Un pavillon de banlieue, un couple de retraités et leurs filles, gendres et petits-enfants réunis au salon pour le traditionnel déjeuner dominical : rien que de très banal me direz-vous, et rien de bien poilant. A priori.
Oui mais voilà, c'est Fabcaro aux manettes ! Fabcaro et son humour déjanté, Fabcaro et son imagination délirante, Fabcaro et son goût prononcé pour la déconne, le second degré et la glissade incontrôlée dans l'absurde !
Rien d'étonnant alors à ce que tout parte en vrille dès la 2ème page, et que les gags les plus extravagants se multiplient comme vache qui pisse [ça ne veut rien dire ? Ah bon ?] autour de cette épineuse question : de quoi peut-on bien discuter à l'occasion d'un repas de famille ?
Et c'est là qu'autour de la table, tout le monde sèche...
Un ange passe, puis deux, puis toute une tripotée, et chacune des tentatives désespérées des uns des autres pour mettre un sujet sur la table (la météo, la politique, les résultats scolaires du p'tit dernier, la discussion à propos des avantages et inconvénients du département du Cantal, les commentaires gastronomiques sur le menu du jour...) tourne invariablement au fiasco.
On s'inquiète, on demande conseil aux voisins, on s'encourage timidement, puis on se chamaille comme à Gravelotte [encore loupé ? Zut...], on s'invective puis on se menace carrément ("Elle dit que si on continue à la harceler, elle va nous inscrire à une AMAP et il nous faudra aller chercher un panier de légumes tous les mercredis en parlant décroissance avec des gens en sandales !"), et enfin on s'en prend aux gosses à coups de fourchette dans l'abdomen (faut dire qu'ils saoulent tout le monde, ceux là, avec leur jeu des 7 familles dysfonctionnelles(*) ), mais rien n'y fait, ça ne prend pas.
Pendant ce temps, le lecteur - en l'occurrence bibi - se bidonne bien comme il faut, en se demandant où l'auteur va chercher tout ça.
Il apprécie au passage le trait léger, les expressions et les postures des personnages, ainsi que toutes ces petites incises venues de nulle part.
Et que dire enfin de ce choeur antique (au milieu duquel un intrus, est subtilement dissimulé : je laisse aux plus observateurs d'entre vous le soin de l'identifier !) tout droit sorti d'une tragédie grecque, et débarquant de temps à autre dans la salle à manger pour commenter certaines scènes ?
Non décidément, ce mec a vraiment un grain, et avec lui la moindre situation peut à tout moment basculer dans la dinguerie la plus azimutée.
Pour les amateurs (dont je suis !), l'effet comique est garanti et entre deux lectures un peu plus "consistantes", ce petit intermède sans prétention s'avère tout à fait appréciable, ne serait-ce que pour oublier un instant les législatives, le prix du gaz, la sortie du prochain album d'Aya Nakamura et toutes ces catastrophes qui s'enchainent comme neige au soleil [toujours pas ? J'abandonne.]
Pour les autres, les allergiques à l'absurde et au non-sens, ce n'est sans doute pas la peine d'insister : ici peut-être plus qu'ailleurs, Fabcaro fait du Fabcaro et il est tout à fait possible que son humour franchement foutraque vous laisse de marbre.
Je vous aurai prévenu, inutile de venir vous plaindre après coup ("Qu'est-ce qui m'a pris de choisir cette BD avec toutes les BD qu'il y avait à la librairie ? Pourquoi j'ai pris ça alors que pour quelques euros de plus y avait le dernier
Riad Sattouf ?")
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(*) - Dans la famille "Boulghour et Curcuma", je voudrais la mère ergothérapeute...
- Je l'ai pas, tu pioches...
- Dans la famille "Manif pour tous", je voudrais le père avec le pull sur les épaules...
- Tiens...
- Et les onze enfants...
- J'ai pas...