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sur 310 notes
L'homme est-il un loup pour l'homme ? La réponse après la fin du monde.

Alors que la littérature SF se cantonne à UNE fin du monde, la littérature blanche anticipe TROIS fois la fin du monde. A la ramasse la SF ?

Une première fin du monde personnelle : suite à un braquage qui tourne mal, Joseph va découvrir le deuil de la perte de son frère et l'univers malsain de la prison. Une deuxième fin du monde, celle ci due à une catastrophe, va le délivrer de sa descente aux enfers. La troisième fin du monde, je vous la laisse découvrir.

Passez de l'univers carcéral à la nature reprenant ses droits aurait pu relever du grand écart impossible, l'auteur parvient ce tour de force sans encombres. Nous passons de la prison, la violence et la promiscuité à la solitude,
A travers le récit de Joseph, passant du je au il au fil des pages, nous découvrons sa vie quotidienne et sa tentative de survie dans des mondes hostiles inconnues de lui. L'homme s'adapte laissant toutefois chaque fois une part de son humanité ou la retrouvant. La solitude prend des aspects différents : face à ses codétenus à la prison où il faut s'endurcir pour survivre, la solitude est un havre de paix, une porte vers la liberté. Mais quand le monde est déserté, la solitude devient une épreuve, un enfermement. L'homme est il un animal solitaire ou collectif ?

Un livre à l'écriture poétique, violente ou crue qui nous fait découvrir le chemin d'un homme a la recherche de son humanité perdue. Ça se lit d'une traité et j'ai vite été happé par le récit, les pointes d'humour cynique et le ton goguenard de Joseph permettant des respirations bienvenues.

Quelques bémols cependant. La réalité carcérale décrite me semble assez convenue et ne diffère guère de ce que l'on voit dans les films. N'ayant jamais eu le déplaisir de découvrir la détention, est ce décrit de manière fictive ou sociologique, le doute est permis.
En tant que fan de SF, je ne peux que déplorer que la catastrophe ayant provoqué une fin du monde manque de réalisme, un post apocalyptique version littérature blanche, mais d'une belle et réelle intensité poétique. en deux pages, la messe est dite, mais fort bien.

L'amateur intransigeant de SF qui se risque à cette lecture risque une bien belle déconvenue. Ce court roman plaira toutefois aux lecteurs occasionnels de mauvais genres qui aiment les belles plumes, la forme plus que le fond.

Avis réalisé dans le cadre d'une opération spéciale Masse critique Babelio.
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Et bien voilà un bien beau livre que celui-ci.
Il m'a fait penser à "Le mur invisible" et également à "Dans la forêt".
Roman dit "d'anticipation", un homme se retrouve tout seul après une attaque nucléaire, une catastrophe planétaire qui a tué tous les êtres vivants, sauf certains apparemment.
Quid du titre ? Trois fois, ce sera la fin du monde pour Joseph, sa fin du monde. Trois fins du monde qui le changeront totalement. Et c'est ce changement, cette métamorphose qui sont bougrement intéressants.
Et que Sophie Divry a merveilleusement bien décrit.
Tout d'abord la prison, brutale, sans pitié, douloureuse.
Puis la catastrophe elle-même, totale, déchirant tout.
Enfin, et c'est la partie la plus longue, sa vie solitaire d'homme, Robinson des temps modernes, mais point de Vendredi.
Il s'organise, et c'est très touchant.
Il fait avec la nature, il est presque la nature, celle qui prend toute la place, peut-etre trop parfois.
Et puis l'hiver survient et avec cette saison difficile, Joseph tombe dans un état dépressif où il n'a plus d'envie, de désir, de courage.
Car du courage il en faut et il n'en manque pas !
J'ai beaucoup aimé le retour du printemps, le renouveau, la sortie de l'hiver, et du coup, le retour de Joseph à la vie. Quelle belle écriture !
Il réussit à se faire des amis animaux, un mouton et une chatte.
Le style est double ; d'un côté la voix du narrateur, de l'autre celle de Joseph, avec ce sabir bien particulier des hommes des cités.
Les descriptions sont magnifiques, presque de la poésie.
J'ai retrouvé un peu de ma chère Marguerite Duras, c'est dire le talent de Sophie Divry.
J'avais pourtant lu des commentaires bien négatifs sur ces anciennes oeuvres, mais là, j'ai succombé à son charme.
Un homme seul, face à lui-même, dans une nature hostile qui a repris ses droits.
J'ai eu un vrai coup de coeur pour ce roman.
Et la fin, on ne la voit pas venir.
Ce livre à toutes les chances de remporter un prix litteraire, je crois d'ailleurs qu'il est en lice pour le prix Landerneau.
Madame Divry le mériterait amplement.


