Dès les premières pages, le ton est donné : Valérie, l'épouse de Michel, rentre chez elle avec Hadrien, leur fils. Michel vient de remonter de la cave, effondré, deux sacs poubelle noirs à la main. Il vient de les trouver dans le congélateur. Elle lui" jette sa haine au visage, comme si elle le giflait.
- Pourquoi ! Pourquoi es-tu allé chercher ça ?! Qu'est-ce que tu as fait ! Tu n'avais pas le droit, ils sont à moi !"
On pense bien sûr immédiatement à l'affaire dite des "bébés congelés", qui avait provoqué beaucoup d'émotion il y a quelques années. Il y a effectivement quelques points communs, mais l'auteur, qui semble fasciné par la maltraitance exercée sur des enfants, va beaucoup plus loin, et nous entraîne dans une histoire aux multiples facettes, à l'image des différents personnages qui se révèlent parfois bien différents de l'image qu'on avait d'eux.
Le récit est constitué d'un patchwork d'histoires, de protagonistes qui semblent n'avoir aucun point commun, de temporalités qui se télescopent, et de narrations passant du "je", quand le chapitre concerne Samia, à l'impersonnel quand il est centré autour de quelqu'un d'autre. Même les typographies varient selon que l'on est dans le présent ou le passé. Je ne ferai pas de résumé de ce roman, de toute façon il est presque impossible à synthétiser, mais j'ai quand même envie d'en présenter les "héros", si l'on peut dire. Dans l'ordre d'apparition : Michel
Béjart, dont la vie tourne autour de la protection des enfants, à travers la Fondation Ange, qui aide également des couples infertiles à adopter. Hadrien, fils de Michel, handicapé en fauteuil suite à un terrible accident survenu alors qu'il n'avait que 5 ans. Il est maintenant adulte, et vit chez son père. Valérie, mère d'Hadrien, qui a causé l'accident en question suite au drame évoqué dans les premières pages. Elle a disparu du paysage ensuite...
Alex et Juliette, heureux parents d'Aurore, qui vient de naître, mais dont le bonheur sera de courte durée. Tout comme celui d'Adélaïde et Charles de Murgy, eux aussi parents d'un nouveau-né, qu'on croisera un peu plus loin dans l'histoire.
Jeanne Muller, commissaire divisionnaire à la brigade des mineurs de Paris, quinqua encore séduisante, sans enfants mais avec Maserati Grandturismo. Comme on est dans un polar, il va y avoir une enquête, et c'est elle qui va s'en charger avec son équipe. Mais elle est également impliquée dans une autre affaire...
Une autre affaire qui concerne Samia, jeune protégée de la commissaire qui l'a sortie de la prostitution et placée chez un couple bienveillant qui l'aide à se remettre sur les rails. Mais parfois il est compliqué de tirer un trait sur son passé, surtout lorsqu'on n'a pas totalement coupé les ponts avec les relations d'avant, dont Jennifer, une amie pas toujours très fiable...
Le couple bienveillant, c'est Monique et
Jean-Pierre, qui ont déjà traversé de dures épreuves au cours de leur vie. Parfois, ça laisse des traces indélébiles...
On croisera Daniel aussi, ancien "client" de Samia, mais qui ne cherchait qu'une oreille compatissante lors de leurs rendez-vous.
Et puis il y a cette femme sans nom, qui fréquente les pharmacies, qui fait ses courses très vite, et qui aime les enfants, mais pas quand ils pleurent...
N'oublions pas la poupée "reborn", ce jouet pour adultes en mal de bébé.
Et les plus importants, ceux autour desquels l'histoire tourne, même si on ne les entend pas trop : les bébés !
Voilà, maintenant je vous laisse imaginer les interactions entre tous ces personnages, et croyez-moi, vous serez surpris ! Jusqu'à la dernière ligne de la dernière page, vous découvrirez qui ils sont vraiment derrière les façades, et accrochez-vous, parce que ce n'est pas toujours très joli...
Vous l'aurez compris en voyant ma note, j'ai adoré ce thriller psychologique riche en rebondissements, où l'auteur nous balade d'un chapitre à l'autre sans lien apparent, jusqu'à ce que la connexion se fasse, parfois où on ne l'attendait vraiment pas. C'est l'un de ces livres dont on a un mal fou à s'arracher, même s'il est deux heures du matin et qu'il faudrait vraiment dormir, parce qu'on se lève très tôt... Beaucoup de noirceur dans l'âme de certains personnages, beaucoup de cruauté, mais pas de descriptions sanglantes ou malsaines, ça "passe" relativement en douceur, alors qu'en fait le sujet est l'un des plus cruels qui soit. On n'est ni dans la suggestion ni dans l'exhibition crue, et cet entre-deux nuancé m'a séduite.
Je ne connaissais pas
François-Xavier Dillard, mais j'avais vu ses premiers romans exposés dans une librairie, et je m'étais fait la réflexion qu'il semblait vraiment focalisé sur les enfants en voyant ses titres et les couvertures. (D'ailleurs celle de "
L'enfant dormira bientôt" représente un angelot recroquevillé, yeux fermés, sur la joue duquel coule une larme.) Et j'avoue que j'avais eu un mouvement de recul, trouvant cela vaguement malsain, en tout cas je n'ai eu aucune pulsion de lecture à cette vue. Et quand Nathan de Babelio m'a envoyé le mail m'annonçant le titre du dernier polar de la série envoyé aux "Ambassadeurs Plon" dont je fais partie, j'ai même été un peu déçue. Bien à tort, je le reconnais, puisque finalement parmi cette série de six romans, celui-ci est l'un de mes favoris.
D'ailleurs c'est le moment de remercier Nathan, Babelio, et les éditions Plon de m'avoir fait la faveur de me choisir pour cette Masse critique spéciale, une bien belle aventure que je continuerais volontiers. Mais voilà, les meilleures choses ont une fin, et celle-ci est parvenue à son terme, en beauté.
Maintenant, place à une série de lectures Jeunes Adultes, et entretemps à la MC de septembre, que je n'ai pas encore eu le temps d'ouvrir. Pas de pénurie de livres en vue ces prochains temps !