Cette BD nous fait suivre le parcours de Jade, condamnée à 24 mois de prison pour avoir servi de "mule" entre la Guyane et la métropole, de son entrée à la Maison d'Arrêt des Femmes à sa sortie.
Elle est accueillie par Florence et Maryam, membre du collectif "Pluri'Elles", créé en 2015, sous l'égide de Médecins du Monde dont l'objectif premier était d'améliorer la situation sanitaire des détenues mais qui a été élargi à l'amélioration générale des conditions de vie des femmes emprisonnées, qui représentent environ 3,7% de la population carcérale, souvent marginalisées.
Muriel Douru a écouté le témoignage de nombreuses détenues afin d'être au plus près de la réalité. Elle nous fait partager le quotidien de ces femmes en abordant les thèmes souvent tabou de la sexualité, de la drogue, de la santé, mais aussi celui des surveillantes qui expliquent comment elles conçoivent leur métier. Elle émet aussi des critiques à l'égard de l'extrême lenteur de la justice (attente de jugement depuis 3 ans et incarcération depuis), de la complexité des extractions (sortie escortée de prison pour aller à l'hôpital, au tribunal,..), des conditions de vie déplorables dans certaines grandes prisons comme Fresnes.
J'ai ressenti de la colère lorsque
Muriel Douru nous explique pourquoi les femmes ne peuvent pas porter de débardeur même par canicule; devinez!!!!
pour ne pas exciter les surveillants; encore une fois, on fait supporter aux femmes, on les rend responsables de la faiblesse des pauvres petites choses masculines qui ne peuvent réfréner leurs pulsions. C'est le même discours qui prétend que si une femme se fait agresser, c'est parce qu'elle l'a cherché en portant des tenues affriolantes!!!!
J'ai été surprise de constater que le désespoir, la rage, la violence ne sont que très peu évoqués; il semble qu'il y ait un parti pris de l'auteure pour souligner les aspects positifs (sororité, empathie, bienveillance, écoute...) et pour oblitérer les aspects négatifs; cette impression est renforcée par des couleurs claires, lumineuses,du ciel bleu, des espaces ouverts et propres.
Cette BD complète très bien l'étude faite par
Elvire Emptaz en 2023, intitulée "
Je suis dehors. Quelle vie pour les femmes après la prison?" qui évoque l'après mais également l'enfermement. On y retrouve des points évoqués par cette BD, comme entre autres, la prison comme société dans la société, le choc carcéral mais aussi, paradoxalement en apparence, la peur de sortir, de quitter l'espace protégé que représente la prison pour certaines femmes en butte aux violences extérieures, à l'isolement, au rejet.
Une lecture passionnante, instructive et qui fait réfléchir.
#Sortirdelombre #NetGalleyFrance