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Trois chapitres, trois épreuves abominables pour subir trois fois la fin du monde : le prisonnier, la catastrophe, le solitaire. Dès les toutes premières pages, l'enfer s'affale sur Joseph Kamal lorsqu'il est jeté en prison après un braquage raté. Son frère est mort, les matons le tabassent et les détenus le manipulent et l'humilient. Ces pages sont d'une noirceur sordide, immonde, poisseuse. Mais l'écriture de Sophie Divry hurle et s'impose immédiatement dans sa justesse et son élégance terreuse.
J'avoue, au début je trouvais que ça sonnait un peu bancal: malgré la plume splendide, j'avais du mal à me plonger dans l'histoire car je sentais que c'était l'horreur d'un jeune homme écrit par une femme. Et puis au fil des pages, au fur et à mesure que la prison arrache lentement, sournoisement, violemment, le reste d'innocence qui pulsait en Joseph, là j'ai commencé à y croire vraiment. C'est devenu impitoyablement beau. C'est devenu fort, puissant et caverneux.
On mâche les sons, on sent la haine et la terreur qui remuent dans le ventre, on est tout près des coups infligés et des insultes crachées. Et puis la Catastrophe sème la mort et la désintégration. Une explosion. L'atmosphère irradiée. Une scène d'apocalypse. Joseph parvient à s'échapper lors de l'évacuation de la prison : il abandonne ici sa vie d'avant pour une nouvelle existence en mode survie au milieu de cette France dépeuplée.
Évidemment, il y a un avant et un après la taule. A l'image de l'homme qui s'est endurci, se faisant aussi résistant que du béton, le langage de Joseph est beaucoup plus âpre et grossier. On en vient presque à se demander s'il aurait survécu à la Catastrophe sans être passé par la dureté de la prison.
Convaincu d'avoir été sauvé parce qu'il est immunisé, replié dans une cabane perdue dans un bois, Joseph cogite, organise ses journées, dérobe sa nourriture dans les maisons et supermarchés désertés, et se bat pour défendre son bout d'existence. L'une de ses obsessions les plus têtues : se cacher des flics à la recherche de "pillards" pour les mener en zone sécurisée. Joseph ne veut jamais plus avoir affaire aux flics. Alors il se fait minuscule et imperceptible, sans pour autant se délester de son esprit de guerrier, même si parfois une immense mélancolie l'étreint…
La solitude alors. L'écrasante et infinie solitude. N'être entouré par aucune voix, dialoguer avec soi pour ne pas devenir fou. Joseph s'organise tels les naufragés de Jules Verne sur leur île mystérieuse, repousse de plus en plus le monde des hommes qu'il trouve barbare, cruel, se demandant tout de même à quoi ressemble la zone des réfugiés, là-bas, à coups de "que font-ils les Autres ? Comment vivent-ils là-bas ? Où ils sont, aujourd'hui ? Ils sont tous morts ou bien ?"
Et puis un jour un son nouveau, particulier : un mouton devant lui comme une apparition miraculeuse, qui va fêler son isolement, un mouton auquel il va profondément s'attacher et qu'il nomme Chocolat…
"Trois fois la fin de monde" est une expérience sociologique et philosophique, presque mystique, qui nous conduit aux limites du tolérable, jusqu'où l'homme n'est plus qu'un corps à apaiser, jusqu'où le coeur déborde à force de ne pas pouvoir s'épancher et où l'âme menace de briser à tout instant. Un roman qui nous confirme que malgré le désir parfois viscéral de s'éloigner des gens et de la société, l'être humain n'est pas fait – pas né – pour vivre seul et qu'il est prêt à tout pour se créer un semblable à qui s'accrocher.
Même si j'ai été moins sensible à cette longue partie dans laquelle les mots de Joseph basculent presque dans une vulgarité inutile, l'ensemble du roman me laisse une impression fascinante de poésie absolue, très noire et très puissante. Certains paragraphes sont sublimes et le final est magnifique. En conclusion, c'est le tout premier roman de Sophie Divry que je découvre mais assurément pas le dernier.
Merci à Babelio et aux éditions Notabilia qui ont fait le choix d'une couverture épurée mais surtout d'une police de caractère extrêmement agréable à lire – et c'est suffisamment rare pour devoir être mentionné.
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À la suite d'un braquage avec son frère qui tourne mal, Joseph est arrêté et envoyé en prison. Enfermement et promiscuité, sévices et humiliations. Notre héros apprend à vivre en côtoyant l'inhumanité qui caractérise l'univers carcéral. Jusqu'au jour où tout bascule, où notre monde s'effondre en raison d'une catastrophe nucléaire.

