Comment se construire en tant que petite fille, adolescente puis femme quand sa propre mère deploie son energie à contrarier et humilier sa propre fille, quand la mère devient jalouse de cette petite fille qui pourrait devenir rivale et qu'il faut annihiler pour continuer d'exister ?
C'est ce que décrit
Marie Estelle Dupont dans ce témoignage très personnel, son enfance et son adolescence sous la domination d'une mère qui souhaitait un fils et qui a, dejà avant sa naissance, fragilisé sinon fracassé la fratrie plus âgée de quatre frères.
Difficile donc d'identifier sa mère comme une perverse narcissique quand l'amour maternel dans la première cellule relationnelle, est érigé comme la valeur cardinale familiale la plus noble et la plus importante (et qui reste un tabou) alors que cet amour laisse la place à de la frustration et de la jalousie de la part de la personne que l'on aime le plus au monde et qui vous rejette.
Comment, quand on est un enfant, réagir à la jalousie de sa mère qui alterne humiliations, dénigrement, chantage affectif, menace de suicide et prise en otage en prétendant que cette enfant est la seule à la comprendre et à pouvoir la sauver ? Toutes ces injonctions paradoxales et contradictoires ne peuvent que destructurer l'enfant qui va dans certains cas, développer le syndrome de Stockholm (aimer et défendre son bourreau) ou s'ériger en sauveur, c'est à dire protéger sa mère pour empêcher son suicide, menace constante pour infléchir l'enfant...
En convoquant ses souvenirs et les nombreux épisodes de maltraitance qu'elle subit de l'âge de trois ans jusqu'à la trentaine,
Marie Estelle Dupont relate les mécanismes de protection et d'autodéfense qu'elle a dû mettre en place pour survivre physiquement et psychiquement, une lutte sous-tendue par une volonté de vivre et une force cérébrale qui lui permettront d'embrasser des études de psychologie qu'elle mènera en suivant elle même une psychothérapie pour ne pas reproduire ce qu'elle a enduré.
L'anti-mère est un récit puissant qui paraîtra peut-être extrême pour qui a connu une enfance équilibrée, une confiance transmise par des parents attentifs, mais c'est un témoignage nécessaire pour ceux qui ont été ravagés dans leur enfance par des parents toxiques, sans comprendre qu'ils n'étaient en rien responsables.
Je n'ai qu'un petit bémol après la lecture de ce récit, c'est le langage parlé qui renforce le caractère personnel du témoignage (on sent que les blessures sont toujours vives) mais déséquilibre et limite la portée universelle du témoignage
L'anti-mére est un témoignage édifiant et horrifiant, nécessaire pour identifier les mécanismes de destruction mis en place dans une relation toxique et avoir quelques clés pour l'infléchir, reprendre confiance en soi et se reconstruire malgré tout..