Bernard Duvillié invite le lecteur à une réflexion globale sur la préhistoire et les tout débuts de l'histoire des mathématiques sans faire l'impasse sur le coeur du sujet. Ainsi les différents chapitres sont constitués d'un pan historique et d'un autre pan où les concepts mathématiques sont développés comme dans un manuel. Ces développements conséquents ont été parfois ardus pour le néophyte que je suis mais ils ont le mérite de ne pas contourner la difficulté comme on peut le voir un peu trop souvent dans les essais de vulgarisation mathématique.
L'auteur introduit son ouvrage par plusieurs chapitres consacrés à une histoire courte de la genèse de l'Univers à l'émergence de l'écrit en passant par les différentes étapes de la Préhistoire humaine. C'est là que le bât blesse. Outre la forme linéaire, les informations sont pour le moins imprécises et datées (même pour un ouvrage initialement édité en 2000 en grand format). L'intérêt du coeur de l'ouvrage est bien réel et l'on se demande la plus-value de ces longs chapitres introductifs. Si l'idée de l'auteur de discuter de l'émergence de la conscience chez les hominidés est intéressante en soi, il n'utilise pas les matériaux qui pourraient asseoir la discussion et qui étaient déjà largement disponibles à la fin des années 1990. Par exemple, les connaissances des préhistoriens sur les industries lithiques (en pierre donc) lui auraient permis de discuter de l'émergence des concepts volumétriques abstraits parmi nos lointains ancêtres.
La plus grande partie de l'ouvrage m'a toutefois captivé. L'un des éléments les plus questionnants d'un point de vue épistémologique est la transformation de mathématiques empiriques aux mathématiques abstraites par Pythagore et son école. Par l'entremise de leur conception mystique, cette école antique a en effet permis aux mathématiques de se constituer en corpus théorique ayant pour objet les nombres en eux-mêmes. En résumant, le saut rationnel a été propulsé par la mystique...ce qui évoque la dynamique de la réflexion newtonienne...