Par chance, Joseph fait partie des rares rescapés. Il parvient à s'évader et trouve refuge dans une ferme reculée à l'écart de toute civilisation car celle-ci a fui la zone sinistrée. Après l'enfer de la détention, notre protagoniste goûte de nouveau à la liberté, se reconstruit peu à peu. Il tire profit de la nature qui l'entoure, son esprit s'apaise et il s'organise pour survivre seul. Mais, en dépit des animaux qui lui tiennent compagnie, notre Robinson doit faire face à un sentiment de solitude de plus en plus lourd à porter.

C'est le premier roman que je lis de Sophie Divry et j'ai été séduite par sa plume alerte ainsi que par l'originalité de l'histoire. Un récit qui ne manque pas d'audace de par notamment son changement de narrateur inopiné.

Si je reste un peu perplexe quand au message délivré par l'auteure lors de cette introspection déroutante, la lecture s'est malgré tout avérée agréable. Il faut néanmoins faire abstraction du manque de crédibilité qui entoure la catastrophe.

Une rencontre étonnante et singulière avec un Robinson des temps modernes. Une expérience de lecture qui sort des sentiers battus.
Lien : https://mesechappeeslivresqu..
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Le jour du braquage, Joseph Kamal perd tout, son frère, sa dignité , sa liberté. C'est donc par la prison que commence le roman, la dureté de l'univers carcéral y est dépeinte sans concession, Joseph a envie de tuer, de frapper, de mourir. Dans cette cellule à six, il rêve de solitude. Puis arrive la catastrophe nucléaire, on n'en saura pas plus, elle est seulement l'élément déclencheur de la nouvelle vie de Joseph puisqu'il réussit à s'échapper et va devoir vivre seul dans cet environnement désertifié. Mais la solitude n'est-elle pas aussi un enfer ?
La plume de Sophie Divry oscille entre rudesse et tendresse, âpreté et poésie. Oppressante dans la première partie, l'écriture passe de la description à la réflexion, aux émotions, à une envoûtante ode à la nature. Nous entrons aisément dans le corps et l'esprit de Joseph, une part de lui est en nous, on se questionne avec lui, on survit avec lui.
L'auteure signe un roman à la fois d'une extrême violence et d'une étrange beauté, elle creuse l'âme humaine pour en exposer les rouages et les contradictions.
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Sophie Divry nous emmène sur les trace d'un Robinson Crusoé des temps moderne; Joseph Kamal.
A la suite d'un braquage qui à mal tourné, celui ci est jeté en prison .
Suite à une catastrophe nucléaire, celui ci en profite pour s'échapper et se déploie dans une ferme en compagnie d'un chat et d'un mouton .

"Trois fois la fin du monde "
Quelques longueurs parfois nécessaire j'ai bien aimé ce roman qui est un entretien avec nous même, en y ressent la nature et parfois la folie.



