère tous différents.
Il y a dans ce roman des scènes inouïes comme celle où la charrette avec le cerceuil, traversant une rivière en crue chavire, où encore celle où Darl, considéré comme fou mais qui est sûrement le plus intelligent, met le feu à une grange et menace ainsi le cercueil qui sera sauvé par Jewel. Des scènes où règnent la folie et la poésie dans un monde déstructuré.
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J'ai eu un peu de mal au début du livre, il faut un petit temps d'adaptation. L'écriture y est très particulière, peu ou trop de ponctuation, les mêmes phrases répétées, pour donner l'impression d'être au milieu de cette famille qui veille la mère mourante. On suit le travail de deuil de chaque membre de la famille, narrateur à tour de rôle et ensuite le trajet vers le lieu d'inhumation choisi, à travers les fleuves en crue, les détours et la puanteur du corps pendant plus d'une semaine. Je n'avais pas lu Faulkner depuis plus de 15 ans et ce roman me semble plutôt différent des autres, mais très intéressant aussi à sa façon, envoûtant même.
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Cette histoire absurde et grotesque est écrite comme du théâtre. Elle est racontée par les différents personnages, sous la forme de monologues intérieurs, mais ils sont trompeurs, car nourris de nombreux dialogues et de points de vue extérieurs. Les situations se dessinent donc au fur et à mesure, révélant une "épopée" funéraire d'une modeste famille du sud des Etats-Unis. La volonté inexpugnable du père d'enterrer son épouse à Jefferson, en plein mois de juillet, malgré l'orage et les crues de la rivière tourne au ridicule et au comique.
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Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un livre de Faulkner. Tandis que j'agonise nous plonge à nouveau dans la vie rude et précaire des fermiers des états sudistes au début du XXème siècle : ici, on assiste au décès d'Addie Bundren et il s'agit pour son époux (Anse) et ses enfants (Cash, Darl, Jewel, Dewey Dell et Vardaman) d'aller l'enterrer au cimetière de Jefferson. Ce qui me fascine à chaque fois, c'est le sentiment que j'ai d'être emporté alors même que la lecture est exigeante : la narration est faite d'une succession de dialogues intérieurs, émanant de personnages différents, qui se moquent éperdument de l'existence du lecteur qui doit donc reconstituer par lui-même, petit à petit, le contexte et l'histoire. Il y a quelque chose de très ludique là-dedans. Comme souvent chez Faulkner, les secrets de famille et les valeurs morales sont au coeur du récit. L'accès aux dialogues intérieurs montre alors le poids de la religion plus ou moins agrémentée de paganisme selon les personnages.
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Après Sartoris et le bruit et la fureur, je continue mon exploration de l'univers de William Faulkner avec Tandis que j'agonise. Et ce roman revient vers un style moins torturé, plus lisible. Et ce n'est pas un mal.

Dans ce roman, on retrouve le tragi-comique comme je l'avais découvert dans Sartoris. Loufoque, gagesque dans le fond mais rarement traité par l'humour par William Faulkner. le ton est sérieux. le décalage est surprenant et donne un univers particulier dont la ruralité et la simplicité des caractères deviennent mythologique lorsque toute la famille part dans une quête surréaliste.

Tandis que j'agonise est un roman polyphonique suivant la même action. Il y a encore chez William Faulkner cette voix de la paysannerie du sud des États-Unis à l'accent prononcé et dont, je le suppose, la traduction est dans l'impossibilité de rendre complètement compte toutes les nuances et les richesses. Ici, les voix se ressemblent! On y perd un peu en compréhension car il y a beaucoup de narrateurs.
La suite sur le blog…
Lien : http://livrepoche.fr/tandis-..
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L'histoire consiste en un voyage funéraire entreprit par Anse Bundren et ses enfants. Addie Bundren a demandé d'être enterré à Jefferson avec sa famille. Plusieurs jours seront nécessaires pour amener le cercueil à destination. Les mésaventures seront au rendez-vous tout au long du périple tout comme l'odeur du cadavre qui se décompose...

Une belle découverte que cet auteur américain du début du siècle. J'avais quelques appréhensions, car les classiques ne sont pas mon genre de prédilection, mais j'ai été touché par cette histoire étrange et dérangeante d'une famille misérable. Tout au long du récit règne une ambiance des plus morbide. Ce n'est pas ce que j'appelle une lecture agréable, mais c'est un récit d'une grande puissance qui m'a secoué.

Le livre est présenté sous forme de monologues intérieurs, les personnages se succèdent d'un chapitre à l'autre. J'aime bien ce procédé qui nous montre ce que chacun pense de cette situation. L'écriture de Faulkner est très belle, j'ai bien apprécié découvrir le langage particulier de l'époque. Il décrit d'une façon remarquable la folie, la pauvreté, la misère qui habitent ses personnages.

Un auteur de grand talent!
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Anse Bundren veut respecter la promesse faite à sa femme : la transporter morte près des siens. S'en suit un incroyable voyage auquel participent Cash, le charpentier boiteux, Darl, le fils qui semble habité par un esprit mauvais, Jewel, dont on apprend qu'il est un fils adultérin, Vardaman, le plus jeune des fils d'Anse et Addie et Dewey Dell, l'unique fille.
Je n'ai pas lu ce livre pour en savoir plus sur les pauvres du sud américain dans les années trente mais pour renouer avec Faulkner. Ombre et lumière, vérités et mensonges, calculs et vilenies, instants de vérité, tout est là dans ces monologues où apparaissent tour à tour la cruauté ou la solitude des protagonistes. La Bible est une référence permanente dans ce texte dont l'audacieuse construction est un tour de force. le passage centrale où Addie, la mère, parle de son mariage, de la tentation amoureuse et de l'abandon progressif qui l'a animée est prodigieux...
Je reste très impressionnée par ce grand livre et la capacité qu'a Faulkner de sonder l'âme humaine pour en débusquer tant la laideur que la beauté...
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La mère agonise pendant q'un de ses fils construit son cercueil, puis décède. le père lui a promis de la faire enterrer à Jefferson d'où elle vient. Une crue survient qui entraîne le pont: la famille au grand complet, le père les 3 fils et la fille amènent le cercueil par des voies longues et détournées, suivis progressivement par un nombre croissant de vautours et chassés par les gens à cause de l'odeur du cadavre.

Le livre est constitué de monologues intérieurs des membres de la famille et des gens qu'ils ont l'occasion d'approcher. C'est une équipée tragi-comique, on plonge dans le sordide et dans sublime, on vit cette histoire de l'intérieur des personnages. D'une construction brillante, d'une fine drôlerie, de l'absurde parfois j'ai trouvé ce roman moins bouleversant que d'autres livres de Faulkner, qui l'a qualifié d'ailleurs de"tour de force".
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