Un auteur contemporain, Paul Arfeuilles ("L'épopée chevaleresque", Bordas, 1972), résume bien le problème en écrivant : « Misérable reste donc toute l'histoire de la chevalerie qui, après l'avoir fait surgir d'une ténébreuse barbarie germanique, miraculeusement domptée par l'eau bénite, la contraint à disparaître tout aussi mystérieusement en une restriction aux formes purement extérieures sans même apercevoir le schéma philosophique qui se cache derrière et qui déchire le voile historique... n'y a-t-il pas lieu, en effet, de retrouver enfin l'Évangile intemporel de cette religion de l'action pieuse, avant de s'étonner de l'étroite parenté qui existe entre la saisie des grands thèmes religieux dans les croyances et les dogmes d'une part et d'autre part, les références mystiques qui dominent toute la chevalerie ? »
Le château est donc bâti sur un point naturel ou artificiel qui figure, pour les ésotéristes, la montagne cosmique. Celle-ci - point de rencontre du Ciel et de la Terre - apparaît immuable. Centre du monde, elle assure la stabilité de ce dernier. Le château fort est donc le symbole de la permanence du pouvoir seigneurial. (...)
Le château atteste l'origine divine du pouvoir temporel. Au Moyen-Âge, celui-ci a la même origine que le pouvoir spirituel. (...) Il s'agit là d'un héritage des civilisations antiques traditionnelles dans lesquelles le roi est l'intermédiaire entre le Ciel et la Terre. Or le seigneur administre son domaine et rend la justice au nom de Dieu.
Symbole de protection (...), le château est également signe de transcendance.
L'apparence massive et statique des forteresses médiévales ne saurait faire oublier que les pierres ont une âme.
Les murailles que nous venons d'observer ensemble, les ruines que nous venons de visiter sont des écrins de l'histoire. Et chacun de ces écrins renferme un joyau identique, permanent et suprasensible : l'égrégore chevaleresque.
Bien sûr, le château est aussi l'image de la matrice universelle, du refuge intérieur de l'homme, de la caverne du coeur, du lieu de communication intime entre le divin et l'humain. Ce n'est pas par hasard si sainte Thérèse d'Avila décrit l'ascension spirituelle de l'âme par le passage dans sept château successifs.
Entouré d'une enceinte protectrice (fossé, courtine), le château revêt ensuite le symbolisme du temple : c'est un endroit réservé. (...) Par ailleurs, la géométrie, science sacrée par excellence, intervient dans l'élaboration des tracés et profils de ses éléments architecturaux.