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« L'enfer, c'est les autres ? »(+ ou- Jean-Paul Sartre)

D'abord, La Prison : A la suite d'un braquage qui a mal tourné, un prisonnier subit des humiliations dans les cellules surpeuplées d'une prison. La solitude lui semble un moyen de mettre fin à cette promiscuité d'avec ses semblables.
“J'ai tellement envie d'être seul maintenant. Entièrement seul. le besoin de solitude me torture presque physiquement. Ah, qu'on me donne de l'air, de l'espace. Combien je donnerais pour ne plus voir personne, pour ne plus les entendre, ces hommes, ces détenus, ces corps près des miens,
ne plus les voir bouger, combiner, dominer, causer, ne plus les entendre mastiquer, se gratter,ronfler, pisser, et répandre autour de moi toute cette saloperie d'humanité.”
Son souhait est entendu. Une catastrophe technologique inexpliquée advient : une fin du monde.
Mais comment survivre, dans un monde déserté par les humains ?
Le héros oscille entre réinventer un monde dans une nature mystérieusement préservée.
« La pluie ne tintinnabule plus, elle gronde, régulière, musicale, sobre. Les herbes luisent, les herbes sont secouées. Joseph reste à respirer l'odeur extraordinaire. Les cailloux, eux-mêmes boivent l'eau qui tombe, tout exhale un soupir de contentement………Un monde sans ces hommes et ces femmes-ci……C'est dans la grande Zone du contre-monde, son Domaine à lui. »
Et le désespoir de son accablante solitude.
« Se baquer tout seul, c'est pas fun. On peut se taper des barres avec personne. ”
L'irruption d'un mouton et d'un chat qu'il apprivoise, semblent le satisfaire.
“Une délicieuse tendresse irrigue ses membres. La pensée que cette chatte est un don du domaine.Un signe d'alliance. Assis auprès du feu avec l'animal sur ses genoux, il lui semble désormais que son foyer est plus sûr, enfin complet.
Oui, il ne lui manque rien. ”
Mais la Nature ne sauve pas. Elle n'a pas de morale.
Et Il doit répartir du Domaine et fuir. Soudain « L'avion vole et disparaît, mais dans un ciel, il a laissé une longue flèche à travers son corps, la longue flèche qui mène vers nous »
La nature ne console qu'un temps. « Les hommes doivent vivre ensemble. C'est autrement plus difficile que de partir se construire son petit paradis écolo tout seul dans son coin en laissant tomber le destin commun ». (Entrevue avec Sophie Divry)
J'ai beaucoup de tendresse pour l'histoire de Robinson Crusoé, celle de Daniel Defoe (un des premiers livres offert à Noël)
J'aime bien l'histoire du Petit Prince (et je ne suis pas le seul) dont le renard voudrait bien qu'on l'apprivoise.
Mais ce Conte moral est clair comme de l'eau de roche.
Trop clair.
Seul, parfois, un « il » qui parle, introduit un peu de souffle, d'ampleur.

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J'ai bien aimé l'ensemble du roman, j'ai cependant été gêné par les transitions abruptes, celle avec le policier arrive comme un cheveu sur la soupe et la seconde également avec son idée étrange d'aller dormir dans la nature. Deux situations que je trouve mal amenées.

Les descriptions sur l'angoisse et le désespoir du jeune homme sont bien décrites, tant dans l'univers carcéral que seul dans le hameau abandonné, notamment pendant la période hivernale.
La joie et le bonheur au contact d'autres êtres vivants sont également bien analysés.

C'est un livre agréable à lire avec de jolies descriptions poétiques de la nature. Mais dans le même genre, je préfère le roman de Marlen Haushofer » le mur invisible », plus abouti.
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Il est 21h45 quand je tourne la dernière page de ce livre incroyable. Il m'a fallu cinq jours pour le lire. Vous devez vous dire que je suis lente car cinq jours pour 235 pages, c'est beaucoup. Mais «Trois fois la fin du monde» n'est pas une lecture que l'on bâcle. Bien au contraire. On savoure, on déguste un tel talent. Car désormais quand on parlera de Sophie Divry, on parlera obligatoirement de talent. Si je peux vous donner un premier conseil avant de lire ce livre, je vous direz de ne pas le lire son résumé. Surtout pas. Cela gâcherait votre lecture. Je viens de le lire pour tout vous avouer. Oui ! Juste après avoir refermé un livre, j'aime lire son résumé. 

