Il est 21h45 quand je tourne la dernière page de ce livre incroyable. Il m'a fallu cinq jours pour le lire. Vous devez vous dire que je suis lente car cinq jours pour 235 pages, c'est beaucoup. Mais «
Trois fois la fin du monde» n'est pas une lecture que l'on bâcle. Bien au contraire. On savoure, on déguste un tel talent. Car désormais quand on parlera de
Sophie Divry, on parlera obligatoirement de talent. Si je peux vous donner un premier conseil avant de lire ce livre, je vous direz de ne pas le lire son résumé. Surtout pas. Cela gâcherait votre lecture. Je viens de le lire pour tout vous avouer. Oui ! Juste après avoir refermé un livre, j'aime lire son résumé.
Étrange, non ?
Tout ça pour dire que je viens de le lire et que si je l'avais lu avant, j'aurais été déçu de ma lecture. Certain résumé en dévoile beaucoup trop. C'est le cas ici. Mon second conseil serait de vous dire de lire ce livre. LISEZ CET OVNI. Car oui ! C'est ainsi que je le qualifie. C'est un ovni. Mais un ovni épatant. En le refermant, j'ai ressenti ce besoin d'écrire immédiatement ma chronique et croyez moi si la luminosité de mon appart n'était pas si pourri, j'aurai pris une photo pour vous poster cette chronique dans la seconde. LISEZ CE LIVRE. J'insiste probablement lourdement mais vous ne le regretterez pas, croyez moi. Pour tenter de vous convaincre, en plus de mon avis, différents passages du livre seront glissés dans cet article. Alors delectez-vous !
« Il cherche aussi de quoi s'habiller, de quoi se chausser, de quoi se soigner, de quoi lire, tout ce dont un homme a besoin.»
Trois fois la fin du monde est un condensé de poésie, d'humanité, et de psychologie. Aussi incroyable que cela puisse paraître, on évolue tout d'abord dans le milieu carcéral avec le personnage de Joseph, enfermé pour complicité de braquage avec son frère, tué lors de leur arrestation. Avant ce jour, Joseph était un bon garçon avec une bonne situation, qui n'avait jamais commis aucun délit. Il finit donc incarcéré. Sa naïveté va le pousser à devenir ami avec des gens qui sont loin de lui vouloir du bien. La prison vous me direz. On se retrouve très clairement dans la jungle. C'est ainsi que je l'ai ressenti. C'est sombre, glauque et effrayant. Ce personnage Joseph m'a clairement touchée en plein coeur. Je me suis prise d'une profonde affection pour lui. Il a été si simple de me le représenter car l'auteure a le sens du détail. Un jour, une explosion nucléaire change la vie de Joseph, lui permettant de sortir de prison puisque la plupart de la population française est morte et que désormais le pays se divise en zone contaminée et en zone protégée. Joseph a subi la prison comme une atteinte à son intimité, à son besoin de solitude. Par conséquent, il est évident pour lui qu'il évoluera seul dans la zone contaminée. À partir de là, on suit Joseph dans sa tentative de reconstruction après la prison, mais aussi dans sa tentative de survie seul face à l'univers
« J'ai tellement envie d'être seul maintenant. Entièrement seul. le besoin de solitude me torture presque physiquement. Ah, qu'on me donne de l'air, de l'espace. Combien je donnerais pour ne plus voir personne, pour ne plus les entendre, ces hommes, ces détenus, ces corps près du mien, ne plus les voir bouger, combiner, dominer, causer, ne plus les entendre mastiquer, se gratter, ronfler, pisser, et répandre autour de moi toute cette saloperie d'humanité. »
Chaque mot est parfaitement choisit par l'auteure afin de donner une atmosphère oppressante au roman tout en captivant suffisamment le lecteur pour ne pas lui permettre de lâcher son livre. J'ai lu ce livre en apnée constante, me poussant à faire des pauses afin de reprendre ma respiration. Habituellement le côté post-apocalyptique d'un roman a tendance à me perdre de par le fait que j'ai beaucoup trop les pieds sur terre. Ici, c'est le point déterminant du tournant de la vie de Joseph. Et c'est épatant. Celui-ci rêve de solitude jusqu'au jour où cette même solitude, tant désirée, le pousse à la folie.
Dans «
Trois fois la fin du monde», on suit nettement la destruction psychologique d'un homme. J'ai été incroyablement surprise de la façon dont
Sophie Divry décrit la violence de cette destruction parce qu'elle fait preuve d'une sensibilité à laquelle on ne s'attendait pas. Chaque instant est conté que ce soit la description d'un lieu, d'un événement ou même d'un personnage.
« le temps passe cruellement, lentement, et l'envie d'hurler, hurler comme un fou, me prend parfois en retour de promenade, quand la serrure tourne avec un bruit sinistre et que je suis enfermé pour 48 heures dans cette cellule noire. J'ai envie de tuer, de frapper et de mourir. »
Ce que j'en retire, c'est que chaque moment est vécu par son lecteur. J'ai eu peur lorsque Joseph mourrait de peur. J'ai tremblée lorsque celui-ci subissait différentes horreurs. J'ai espéré lorsque l'espoir lui était donné. le roman de
Sophie Divry paraîtra à coup sûr parmi les plus belles et surprenantes lectures de ma vie de lectrice. Tout comme le personnage de Joseph a pu se frayer un chemin dans mon coeur pour le toucher profondément.
« Les heures passent, aucun médecin ne vient. Cet abandon me déchire plus que la douleur physique, il déçoit une attente profondément ancrée dans mon esprit. La détresse me submerge. C'est une souffrance atroce d'être ainsi abandonné, surtout quand on sait que derrière les portes, par-delà les coursives, au fond d'un autre couloir, il y a un médecin, une infirmerie, mais que ces gens ne seront pas prévenus. Je ne suis pas seulement battu en dehors de toute justice, mais laissé sans secours. J'aurais tellement besoin qu'on me porte assistance, que quelqu'un d'étranger à toute cette histoire vienne prendre mon pouls et faire les gestes convenus. J'attends en vain, blêmissant et tremblant, sans rien pour me couvrir. »
Je ne sais pas si j'ai réussi à vous convaincre de vous lancer à l'aveuglette dans ce roman, ce qui est sûre c'est que si ce n'est pas le cas, vous manquerez probablement l'une des lectures les plus bouleversantes d'humanité de votre vie.