Étrange, non ? 

Tout ça pour dire que je viens de le lire et que si je l'avais lu avant, j'aurais été déçu de ma lecture. Certain résumé en dévoile beaucoup trop. C'est le cas ici. Mon second conseil serait de vous dire de lire ce livre. LISEZ CET OVNI. Car oui ! C'est ainsi que je le qualifie. C'est un ovni. Mais un ovni épatant. En le refermant, j'ai ressenti ce besoin d'écrire immédiatement ma chronique et croyez moi si la luminosité de mon appart n'était pas si pourri, j'aurai pris une photo pour vous poster cette chronique dans la seconde. LISEZ CE LIVRE. J'insiste probablement lourdement mais vous ne le regretterez pas, croyez moi. Pour tenter de vous convaincre, en plus de mon avis, différents passages du livre seront glissés dans cet article. Alors delectez-vous !

« Il cherche aussi de quoi s'habiller, de quoi se chausser, de quoi se soigner, de quoi lire, tout ce dont un homme a besoin.»

Trois fois la fin du monde est un condensé de poésie, d'humanité, et de psychologie. Aussi incroyable que cela puisse paraître, on évolue tout d'abord dans le milieu carcéral avec le personnage de Joseph, enfermé pour complicité de braquage avec son frère, tué lors de leur arrestation. Avant ce jour, Joseph était un bon garçon avec une bonne situation, qui n'avait jamais commis aucun délit. Il finit donc incarcéré. Sa naïveté va le pousser à devenir ami avec des gens qui sont loin de lui vouloir du bien. La prison vous me direz. On se retrouve très clairement dans la jungle. C'est ainsi que je l'ai ressenti. C'est sombre, glauque et effrayant. Ce personnage Joseph m'a clairement touchée en plein coeur. Je me suis prise d'une profonde affection pour lui. Il a été si simple de me le représenter car l'auteure a le sens du détail. Un jour, une explosion nucléaire change la vie de Joseph, lui permettant de sortir de prison puisque la plupart de la population française est morte et que désormais le pays se divise en zone contaminée et en zone protégée. Joseph a subi la prison comme une atteinte à son intimité, à son besoin de solitude. Par conséquent, il est évident pour lui qu'il évoluera seul dans la zone contaminée. À partir de là, on suit Joseph dans sa tentative de reconstruction après la prison, mais aussi dans sa tentative de survie seul face à l'univers 

« J'ai tellement envie d'être seul maintenant. Entièrement seul. le besoin de solitude me torture presque physiquement. Ah, qu'on me donne de l'air, de l'espace. Combien je donnerais pour ne plus voir personne, pour ne plus les entendre, ces hommes, ces détenus, ces corps près du mien, ne plus les voir bouger, combiner, dominer, causer, ne plus les entendre mastiquer, se gratter, ronfler, pisser, et répandre autour de moi toute cette saloperie d'humanité. »

Chaque mot est parfaitement choisit par l'auteure afin de donner une atmosphère oppressante au roman tout en captivant suffisamment le lecteur pour ne pas lui permettre de lâcher son livre. J'ai lu ce livre en apnée constante, me poussant à faire des pauses afin de reprendre ma respiration. Habituellement le côté post-apocalyptique d'un roman a tendance à me perdre de par le fait que j'ai beaucoup trop les pieds sur terre. Ici, c'est le point déterminant du tournant de la vie de Joseph. Et c'est épatant. Celui-ci rêve de solitude jusqu'au jour où cette même solitude, tant désirée, le pousse à la folie.

Dans «Trois fois la fin du monde», on suit nettement la destruction psychologique d'un homme. J'ai été incroyablement surprise de la façon dont Sophie Divry décrit la violence de cette destruction parce qu'elle fait preuve d'une sensibilité à laquelle on ne s'attendait pas. Chaque instant est conté que ce soit la description d'un lieu, d'un événement ou même d'un personnage. 

« le temps passe cruellement, lentement, et l'envie d'hurler, hurler comme un fou, me prend parfois en retour de promenade, quand la serrure tourne avec un bruit sinistre et que je suis enfermé pour 48 heures dans cette cellule noire. J'ai envie de tuer, de frapper et de mourir. »

Ce que j'en retire, c'est que chaque moment est vécu par son lecteur. J'ai eu peur lorsque Joseph mourrait de peur. J'ai tremblée lorsque celui-ci subissait différentes horreurs. J'ai espéré lorsque l'espoir lui était donné. le roman de Sophie Divry paraîtra à coup sûr parmi les plus belles et surprenantes lectures de ma vie de lectrice. Tout comme le personnage de Joseph a pu se frayer un chemin dans mon coeur pour le toucher profondément. 

« Les heures passent, aucun médecin ne vient. Cet abandon me déchire plus que la douleur physique, il déçoit une attente profondément ancrée dans mon esprit. La détresse me submerge. C'est une souffrance atroce d'être ainsi abandonné, surtout quand on sait que derrière les portes, par-delà les coursives, au fond d'un autre couloir, il y a un médecin, une infirmerie, mais que ces gens ne seront pas prévenus. Je ne suis pas seulement battu en dehors de toute justice, mais laissé sans secours. J'aurais tellement besoin qu'on me porte assistance, que quelqu'un d'étranger à toute cette histoire vienne prendre mon pouls et faire les gestes convenus. J'attends en vain, blêmissant et tremblant, sans rien pour me couvrir. »

Je ne sais pas si j'ai réussi à vous convaincre de vous lancer à l'aveuglette dans ce roman, ce qui est sûre c'est que si ce n'est pas le cas, vous manquerez probablement l'une des lectures les plus bouleversantes d'humanité de votre vie. 
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Qui dit trois récits en un dit donc trois chroniques en une :

« Une fois la fin du monde » : Candide en prison

C'est un récit carcéral sous tension que propose Sophie Divry, d'autant plus traumatisant que son personnage n'est pas un voyon habitué des barreaux mais un jeune homme paumé, un « primaire » comme on dit dans le jargon local, qui se retrouve pour la première fois en taule et découvre à ses dépens les règles cruelles de cet univers. Parce qu'il a voulu faire preuve de loyauté envers un grand frère constituant sa seule famille, Joseph voit sa vie s'arrêter à 22 ans et tente de survivre dans l'enfer carcéral fait de coalitions entre détenus puissants et gardiens. C'est âpre, violent, révoltant.

« Deux fois la fin du monde » : les dents de la mort

Une brève nouvelle sert d'interlude entre deux mondes : l'univers clos de la prison et celui, totalement ouvert, dans lequel Joseph, devenu Jo, pourra se révéler. Cet entre-deux, c'est le basculement du monde occidental en même temps que celui de la vie du protagoniste. Une catastrophe nucléaire façon Fukushima et la France se retrouve divisée entre une zone sécurisée, au nord, et une zone sinistrée jonchée de cadavres, au sud. On y trouve quelques rares immunisés, parmi lesquels Jo, chanceux pour une fois. Profitant du faible nombre de surveillants restants pour assurer le transfert des prisonniers, Jo s'échappe et se planque dans une épicerie déserte qui lui fournit des vivres. Jusqu'au jour où un deuxième homme apparaît. Faut-il s'entraider dans ce monde dévasté ou bien considérer qu'il n'y a plus la place pour deux ?

« Trois fois la fin du monde » : il faut cultiver notre jardin

Le style se fait bucolique dans cette dernière partie, plus lyrique aussi, à mesure que Jo change. Seul homme à des kilomètres alentour, le jeune qui ne se voyait pas d'avenir découvre ses capacités insoupçonnées dans la solitude : son corps s'endurcit avec les travaux des champs, son esprit s'affine à échafauder des plans et lire des livres pratiques pour devenir un fermier accompli, son coeur fait la paix avec le passé et se découvre des aspirations de bon père de famille. Comme s'il avait fallu en passer par la disparition de l'espèce humaine pour que l'unique survivant au milieu d'une nature généreuse reparte sur des bases saines. On se prend à s'interroger : et si Jo trouvait une femme avec qui recréer une société idéale ? Ou s'il vivait ainsi en ermite entouré d'animaux façon Saint François jusqu'à la fin des temps ?

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